Que cache la grande lessive d’ATT?

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ATT, new look, continue de sévir. Officiellement, la lutte contre la corruption et la délinquance financière sont des prétextes tout trouvés pour limoger à tour de bras, les hauts cadres de l’administration. La grande lessive a commencé par le remaniement ministériel de début avril au cours duquel certains Ministres ont été extirpés, comme l’ivraie, du gouvernement.

Officieusement, la presse et certains observateurs en ont conclu qu’ATT se débarrassait ainsi des «amis» de son ami, Modibo Sidibé, lequel avait également été éjecté de son fauteuil de Premier Ministre. Le «Kokaje» a continué avec le limogeage de l’ensemble des Directeurs des finances et du matériel des départements ministériels. La même presse et les mêmes observateurs ont encore conclu qu’ATT coupe les vivres à son «ami» et désormais ex-Premier ministre et aux candidats des partis politiques qui veulent se lancer dans la course à l’élection présidentielle de 2012. ATT, toujours lui, a encore fait du nettoyage à chaud, cette fois, en relevant les Directeurs des services de l’assiette et des domaines. Résultat : les douanes, les impôts, les marchés publics, les domaines et le cadastre ont de nouveaux chefs. Les anciens sont réputés, par la presse et les observateurs, être trop proches de Modibo Sidibé. ATT, qui en a marre qu’on l’accuse de «démobilisation aigüe» de l’administration, a offert une cerise sur le gâteau : il a abrogé les décrets de nomination du Directeur administratif et financier de la Primature, ce qui n’a pas surpris grand-monde, et du DAF de la Présidence, ce qui a pris tout le monde de court. Du coup, les journalistes et les observateurs, subitement plus avisés, se sont demandé ce qui se passe réellement sous le képi du général.

Les DFM ont-ils réellement été limogés parce qu’ils trempaient dans des affaires peu catholiques ? Que ces DFM soient blancs comme neige, personne n’osera jamais l’affirmer. Mais, qu’ils soient seuls responsables des actes de corruption et de délinquance financière qu’on leur impute, personne, non plus, ne l’imagine. Aucun d’entre eux ne peut détourner de l’argent et «bouffer» seul sans l’accord de son Ministre. Ils ne sont rien sans leurs Ministres, lesquels sont ordonnateurs du budget, conformément à une règlementation solidement établie. Et s’il arrive au DFM ou au DAF de boire des pots-de-vin, de croquer de la kola, ou de percevoir des commissions sur des marchés, c’est avec son chef qu’il partage. Dans ce cas, si tous les DFM sont présumés responsables de corruption et de délinquance financière, ils auraient dû être balayés en même temps que l’ensemble des Ministres. Un demi-remaniement ne suffit pas. Et pour poursuivre dans cette logique, le DAF de la présidence devait partir avec son chef comme ce fut le cas à la Primature.

Les DFM ont-ils été limogés parce qu’ils sont proches de Modibo Sidibé ? Outre le fait que certains étaient à leur poste bien avant la nomination de l’ancien Premier Ministre, il est difficile de croire que le DAF de la présidence de la République soit plus proche de Sidibé que du Président Touré lui-même.
Par ailleurs, selon plusieurs indiscrétions, ATT n’a jamais discuté de cette vague de limogeages avec les états-majors politiques lorsqu’il a rencontré ceux-ci en vue de la formation de son «gouvernement d’action et de mission». Par contre, il aurait beaucoup discuté de la chose avec son prédécesseur, Alpha Oumar Konaré. Or, pour ceux qui ne s’en souviennent plus, ce dernier a eu un comportement quasi similaire au début de la décennie 2000. Après avoir poussé vers la sortie son Premier Ministre, Ibrahim Boubacar Kéïta, il s’est lancé dans une vaste campagne de nettoyage à fond. Le résultat a abouti à l’élection d’un certain Amadou Toumani Touré. Le président Konaré, en 2001, comme son successeur, en 2011, n’avait dans son gouvernement que des hommes et des femmes entièrement acquis à sa cause. Le président Touré, en 2011, comme son prédécesseur, en 2001, a, aux leviers de la haute administration et aux commandes des principales manettes de l’économie et des finances, des hommes et des femmes qui ne jurent que par lui.

Ces stratégies et tactiques ont permis à Alpha Oumar Konaré, en 2002, de quitter le pouvoir sans trop s’inquiéter de ses arrières. Pendant même que la gestion des affaires publiques pendant une décennie a été, et est encore, fortement discutée et contestée. A présent des casseroles traînent et font un boucan effroyable.

Ces stratégies et tactiques permettront-elles à ATT de quitter le pouvoir sans s’inquiéter lui aussi de ses arrières, pendant même que sa gestion des affaires publiques est jugée catastrophique ? Lui, en tout cas, le croit.
Cheick Tandina

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