Au moment où certains partis n’ont pas encore désigné officiellement leur candidat à la présidentielle de 2012, d’autres ont déjà commencé à battre campagne. C’est devenu un phénomène qui prend de l’ampleur avec la tenue des activités des multitudes de clubs de soutien.
En ce moment, les places publiques, les salles de spectacle et les stades de sport sont chaque jour pris d’assaut par des groupes de personnes soutenant tel ou tel candidat à la présidentielle de 2012. Il s’agit des coordinations de clubs de soutien qui sont devenus actuellement un casse-tête dans notre pays. Elles sont formées en majorité par des jeunes issus de la société civile, même si les initiateurs sont les prétendants au pouvoir ou leurs proches. L’implication de la société civile dans les préparatifs des élections est une bonne chose. Mais aujourd’hui ce que nous voyons est autre chose. On assiste très souvent à de vraies scènes de campagne lors des lancements d’activités des clubs, des meetings et des conférences. Certains passent à des appels au vote pour leurs candidats, des propositions de moyens financiers, des trafics d’influence et des intimidations.
Si notre démocratie est citée parmi les meilleurs en Afrique, ces actes anticonstitutionnels risquent de porter un coup dur à notre démocratie. Or, on constate que le phénomène prend de l’ampleur. Même des personnes censées avoir une certaine expérience s’y adonnent à cœur joie. À titre d’exemple, l’ancien ministre Djibril Tangara aurait tenu une assemblée, la semaine dernière, au marché «Sougouni coura» de Médine dans le but d’intimider les détenteurs d’étales. Il leur aurait sommé de voter pour Soumaïla Cissé en 2012 au risque de perdre leur place dans le marché.
Selon un confrère de la place, il s’est dit être envoyé par le président ATT pour faire passer ce message. Il s’agit là d’une campagne prématurée sur fond d’intimidation et de chantage. D’ailleurs, les responsables des petits partis fusionnés à d’autres et les transhumants politiques ont opté pour cette méthode afin de se montrer actifs. Depuis ses déboires avec la justice, Zoumana Mory s’est spécialisé dans des attaques virulentes contre d’autres candidats au profit de Modibo Sidibé qu’il annonce comme le seul à pouvoir diriger le Mali après ATT. Lors de l’inauguration du nouveau centre commercial, le 22 Septembre dernier, Jeamille Bittar, pour l’instant prétendant controversé à la candidature à la présidentielle au nom du PDES, s’était cru en campagne. Dans son discours en tant que président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali, Bittar a profité de l’occasion pour raviver les colères des commerçants contre certains hommes politiques tout en se posant comme leur seul défenseur.
En effet, il a dit que plus jamais, les commerçants n’accepteront plus la vente d’une place après celle du marché «Légume». Or à l’époque, ce lieu faisait l’objet d’une vive tension entre la mairie du District de Bamako et les occupants qui devaient céder leurs places pour des raisons de construction d’infrastructures. De même, le lancement des activités de l’UMAM a dépassé le cadre du PDES en prenant une allure de campagne présidentielle.
Cette anticipation est constatée chez la plupart des prétendants à la magistrature suprême. S’ils ne le font pas directement, ils le font à travers des proches ou des clubs. Si les personnes censées être, un jour, garants de la Constitution se lancent dans des actes anticonstitutionnels où vont-ils conduire le pays? Au lieu d’appeler les Maliens à s’intéresser au processus de révision de la liste électorale, la plupart d’entre eux ont passé tout ce temps à ne parler que de promesse de vote. Ils ont mis les charrues avant les bœufs. La Cour constitutionnelle doit veiller à ce que ces campagnes prématurées doublées de dénigrement et d’intimidations cessent pour la bonne marche de la jeune démocratie malienne.
Issa Santara