Présidentielles de 2012 : Forces et faiblesses des candidats potentiels

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Le célèbre éditorialiste français du « Nouvel Observateur », Jacques Julliard disait que la chance est la face voilée du talent. A l’élection présidentielle de 1992, le candidat d’alors Alpha Oumar Konaré  a eu la chance de damer le pion à Tiéoulé Mamadou Konaté, au deuxième tour. Il rempilera pour un second mandat de 5 ans en 1997 (une présidentielle qui fera grincer des dents) mais dont l’issue était connue de tous. Après les 10 ans d’Alpha Oumar Konaré, les Maliens sont retournés aux urnes pour élire leur président. Mais entre temps, la donne avait changé. Le président sortant n’avait pas renvoyé l’ascenseur à son parti. Il prétendait garder la neutralité. Face à cette attitude curieuse et politiquement incorrecte, personne n’était dupe. Les observateurs les plus avertis, avaient souligné que les dés étaient pipés pour le général candidat, au regard des soubresauts qui étaient intervenus au sein de l’Adema PSJ. L’ex Premier ministre Ibrahim Boubacar  Keïta, opposé au clan dit des rénovateurs (clan CMDT),  avait été mis en minorité par un congrès extraordinaire. Il démissionnera de la présidence du parti, après avoir été limogé de la Primature. Il créera son parti, le Rassemblement pour le Mali (RPM) et se présentera à la présidentielle de 2002 où il arrivera en 3è position derrière les candidats : Amadou Toumani Touré et Soumaïla Cissé. Le sacre d’Amadou Toumani Touré à cette élection confirmera la thèse  des observateurs.

Ibrahim Boubacar Keïta contestera les résultats de la présidentielle mais dans les règles de l’art et formera avec une coalition de partis politiques, l’Espoir 2002. Mais il a eu le mérite de jouer à l’apaisement pour ne pas embraser le pays. Il sera élu député au premier tour et se consolera avec le titre du président de l’Assemblée nationale. Il se présentera encore en 2007 contre le président Touré. Celui-ci réussit son fameux slogan : « le takokelen », prosaïquement la victoire au premier tour. A cette élection, le président Touré, en plus d’IBK, avait d’autres adversaires, notamment Mamadou Blaise Sangaré de la CDS Mogotiguiya, Tiébilé Dramé du Parena, Oumar Mariko du parti Sadi, Soumeylou Boubèye Maïga de Convergence, Madiassa Maguiraga du parti populaire progressiste et de Mme Sidibé Aminata Diallo du Rassemblement pour l’éducation à l’environnement et au développement durable (REDD). Celle-ci entrera dans l’histoire comme la première femme à briguer la magistrature suprême.

Aujourd’hui, les choses se présentent autrement parce que le chef de l’Etat sortant ne peut plus briguer un mandat. La date de l’élection présidentielle a été fixée au 29 avril pour le 1er tour et au 13 mai pour le 2è tour. La singularité de cette élection est le couplage du premier tour avec le référendum, tant décrié par la classe politique, et qui suscite des interrogations. Mais seul le président Touré peut apporter une réponse à ces interrogations. Même si le prince de Koulouba détient encore les cartes, certains gros bras qui se détachent théoriquement du lot de candidats gardent plus ou moins leur chance.

Analyses croisées sur les forces et faiblesses de quelques ténors de la scène politique en vue des élections de 2012.

Ibrahim Boubacar Keïta, c’est une évidence, l’homme a l’étoffe des grands mais pêche dans le management de ses militants. Un constat s’impose : IBK semble ne pas tirer les enseignements de ses échecs précédents. Pour certains, l’ex Premier ministre et ancien président de l’Assemblée nationale  a raté son heure et ne pèse plus dans le landerneau politique. Sa formation politique baigne aujourd’hui dans une léthargie totale (silence radio), même si le secrétaire général du parti tentait récemment d’expliquer que le RPM veut convaincre par la preuve. Est-ce un signe de la défaite ? Ses détracteurs, expliquent que le RPM n’a plus d’audience et qu’IBK rate toujours les occasions de marquer des points. Il aura brillé par son absence lors des festivités commémoratives du cinquantenaire de l’accession de notre pays à la souveraineté nationale. Doit-on croire à cet homme dont le slogan est « Dieu, ma patrie, ma conscience » ? Pourtant, le malinké bon teint,  tient à jouer sa chance à fond.

Soumaïla Cissé, le champion de l’URD a, lui, renoué avec ses ambitions présidentielles, après avoir observé une pause en 2007. Le candidat Soumaïla fait figure de grandissime favori mais doit d’abord s’employer à circonscrire les velléités d’opposition au sein de sa formation politique. Il aura énormément perdu dans la guéguerre fratricide avec l’ancien ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré. A son corps défendant, il doit faire face à une opinion têtue qui incrimine son ethnie comme étant trop sectaire. Or, pour qui connaît la sensibilité de nos compatriotes sur des détails  comme çà, le candidat de l’URD risque gros. Mais il ne dort pas sur ses lauriers et multiplie les offensives de charme à l’égard des électeurs pour mettre toutes les chances de son côté. A cet effet, il met véritablement le paquet sur la communication du parti.

