Présidentielle 2012 : Pourquoi Modibo Sidibé n’est pas le Dauphin d’ATT ?

0

Nous avions écrit dans notre précédente parution, «Méthode de Gouvernance Comparée : Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré» que ces deux monstres sacrés du microcosme politique malien ont déployé, leur génie et leur ruse  pour que leurs héritiers putatifs et autres dauphins naturels ne puissent les succéder à Koulouba.

Cette déception de la succession au poste tant convoité de président de la République  fut ressentie par IBK lorsqu’en pleine ascension vers le sommet, il fut arrêté net par des tirs groupés des lieutenants d’Alpha Oumar Konaré, président en fin de mandat, qui lui disputait la place de dauphin naturel.  Lorsque IBK  comprit qu’il traversait un stand de tirs truffés de mines  et qu’il n’avait aucune chance d’accéder  à la Magistrature Suprême sans la bénédiction du Boss sortant, il démissionna de ses responsabilités au sein du parti Adéma dans lequel les partisans du chef suprême étaient  légion pour se replier avec une poignée de fidèles dans une nouvelle formation politique(RPM) qui ressembla fort à une retraite  dans une grotte où ne loge que 11 députés, au lieu des 46 du début de leur rébellion contre Alpha.. Il a pensé que de cette façon, il va échapper à l’emprise du grand Manitou et s’installer à sa place confortablement  contre son gré. Mal lui en a pris, car il avait surestimé ses forces et avait oublié qu’une élection est organisée par le Gourou sortant, qui fit ses armes de surcroît  dans la clandestinité contre un général encore plus redoutable. IBK  perdit de vue le rôle éminent de la non moins  redoutable  Cour constitutionnelle, sous l’emprise du Boss sortant et  qui  n’était ni  neutre,  ni indépendante à souhait. Et pour cause,  elle annula derechef et  par milliers, les voix qui auraient pu permettre à IBK d’accéder à Koulouba en raison de sa popularité de leader charismatique et de ses faits d’armes. C’est lui qui mit fin à la chienlit qui pacifia le climat social et, par sa fermeté, mit de l’ordre dans le désordre hérité de la révolution du 26 Mars 91, alors que plusieurs PM avant lui avaient jeté l’éponge. Sa légitime fierté, sa vanité et son orgueil  l’ont  perdu et il comprit qu’en politique, il n’y a pas  de morale, lui qui, quelques années plutôt, disputait à Alpha sa place de leader incontesté de la galaxie politique malienne.

C’est  cette popularité exprimée tout haut par les griots du Mandé et du Bafing qui allait causer la perte d’IBK et déclencher chez Alpha un sentiment tout à fait humain, à savoir  comment sauvegarder sa place dans l’histoire. Tous les présidents abhorrent que leur subalterne les supplantent dans le cœur et l’estime de leurs concitoyens. Les peuples sont amnésiques, comme le montre, l’évolution de la cote de popularité de leurs héros, adulés un jour et brulés le jour suivant.
Att et Modibo Sidibé n’ont pu échapper à ce «syndrome de la place dans l’Histoire». Les chefs d’Etat souhaitent que celui qui les remplace ne leur fasse pas de l’ombre, ne les pourchasse pas et ne prenne pas à son compte toutes les réalisations faites par le binôme. C’est pourquoi, ils font de fréquents remaniements ministériels où le chef du Gouvernement est expulsé de sa position stratégique qui lui sert de tremplin pour accéder à la Magistrature Suprême. De leur position privilégiée, à une coudée  du palais, il contrôle l’appareil d’Etat et rayonne sur le pays entier.  Ainsi en limogeant les PM, on réduit leur capacité à revendiquer la réussite du mandat et à se positionner comme l’héritier naturel ou le dauphin putatif.

Contrairement à IBK qui se révolta contre son chef et voulut briser les chaînes de sa servitude, Modibo Sidibé utilisa la méthode de la soumission obséquieuse au chef suprême pour ne pas éveiller ses soupçons sur son désir irrépressible de le remplacer à Koulouba. Il sait qu’en exprimant cette volonté sourde, le Boss lui coupera les vivres  et cette ambition cachée lui coûtera sa place qui est une vraie tour de contrôle.

L’Initiative riz, qui ne figure nulle part dans le PDES,  a été à cet égard le révélateur des ambitions cachées de Modibo Sidibé, lorsqu’il crut en la réussite du projet et mit ses partisans à chanter ses louanges. ATT n’aurait pas apprécie et mesura en ce moment le danger de laisser Modibo Sidibé cueillir seul les succès d’une opération de cette envergure. Une opération qui risquait de hisser très haut sa renommée de PM  au détriment de celle du président. Quand l’initiative Riz a pris l’eau de toute part, il  échoua sur les berges de l’Office du Niger à la grande satisfaction d’ATT, qui,  comme aux «examens de Bougouni»,  but  du petit lait au riz.
De cette façon, le PM ne pourra pas revendiquer la paternité de nombreuses autres réalisations du régime  et se constituer une armée de fidèles prête à le hisser, le moment opportun, sur la Colline du pouvoir. ATT découvrit la manœuvre et mît fin à cette tentative de lui prendre sa place dans l’Histoire. Il préférerait céder son fauteuil à d’autres leaders  à qui il ne devrait rien qu’à Modibo Sidibé et ou à une quelconque personnalité de son sérail, notamment  du PDES. Longtemps dans l’antichambre du pouvoir suprême, Modibo avait tissé sa toile autour du président et aurait même  constitué des dossiers sur le Patron par déformation professionnelle.  On ne gouverne pas innocemment. Ainsi, Modibo constituerait une véritable menace pour la quiétude du chef. Rusé, ATT, rétablit l’équilibre  de la terreur grâce aux déboires de Modibo Sidibé  dans l’Initiative riz et les grosses surfacturations qui n’ont pas laissé le Vérificateur général indifférent.

Pour ATT, Modibo Sidibé est un bon commis de l’Etat, dont il avait balisé le parcours professionnel de son Commissariat  à la Primature. Il estime que cela suffit amplement. Il ne conçoit pas qu’on lui reproche de ne pas le hisser au pouvoir suprême avec le grade de chef suprême des armées, lui le policier de son état. L’armée, la grande muette ne comprendra pas que  la rivalité entre les corps est tenace.

On comprend mieux pourquoi ATT ira chercher un civil pour le remplacer à Koulouba au lieu de choisir son successeur parmi ses partisans. La même logique  avait prévalu entre Alpha et IBK.  ATT choisira une personnalité en dehors du cercle de ses serviteurs. Est ce que cette personne accédera à Koulouba? Cela est une autre histoire, parce que le jeu des alliances, dans un contexte multi-partisan,  peut bouleverser les pronostics les plus  solides. On ne doit jamais oublier que l’accession au pouvoir est gouvernée par d’autres paramètres qui échappent à notre perspicacité.

 

Birama FALL

 


Commentaires via Facebook :