Réflexion: Le “Mali Kura” ou le nouvel âge politique et citoyen

0

Le privilège humain sur le reste de la création est bien celui de l’Idéel. Là où la Pensée n’a pas déserté, reste plus que de l’espérance, un champ des possibles.

 

 

Qui est déjà tombé connaît le prix du Chemin. Pour s’élever, il faut avoir appris à sonder la profondeur des abysses. Qui n’a jamais tremblé dans la torpeur de la nuit ne connaît pas la valeur de la lumière du jour. Chaque peuple trébuche, tombe et apprend de ses propres erreurs et de ses propres fautes. La crise malienne est le résultat d’une dissonance cognitive, ce refus des vérités qui taraudent le confort des peuples qui ne sont jamais rassasiés de flatteries car comme l’individu, les Peuples et les Nations aiment être célébrés. Le roman des nations célèbre les grands empires. Les matches de football sont des moments-baromètres pour mesurer l’obsession de ce narcissisme collectif quand des symboles tissent et lient la multitude. C’est que pour vivre ensemble, il faut des ciments réels et symboliques, des masques et des infrastructures visibles, du travail concret aux chômeurs mais aussi des rituels qui nourrissent les imaginaires collectifs. Des États-Unis d’Amérique aux plus faibles des États, chaque État magnifie son histoire, célèbre ses héros mais pour tenir, une nation a besoin de produire de nouveaux grands hommes, de nouveaux héros. Les États ont compris que pour se légitimer, il faut dire aux nations ce qu’elles aiment entendre.

 

 

Et c’est bien dans les moments de crise qu’est posé aux nations l’historique défi du volontarisme comme Pensée, Action et prise en compte de la Complexité. Quand un Peuple décide de prendre son Destin en main, de bousculer les montagnes des réalités têtues qui tentent de dissuader et de désarmer la Volonté et l’Action, rien ne pourra arrêter sa marche laborieuse vers la reconquête de sa Dignité. Le Mali Kura surgira de la nuit des fautes individuelles et des démissions collectives. Le Temps des Masses rencontrera l’Éthique de Gouvernance car c’est un nouvel âge politique qui commence au Mali. Quel que soit le vainqueur de ces élections, il ne pourra plus faire comme auparavant. De la clameur du peuple qui a connu un printemps démocratique en 1991, il sera obligé d’extraire un brin d’écoute. La sécurité ainsi que la stabilité seront les socles sur lesquels devra s’affermir l’Autorité du nouvel État qui, pour se solidifier, aura besoin cette fois-ci d’une focale militaire comme institution-clé rebâtie. Cette nouvelle armée déjà en gestation jouera un grand rôle non dans l’arène politique mais dans la préservation de l’entité-Mali comme État situé dans un environnement géopolitique et géostratégique chargé de dangers pluriels, porteurs de menaces d’une autre forme dont la société liquide et ses flux transnationaux sont plus que matrice indicielle d’autant que de leur dynamique, les États mêmes peinent à trouver les secrets des stabilités durables.

 

 

Le Mali Kura sera, par la conscience avisée de son État, weberien bien que la théorie postmoderne informe du dépassement des cadres Etat-nationaux et de la relativisation des souverainetés territoriales. Au temps du bouillon mondialisé, les États ont appris la science de la modestie. Maints chocs les éprouvent et mettent au défi leurs compétences, nuancent leur puissance. Le Mali Kura n’est pas le produit d’une volonté pure encore moins d’un verbalisme creux. Il est un cycle de défis, d’épreuves car il reste encore vrai que l’horizon malien promet d’autres surprises. La pieuvre terroriste a plus qu’appris l’art de la mue tacticienne et la latence djihadiste, même explosée au septentrion, ne manque pas de relais sudistes dans les mosquées bien que déclinés en de simples accents salafistes. Le Mali Kura sera le temps de la réflexion stratégique ou ne se fera pas car il n’y a jamais eu dans l’Histoire humaine une nation hissée au sommet qui n’ait pas eu d’éclaireurs. L’État se pense, la nation s’autocritique avec la synthèse des acquis et de l’innovation. Les idées ont toujours fait le monde. Si l’on n’en produit pas, l’on continuera à recycler ceux des autres, surtout de l’Occident. Il ne s’agit point d’un monopole intellectualiste sur le destin majeur d’un pays-vitrine fracassé mais du saisissement par les masses maliennes de ce que le créateur a donné à tout Être humain, la Pensée au sens de réflexion critique émancipatrice de soi et des autres afin que le Mali Kura ne soit pas une simple affaire d’intellectuels sorbonnards ou yankeesés ou de politiciens au nombril boursouflé par la splendeur et les avantages de la sphère décisionnelle recoupant, sous les Tropiques, avec la sphère mangercratique.

 

 

Le Mali Kura se pensera, se conceptualisera ou périra de la dictature des urgences et des schématismes réducteurs d’une gouvernance technocratique inspirée de modèles déconnectés de la donne localiste et de la sémiotique endogène. Ce Mali Kura ne sera jamais donné par les urnes d’élections couvées par l’agenda international régissant un pays qui s’imaginait modèle “souverainiste” dans sa cajolerie d’une fierté extraite des prestiges d’empires d’hier dont les dirigeants étaient bien loin-par leur rapport au pouvoir autant qu’à leurs dominés- de ceux d’aujourd’hui. Le Mali Kura n’est pas un œuf à pondre mais plutôt un champ de défis à labourer et à arroser tant par une vigilance citoyenne qu’une nouvelle éthique du vivre ensemble dans la double dialectique de l’élitisme respectueux de la périphérie et de la verticalité du pouvoir relativisé par les initiatives horizontales. Le Mali Kura est donc une excellente opportunité de l’auto-responsabilité comme du volontarisme politique et citoyen si nous ne voulons pas continuer à subir les réalités imposées par le volontarisme des autres.

 

 

Yaya TRAORE

Politologue Communicant, Consultant

yayakaiser2003@yahoo.fr

Commentaires via Facebook :