Prolongation du mandat d’ATT :Un débat hors saison

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On pensait le débat clos sur la prolongation du mandat présidentiel mais, malheureusement, la question ne semble pas bien comprise de tout le monde, avec cette fâcheuse conséquence de faire diversion par rapport aux préoccupations brûlantes et d’en rajouter à l’embarras du président de la République lui-même. Que gagne aujourd’hui le Mali à vouloir changer les règles actuelles du jeu politique pour les ajuster au seul goût d’un homme politique, fût-il le Président ATT ? C’est pourtant la voie hasardeuse que dit emprunter désormais l’honorable Housseyni Amion Guindo, président de la Codem.

Le débat est récurrent, voire agaçant, mais non sans intérêt au regard des contraintes de temps dans lesquels le pouvoir se trouve acculé, sans compter tous les autres impératifs liés aux échéances électorales de 2012. Question de bon sens et de sincérité dans la vision politique, l’idée de la prolongation de deux ans du mandat de l’actuel président de la République, émise publiquement pour la première fois le 19 janvier 2011 dans une pétition dont se seraient fendus quelques « centaines de citoyens libres de toutes contraintes » de Sikasso et étourdiment reprise à son compte et au nom de son parti il ya une semaine par un député de cette ville, veut avoir la vie dure. Mais peut-elle prospérer ? Là est la question qui, à défaut de tenir le rythme, va maintenir au moins la cadence pendant un certain temps.

En réalité, ceux qui aujourd’hui déclarent se battre pour une extension extra- constitutionnelle du mandat présidentiel sont en fait les plus courageux d’un courant politique qui a longtemps cru à la possibilité de changer la Loi fondamentale dans un élan national de soutien quasi unanime à l’action du Président Amadou Toumani Touré. Pour soutenir une telle initiative, on invoque non sans raison le bilan économique, social et politique du locataire de Koulouba. Avec ATT, le Mali a en effet connu un rythme rarement égalé de développement avec la multiplication des infrastructures (routes, aménagements agricoles, communication avec l’ORTM dans toutes les régions, couverture nationale de la téléphonie mobile, bâtiment avec les infrastructures renforcées de l’Etat, le système hospitalier, l’Hôpital National de Bamako étant la meilleure illustration …). Avec ATT, le pays a bougé et cela est à son honneur. Mais, est- ce là une raison suffisante pour en faire un homme providentiel irremplaçable et lui ouvrir les portes d’une présidence à vie ?
Les mauvais calculs politiques
L’erreur grave est que le président de la République ait longtemps, semble-t-il, prêté une oreille attentive à une telle évolution qui, selon les calculs politiques, devait s’opérer à la faveur de la révision constitutionnelle doublée d’une onction populaire que l’on espérait pour un homme à l’empreinte exceptionnelle à la tête du pays. C’est ainsi qu’il faut comprendre le prix exceptionnel décerné au président de la République par les Chambres consulaires du Mali. Tout en travaillant discrètement dans ce sens, les partisans du Président ont été incapables de prévoir la bombe inutile que représentait le Code des personnes et de la famille qui a été un fiasco total, laissant ATT seul en première ligne d’une démarche aux intentions bonnes mais calamiteuse quant à la façon d’y parvenir. Or, l’échec du Code des personnes et de la famille a hypothéqué toute autre reforme politique majeure dans notre pays, y compris la Révision constitutionnelle, même dans ses aspects les plus nobles, l’opinion publique se laissant facilement intoxiquée par toutes sortes de mauvaises interprétations. La prolongation du mandat présidentiel est, depuis ce fiasco, sorti à jamais de l’agenda politique national, sans compter le fait-et ce n’est pas négligeable- qu’aucun homme politique crédible ne peut se risquer à demander ouvertement un tripatouillage de la Loi fondamentale de notre pays aux seules fins de politique politicienne. Restait maintenant l’option d’extension de deux ans pour répondre aux impératifs d’adoption du referendum. C’est pourtant la voie hasardeuse que dit emprunter désormais le président de la Codem (Convergence pour le développement du Mali) sans qu’on sache si sa déclaration n’est pas simplement lovée dans l’euphorie propice aux propos à l’emporte-pièce ou dans l’effet de mode.

L’extension du mandat présidentiel de deux ans
C’est l’option B du plan ou encore la solution du moindre mal visant toujours à faire en sorte que ATT reste à Koulouba jusqu’en 2014. C’est un peu dans cette optique que presque rien n’a été fait pour ajuster le fichier électoral ; on a plutôt misé sur le RAVEC que sur la révision de ce document important et stratégique à bien des égards. Or, les résultats du RAVEC, plus fiables et plus exhaustifs quant à la taille de la population malienne, y compris celle en âge de voter, ne seront tout à fait exploitables que dans un peu plus d’un an. Sur ce plan, cependant, il n’y a pas en principe de péril en la demeure comme certains semblent le croire, car les différentes élections partielles des maires ou députés ont montré que le fichier électoral est bon dans son ensemble et que sa mise à jour dans les délais impartis est parfaitement réalisable. Mais si l’intention reste toujours de gagner deux ans supplémentaires au profit de l’actuel locataire de Koulouba, les choses risquent de se compliquer pour tout le monde et singulièrement pour le président ATT qui n’a strictement aucun intérêt à entamer sa bonne réputation internationale pour cause d’appétit politique insatiable, la même erreur grave qui a fini par emporter le Président Tanja au Niger et qui crée ailleurs des misères à certains de nos voisins. ATT, nous sommes sûrs, sortira par le haut et on ne peut pas lui souhaiter un autre sort politique, car les Maliens auront besoin de lui, même lorsqu’il aura quitté le pouvoir. Mais tout dépend de la façon dont il le quittera.

Housseyni Barry et Assif Tabalaba

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