‘’L’idéal féminin de la femme-épouse fait d’elle un être fort psychologiquement, nantie, à cause de cet état de fait, d’une capacité de protection de son époux, l’homme, fort dans le corps, mais faible dans la tête. Un proverbe tamasheq enseigne par exemple que « la femme est le pantalon de l’homme » c’est à dire qu’elle le protège et cache ses forces et ses faiblesses. Les Bamanans disent : ka soutra. Soutoura, voilà une autre valeur cardinale !
Partout, la socialisation de son époux lui est dévolue. Elle gère ses relations sociales, est sensée faire son bonheur et sa réussite, rien que par son intelligence, sa conduite et son savoir-faire, au point que l’adage populaire considère que lorsqu’un homme a la chance d’avoir une épouse cadrant avec les normes mentionnées, il surpassera en grandeur ses frères rivaux et tous ses semblables hommes. Cette responsabilité super protectrice est telle, qu’on va jusqu’à imputer à la femme les déviances de son mari, y compris les déviances extra conjugales. Si un homme, en effet, en arrive à tromper sa femme, croit-on, c’est parce qu’elle ne sait pas user de savoir-faire ou d’artifices pour le retenir à la maison. Allez savoir !
Sur l’échiquier du pouvoir, l’image de la femme-épouse, reflétée à travers les Premières dames, a recouvert celle de la reine-mère.
Nonobstant ce rôle essentiel, primordial, ce rôle de la vie, la femme s’est laissée doublée sur sa gauche par l’homme qui l’a assujettie grâce à sa force brutale.
Dans ce contexte de domination des hommes et de partage des responsabilités, la femme, pour se défendre, a imaginé des scénarios de résistance pacifique, d’auto-protection, pour plaire non seulement à son époux, mais également à ses parents et amis. Cette tactique, globalement, est taxée de soumission. La femme africaine a vite été qualifiée de femme soumise, surtout par la littérature occidentale, qui n’a retenu que la façade, l’aspect qui saute à l’œil. Le fait de soumission est devenu un acte répréhensible, la femme sujet de compassion.
En passant au peigne fin cette « soumission », on se rend compte qu’elle est une posture d’humilité, majigin ; elle est aussi une « ruse de guerre » et au bout du compte, elle tend à consolider la réputation et la position centrale de la femme. La femme dite soumise devient la personne incontournable auprès de laquelle il faut se référer pour avoir à manger, être blanchi. D’une disponibilité à toute épreuve, aucun étranger ni aucun parent venu du village ou d’ailleurs, ne peuvent se passer de ses services.
Quant à sa relation avec son propre mari, elle est faite de soumission apparente. Dans ce registre, elle aiguise sa féminité pour lui plaire : petits plats, artifices de beauté, techniques de séduction, attentions particulières etc. Elle affine cette arme au point de la transformer en comédie : la comédie de l’effacement.
L’effacement de la femme africaine, en voilà une autre image d’Epinal ! En réalité, il participe, le plus souvent du même jeu de recherche de l’équilibre dans le foyer. Je ne puis m’empêcher d’évoquer ce proverbe sud africain, qu’il me plaît de citer chaque fois que j’en ai l’occasion. Ecoutez-le bien, parce que l’image est forte et suffisamment symbolique : « la poule sait que le jour s’est levé, mais elle laisse le coq chanter. »
N’est ce pas qu’elle fait pâlir cette expression, désormais usée, qui dit que derrière tout grand homme se cache une grande dame ?