A la différence des deux premiers candidats cités plus haut, le porte drapeau de l’Adema, Dioncounda Traoré, actuel président de l’Assemblée nationale peut se reposer sur une machine électorale mais à condition qu’il arrive à remobiliser toute sa troupe. Pour certains confrères, l’Adema n’est pas un parti politique parce qu’on n’y observe pas la discipline de parti. Pour de simples contradictions ou des incompatibilités d’humeur, les gens claquent la porte et reviennent une fois calmés. Le hic c’est qu’ils sont même accueillis en héros à leur retour. Malgré cette imperfection, le parti est et demeure une véritable machine de « guerre » qui broie impitoyablement tout sur son passage. En atteste son rang de première formation politique, en dépit des soubresauts et des divisions internes entre les clans. Mais l’équation pour l’Adema est à une inconnue. Est- ce que son candidat et « grand matheux », est en mesure de résoudre l’énigme de la présidentielle ?

Au delà de ce trio, qui semble un cran au dessus, il y a d’autres candidats. Mais on prête volontiers à l’ancien PM Modibo Sidibé, l’intention de briguer la plus haute charge de l’Etat. Mais pour l’instant, l’homme n’a fait aucune déclaration officielle sur sa candidature et garde un préoccupant mutisme sur ses ambitions présidentielles. L’homme est un monstre froid  mais il reste très bon technocrate. Il a été près de vingt ans durant dans les hautes sphères de l’administration. Il a des arguments à faire valoir en tant que technocrate mais dans le domaine politique, il a un handicap quasi insurmontable selon les analystes politiques. L’ancien PM est-il prêt pour la présidentielle de 2012 ? Au plan social, Modibo Sidibé n’aurait pas bonne presse. Ceux qui ont eu à le pratiquer dans le voisinage du Badialan et dans l’administration, confirment que l’homme ne participerait pas beaucoup aux évènements sociaux (mariages, baptêmes et décès entre autres). Ses détracteurs l’accuseraient de condescendance. Mais conquête du pouvoir oblige, il a commencé à redorer son image auprès de ses concitoyens. Il aurait même fait le tour des notabilités de Bamako-Coura  et d’autres quartiers pour demander des soutiens. A-t-il de réelles chances ? A lui de se corriger pour ne pas être la risée de ses détracteurs

Il y a aussi des candidats naturels comme Me Mountaga Tall. Même s’il n’a pas été encore investi par le CNID, sauf surprise, il sera en lice pour les présidentielles de 2012. Mountaga Tall est l’un de nos hommes politiques, les plus cohérents dans ses analyses et dans ses prises de position (la formation d’avocat est passée par là). Il a incarné l’espoir dans les années 1991 avant de dégringoler. Certains justifient cet état de fait par l’incapacité du seul maître à bord du Cnid Faso Yiriwa ton à digérer sa défaite de 1992 et à se remettre en cause dans le collège.

Oumar Mariko, l’éternel opposant aura t-il la chance d’avoir le même sort que d’autres opposants historiques aujourd’hui  au pouvoir au Sénégal, en Guinée Conakry entre autres ? Cet homme de conviction, on ne lui dénié pas ce mérite, se bat pour un idéal de démocratie qui repose sur une justifie sociale et une juste répartition des ressources entre les fils du pays et un développement durable. Mais, théoriquement, il ne figure pas parmi les grands favoris mais demeure un outsider. Il est en train de marquer des bons points qu’il peut probablement rentabiliser lors des autres élections (législatives et municipales) ou dans les années à venir.

Le PDES qui se réclame du président Amadou Toumani Touré est confronté à ses contradictions internes. Logiquement, le parti détient des leviers parce qu’il dispose des ministres au gouvernement actuel, des anciens ministres, des directeurs et a, en plus, la Première dame comme marraine. Il  ne devrait pas être à ce stade d’hésitation, à l’orée de la présidentielle de 2012. Nos compatriotes voient en cela une incapacité politique à mener des vrais débats et à prendre les décisions qui s’imposent.

Le jeune Jeamille Bittar et non moins président du Conseil économique, social et culturel, a compris le piège à ce niveau. L’enfant de San entend mettre les atouts de son côté pour briguer la magistrature suprême, avec ou sans le PDES, en atteste le lancement de l’Union des mouvements et associations du Mali (UMAM), le week-end dernier. Des confrères semblent n’accorder aucun crédit à la candidature de Jeamille mais, nonobstant ses  commentaires oiseux, le jeune Bittar semble travailler pour l’avenir. Il commettra l’erreur de croire que son heure est arrivée et doit continuer à travailler dans la perspective de demain (2017, 2022 on ne sait jamais).

Les autres candidats, sans être des soutiers politiques, peuvent arbitrer le duel épique que se livreront les candidats finalistes. Mais à tous ces candidats déclarés ou potentiels, nous disons « dignus est intrare » (il est digne d’entrer).

Rappelons que, contrairement à une croyance ancienne mais tenace, la politique n’est pas l’art de mentir mais plutôt de proposer un programme et un projet de société convaincant et réalisable. Cette avalanche de candidats doit intégrer le réflexe du parler vrai et d’agir concret. En d’autres termes, ils doivent faire face aux préoccupations réelles du peuple qui attend d’avoir une école performante apaisée où on ne diabolise plus l’enseignant, une sécurité alimentaire, de meilleures conditions de vie pour les travailleurs et un développement durable.

Youma

 

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