Le Premier ministre a réglé ou traité l’épineuse question de prolongation de la transition avec habileté ou ruse.
De nouvelles régions sont venues dessiner le territoire malien. Or, même si la réforme territoriale n’est pas totalement purgée, l’opinion publique n’abandonne pas l’idée de la poursuite des réformes au prix d’une prolongation de la transition. Rien d’exceptionnel dans ce report souhaité dicté par le degré d’impréparation du pays à affronter des élections libres et crédibles. Rien d’exceptionnel sauf que, des décennies, le calendrier électoral malien n’a pas cessé d’être modifié. Que le mandat de certains élus soit allongé, cette mutabilité du calendrier électoral intervient parfois dans la cacophonie. Les protestations d’une frange de la classe politique ne font que croître ces dernières semaines face à une telle éventualité.
Le Premier ministre ne peut pas modifier à sa guise la durée de la transition et reporter selon sa fantaisie l’élection du président de la République et des représentants du peuple. Il est donc important de convoquer les assises nationales de refondation. Cette clarification est cruciale car cet exercice participe potentiellement à la pérennité de l’idée de démocratie. En effet, en tant que régime politique qui donne le pouvoir au peuple, la démocratie permet, par le biais des résolutions des forces vives de réaliser le bien commun. S’enfermer dans l’étroit cercle des partis politiques dépossède les citoyens de la prise de décision au profit des premiers. Autrement dit, par assises, le Premier ministre donne mandat aux citoyens qui peuvent ensuite décider de la durée de temps qui s’écoulera jusqu’à la prochaine élection.« Les politiques ne sont qu’une partie des Maliens et leur avis seul ne peut pas clore le débat de la prorogation ».
Souplesse aux adducteurs idéologiques
La tenue des élections est conditionnée aux travaux de ces assises pour trouver des points de consensus, notamment dans les domaines politique, économique et social. Choguel Kokalla Maïga s’est engagé à mettre en œuvre les consensus qui sortiront de cette consultation qu’une grappe de partis politiques comptent bien boycotter.
Là réside le paradoxe dans l’esprit de ses contradicteurs. Le Premier ministre avait jugé tenable le calendrier électoral devant les membres du Conseil national de la transition (CNT) lors de la présentation de son Plan d’action gouvernemental. Certes, Choguel savait bien le temps trop court. Mais, quel serait la réaction des membres de cet organe faisant office de parlement s’il s’était écarté du calendrier initial de son prédécesseur Moctar Ouane ? Jusqu’à quel point les actes d’un gouvernant peuvent-ils se trouver en contradiction avec ses propos publics ? Choguel a fait preuve d’une certaine souplesse au niveau des adducteurs idéologiques. Certes, rien d’illégal. Mais quand on ne respecte pas ses engagements, es-ce vraiment moral ?
Il est à craindre que ces contorsions ne fragilisent son auteur, ce qui n’est pas si grave, mais aussi la valeur de la parole publique, ce qui l’est un peu plus.
Georges François Traoré