Les élections s‘approchent à grands pas. Sauf imprévus, le 29 avril 2012, les maliens vont se choisir leur nouveau président de la république. Les partis, organisations et plateformes politiques affutent leurs armes. Tout le monde veut maximiser ses chances de réussites aux prochains scrutins.
Sur le terrain, il s’observe une sorte de bipolarisation de la scène politique. En dépit du foisonnement de partis politiques, plus de 120, le duel semble opposer d’un côté les grandes formations politiques que sont l’Adema et l’Urd et les autres partis de la mouvance que sont le RPM-le Cnid- le Codem etc. et les partis de l’opposition avec à sa tête Oumar Mariko.
Les militants de ces formations politiques se distinguent par la démonstration de leurs forces sur le terrain notamment à Bamako et ses environs avant de parler du pays profond. Ces protagonistes ont des points de vue divergents s’agissant de la mise sur pied de la nouvelle Ceni et du choix de la liste électorale dans le processus en cours.
Tout porte à croire que les partis de la mouvance prépareraient les esprits des maliens à accepter la tricherie pendant que l’opposition s’apprêterait quant à elle à contester les résultats des urnes. A cette allure, ces élections voulues apaisées, risquent de plonger le pays dans des tourments.
Ce duel se passe de façon sournoise, à telle enseigne que l’on pense que le processus en cours avance bien. A l’opposition comme au pouvoir, tout le monde a peur de prendre l’initiative de jouer le trouble fête, de peur de se faire taxer d’ennemi de la république. Pourtant, de part et d’autre, chacun à quelque chose qu’il cache au fond de lui même.
La tricherie
Alors que l’opposition malienne s’époumone à exiger un peu plus de transparence à la CENI, la mouvance donne l’impression de soutenir, sans condition, toute action posée par la CENI. Les points de vus du pouvoir s’écartent rarement de ceux de la CENI s’agissant des questions qui achoppent comme la publication du fichier et le processus réel des élections…Ce soutien indéfectible de la mouvance présidentielle à une CENI voulue indépendante fait penser à une certaine complicité entre les deux structures. La convergence des vues entre la mouvance et la CENI fait amoindrir, aux yeux des opposants, la neutralité reconnue à la CENI par les lois du Mali.
Pour les hommes du pouvoir, la vraie transparence passerait par l’envoie, par les partis politiques, des témoins dans tous les bureaux de vote. Ils invitent ainsi les opposants à s’organiser pour envoyer leurs témoins dans des bureaux de vote en lieu et place de manifester et faire des reproches à la CENI. Une manière de préparer l’opinion à comprendre que si les prochaines élections arrivaient à pécher par un certain manque de transparence, ce serait par la faute d’une opposition incapable de déployer ses témoins dans les bureaux de vote ou de jouer leur réel partition.
Nul n’ignore que dans des conditions normales, aucun parti politique malien ne peut avoir ni les moyens, ni les ressources humaines nécessaires pour déployer des témoins en mesure de couvrir tous les bureaux de vote sur l’ensemble du territoire national.
Dans ce pays où les élections n’ont jamais eu lieu à la base, il n’y a que la mouvance présidentielle qui peut, éventuellement, recourir aux services de certains agents de l’Etat. Cet argument du déploiement des témoins dans les bureaux de vote est destiné à justifier la non-contestation des résultats même alors qu’ils seraient truqués. L’élection présidentielle reste très ouverte. Selon toute logique, ce sont les grandes formations politiques qui devront souffrir de cette multiplicité des candidats à la présidence. L’insécurité récurrente dans la partie septentrion du pays ajoutée à la grogne sociale motive de nombreux habitants à changer d’avis lors des prochaines élections.
C’est donc l’électorat de la mouvance qui, en principe, va subir le coup. Le surnombre des candidats à la présidence ne profite à personne. C’est tout juste une manière de préparer l’opinion à comprendre une éventuelle victoire d’un candidat que beaucoup décrions car il sera accusé de fraude
La contestation
L’opinion générale africaine et malienne en particulier sait que, d’ordinaire, les présidents en exercice s’arrangent toujours pour truquer les élections et se faire réélire. Par expérience, ils sont rares les présidents africains, mais comme ici le président sortant n’est plus de la course, il devrait quand même s’arranger à ce que son successeur soit un de ses disciples, une façon de garantie son arrière. Beaucoup de maliens savent que l’on ne peut diriger ce pays sans l’aval des la « communauté internationale » qui, souvent, impose « ses hommes » à la tête des pays africains.
Conscient de cet état de chose, les opposants maliens prépareraient un matelas de contestation des résultats des prochaines élections. Et la stratégie est simple : dénoncer toutes les tentatives de tricheries et mettre à la place publique toutes les maladresses du pouvoir et de la CENI. Multiplier les manifestations de rue et pousser le pouvoir à la faute en vue de le discréditer dans l’opinion tant interne qu’externe. Jusque là, cette stratégie n’a pour le moment pas réussir à l’opposition malienne qui multiplie des actions des rues et de rencontre.
En ne rencontrant pas les préoccupations de l’opposition, la CENI et la mouvance la conforte dans cette préparation de la contestation. L’opposition a intérêt à se présenter au peuple malien comme victime des affres du pouvoir et de la CENI. L’opposition développe plus un discours émotionnel à même de susciter la haine du peuple contre le pouvoir en place.
Le carré-magique pour consolider la contestation.
Beaucoup pensent que pour clouer le pouvoir, l’opposition a tout intérêt à s’organiser pour avoir un seul candidat à la prochaine élection présidentielle. Hélas, rien ne rassure quant à l’aboutissement de pareille démarche avant les prochaines élections.
Les conséquences
La situation risque d’être très compliquée après la prochaine élection présidentielle. La victoire d’un candidat d’un des grandes formations politiques risque de laisser place à une vague de contestation qui sera difficile à contenir.
Les printemps arabes et la situation survenue en Cote d’Ivoire n’ont pas manqué de faire des émules au Mali. La contestation des résultats des urnes peut aussi ouvrir la voie à un soulèvement populaire si la mobilisation venait à être très forte. L’on ne peut diriger le Mali, ce géant à l’ouest de l’Afrique, sans la bénédiction de certains grands de ce monde qui se recrutent dans la haute sphère politique internationale et dans les milieux d’affaires. L’appui des pays limitrophes peut aussi influer.
Les hommes politiques maliens ont fini par comprendre s doivent avoir des parapluies occidentaux pour prendre les mannettes des commandes du pays. C’est ce qui justifie leurs nombreux voyages à l’extérieur. Mais, d’autres sont craints dans certains milieux occidentaux qui redoutent leur nationalisme. L’attitude de l’opposition malienne dans cette période cruciale peut déterminer la suite.
Vivra verra !
Paul N’guessan