Au cours d’un atelier de deux jours tenu les 09 et 10 août sur les réformes politiques et institutionnelles, les membres du Conseil national de transition (CNT) se disent favorables à la prolongation de la durée de la transition. Une idée rejetée par l’immense majorité de la classe politique, qui appelle au maintien de la durée de la transition.
À 07 mois de la fin de la transition, le débat autour de la prolongation de sa durée est lancé. Au cours d’un atelier de deux jours, tenu les 09 et 10 août, sur les réformes politiques et institutionnelles, les membres du Conseil national de transition (CNT) se disent favorables à la prolongation de la durée de la transition, rapporte le journal Info-Matin.
Selon le quotidien, les membres du CNT présents à l’atelier disent oui à la prolongation de la durée de la transition. Car, pour eux, il est clair que la transition ne peut pas respecter le délai imparti au regard de la situation du pays. C’est pourquoi, ils disent se donner tous les moyens pour prolonger sa durée.
«Le préalable est de procéder à la révision de la Charte de la transition. Cette approche aura l’avantage de résoudre le problème du délai, mais aussi de baliser le terrain en vue d’aller aux réformes annoncées» indique Aboubacar Sidiki Fomba dans les colonnes du journal Info-Matin.
La volonté des membres du CNT est approuvée par le gouvernement, qui, sans le dire, est favorable à une éventuelle prolongation de la durée de la transition. Le PAG du Premier ministre est assez édifiant sur la question.
Les autorités du pays veulent profiter de cette prolongation pour mettre en place l’organe unique de gestion des élections et procéder à des réformes politiques et institutionnelles. Pour cela, elles estiment qu’il faut prendre le temps nécessaire pour mettre le pays sur les rails.
Le niet de la classe politique
Fixée à 18 mois, l’idée de prolongation de la durée de la transition est rejetée par l’immense majorité de la classe politique. «Nous sommes opposés à toute forme de prolongation de la durée de la transition», tranche Amadou Koïta, président du Parti socialiste Yeleen-Kura.
Contacté, l’ancien ministre de la Jeunesse et de la Construction citoyenne estime que rien ne justifie la prolongation de la durée de la transition. Cette position est réaffirmée par plus de 80 partis politiques lors d’une rencontre tenue le 11 août dans un hôtel de la place. Des responsables de partis politiques disent se donner les moyens légaux pour s’opposer à la prolongation de la durée de la transition.
«Ce n’est pas parce que le M5 (NDLR : le M5-RFP, mouvement de contestation qui a participé à la chute du régime IBK) vient d’arriver au pouvoir que le Mali doit s’arrêter», commente un participant à la rencontre.
«La transition prend fin le 25 mai 2022 et à partir de cette date, on considère qu’il y a plus d’autorités au Mali», glisse un autre participant qui ajoute que la prolongation se fera à une seule condition : «Balayer tous ceux qui sont au pouvoir afin de les remplacer par des hommes et des femmes compétents qui vont organiser les élections dans 03 mois. On ne va pas donner prime à l’incompétence».
Si les partis politiques sont majoritairement d’accord avec la création de l’organe unique de gestion des élections, ils trouvent le délai imparti très insuffisant pour sa mise en place. «Sa mise en place et son opérationnalisation prendront au moins 18 mois», assure un responsable politique qui estime que le problème électoral malien n’est ni plus ni moins qu’un problème d’homme. «Ce n’est pas l’organisation des élections législatives 2020 qui était en cause, mais la modification des résultats issus des urnes par la Cour constitutionnelle», rappelle notre interlocuteur.
Prolonger la transition ou pas n’est pas le problème, mais la vision
Pourtant, malgré cette opposition de la classe politique, Pr. Mamadou Samaké estime dans les colonnes du journal Info-Matin que «Nous sommes dans une logique de prolongation que personne n’ose dire. Et le Plan d’action du gouvernement s’inscrit dans cette dynamique».
Un des panélistes de l’atelier, le Pr. Samaké, a animé le thème relatif au contexte politique de 1960 à nos jours et les normes et conventions internationales en matière d’élections, de gouvernance et de démocratie.
Pour le politologue Boubacar Bocoum, il appartient aux autorités de donner les raisons pour lesquelles elles veulent prolonger la transition et les soumettre au peuple malien pour abrogation.
«Si les Maliens sont d’accord, il n’y a pas de problème», affirme-t-il. Avant d’ajouter que «prolonger la transition ou pas n’est pas le problème. Mais qu’est-ce qu’on fera de cette prolongation ?» s’interroge le politologue.
«Ce n’est pas la durée de la transition qui marque sa réussite. Il faut de la vision sans laquelle même une prolongation de 03 ans ne donnera aucun résultat», tranche Boubacar Boucoum. Or, poursuit-il, il est clair que la transition manque cruellement de vision.
Le Plan d’action du gouvernement présenté par le Premier ministre, Dr. Choguel K. Maïga, et adopté par le Conseil national de la transition (CNT), n’est qu’une déclaration d’intention. En somme, une manière de distraire le peuple.
Pour revenir sur la prolongation de la durée de la transition, le politologue estime que le gouvernement va devoir négocier avec la CEDEAO, dont il faut scruter la position. Car, c’est la communauté internationale qui a fixé le délai de la transition à 18 mois. «S’il y a une éventuelle prolongation, ça ne pourra venir que d’elle qui apprécie le travail réalisé par la transition», a-t-il précisé.
Au regard de la position tranchée des uns et des autres, les prochaines semaines s’annoncent très mouvementées au Mali.
Abdrahamane SISSOKO