Propos mémorables : Modibo Kéïta Président de la République (1965)

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‘’ La culture d’un peuple est l’expression la plus intrinsèque de sa faculté d’adaptation à son milieu, à sa condition propre, aux réalités philosophiques et sociales qui la conditionnent, dans son être comme dans son devenir.

Notre folklore et nos traditions orales et écrites, notre musique qui est en même temps pensée et action, constituent les manifestations les plus éclatantes et les plus vivantes de notre culture.

Toute culture recèle deux sortes d’éléments : des éléments positifs qui l’impulsent et contribuent à son enrichissement et des éléments négatifs qui freinent son évolution et la sclérosent pour ensuite la détruire.

Un double effort de recherche et de réflexion est donc nécessaire pour revaloriser notre culture nationale : il nous faut, en premier lieu, la débarrasser des apports étrangers inadaptés à son essence et impropres à son développement et analyser, en second lieu, les données culturelles de notre pays pour en tirer les composantes les plus dynamiques et donc les plus susceptibles d’être intégrées dans le processus d’évolution moderne.

Pour ce faire, il n’est pas besoin de souligner toute l’importance que revêt, pour nous Africains, la connaissance approfondie de la philosophie, des arts, de la musique et des religions de nos pays respectifs. Dans les domaines les plus divers de la pensée et des activités africaines, des chercheurs et des penseurs doivent exercer leur esprit de curiosité et dresser un inventaire complet de notre acquis, de nos forces et de nos faiblesses, dans un souci d’objectivité scientifique.

La tâche leur sera d’autant plus aisée qu’ils s’y donneront avec amour, avec cette communion de pensée qui doit lier le savant à l’objet de sa recherche. Toutes les facilités leur seront offertes par le Gouvernement qui les appuiera de tout son mieux dans cette œuvre d’intérêt national et même mondial ; il pourra être envisagé dans un bref avenir la création d’écoles en vue de la formation de spécialistes dans toutes les branches de la science humaine, tout en intensifiant les stages à l’étranger.

Nos ethnologues s’intéresseront à l’étude des individus et des races qui peuplent nos régions, nos géologues à l’étude de notre sol et de notre sous-sol, nos physiciens à l’étude de notre pharmacopée, nos docteurs à la lutte contre les maladies les plus diverses qui sont encore, hélas, le lourd tribut de nos contrées, nos philosophes et nos sociologues se livreront à d’utiles travaux sur notre philosophie et la morale de nos sociétés pour en dégager la valeur universelle.

Chacun, dans sa sphère propre, apportera ainsi sa contribution à la résurrection  de notre héritage national, à la restauration de notre personnalité et, donc, à l’affirmation de notre Nation.

Aussi, n’est-il pas inutile d’insister sur le rôle que devront jouer dans une telle optique les langues vernaculaires : elles constituent, sans nul doute, les instruments les plus sûrs et les plus populaires qui permettront à nos masses rurales de donner toute la preuve de leur capacité. Cela n’exclut pas, bien sûr, la nécessité pour elles d’apprendre la langue française qui facilitera leur adaptation aux courants d’idées modernes.

Grâce à un enseignement de base étendu, à une scolarisation intensive, à une démocratisation toujours plus poussée de l’enseignement rendant effectif pour chaque individu, à quelque couche sociale qu’il appartienne, le droit à l’instruction, nous réussirons à détruire de manière décisive tous les déséquilibres culturels issus du régime colonial.’’

 

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