Entre les spéculations politiciennes et les affres des préoccupations quotidiennes des Maliens, il y a bien un décalage. La preuve ? L’appel lancé par l’Alliance contre le projet de reforme est tombé dans des oreilles de sourds. Les rares partisans de la contestation qui se sont mobilisés le week- end dernier à la Bourse du travail, étaient presque imperceptibles. Les Maliens semblent avoir choisi leur camp. C’est en tout cas, le constat fait lors du meeting organisé par l’Alliance contre le projet de réforme constitutionnelle.
Cette rencontre a regroupé autour de l’UNTM, la Coordination des organisations des mouvements démocratiques (COMODE), le Forum des organisations de la société civile et certaines formations politiques. Avec une timide mobilisation, lors de ce premier meeting de contestation, les responsables de l’Alliance sont montés au créneau pour expliquer les incohérences et les dangers de ce projet sur l’avenir de notre démocratie. Cette Alliance contre le projet de réforme constitutionnelle est le résultat des échanges de la Société civile sur l’avenir politique de notre pays. Il s’agit pour elle d’empêcher le président de la République de remettre en cause les acquis de Mars 1991. C’est pourquoi, au cours de ce meeting, les différentes organisations de cette Alliance ont tenu à clarifier leur opposition par rapport au projet.
Le Secrétaire général de l’UNTM, Siaka Diakité comme d’habitude, a expliqué les raisons de l’engagement de l’UNTM auprès des organisations pour protester contre le projet de réforme. Selon lui, les missions de l’UNTM (la défense des intérêts des travailleurs et la sauvegarde des acquis du peuple) exige un engagement plus fort pour bloquer l’aventure de Koulouba. M. Diakité a invité l’initiateur de ce projet, le président de la République, ATT, à revoir sa copie en mettant l’accent sur d’autres priorités. «L’engagement de l’Alliance traduit notre attachement à l’Etat et aux valeurs républicaines. Pour quel intérêt et pour qui cette réforme ? Si c’est pour nous, nous disons Non. Les priorités sont énormes : la cherté de la vie, l’état catastrophique de l’école et les difficultés financières du moment», explique-t-il.
Interrogé sur le projet d’arrestation qui serait en cours contre lui, le Secrétaire général de l’UNTM, avec un sang froid indescriptible, nous a répondu en ces termes : «Je suis au même niveau d’information que vous. Mais, une chose est sûre, je n’ai peur de personne, je suis dans le syndicalisme depuis mes 17 ans. La menace est la méthode du pouvoir. Jusqu’à preuve de contraire, je suis libre et je circule sans garde du corps», martèle-t-il.
A la suite de Siaka Diakité, Me Gaoussou Diarra a rejeté en bloc ce projet tant dans sa forme que dans son contenu. Selon lui, «la démarche du projet n’est pas une révision, mais plutôt une volonté visant à doter le Mali d’une nouvelle Constitution dans la mesure où cette réforme change complètement l’architecture constitutionnelle de notre pays».
Quant au président du SYLMA, Hamèye Founé Mahalmadane, il a pointé du doigt la classe politique, arguant qu’elle a prouvé son incapacité totale à jouer son rôle au nom d’une gestion consensuelle du pouvoir. Et d’ajouter que «rien ne justifie cette réforme, si ce n’est de faire plaire à un homme qui veut tout inventer ». En prenant l’exemple sur certains points de ce projet, notamment la référence faite à la charte de Kurukanfuga, la méthode de désignation des membres de la cour constitutionnelle, la création du Senat et la levée de l’immunité parlementaire par l’Assemblée Nationale, le président du SYLMA estime que «ce projet est une aberration».
Mais, il est à noter que face à la faible mobilisation enregistrée, l’inquiétude était de taille chez le président de l’UMPR, Modibo Sangaré, qui a une triste expérience en la matière. Lui qui avait donné le ton de la contestation à travers une série de marches, a invité les différentes organisations de l’Alliance à changer de méthode. Il estime que Koulouba n’est pas sensible aux conférences-débats et autres meetings.
L’absence remarquée de Daniel Tessougué
Cette absence de Daniel Tessougué à ce premier meeting de l’Alliance contre le projet de reforme constitutionnelle n’a laissé personne indifférente. Cette «pièce maîtresse de la contestation» n’a pas fait le déplacement pour soutenir ses camarades. Joint par téléphone pour connaître les raisons de son absence, il nous a simplement dit qu’il était empêché. Cette absence de Daniel Tessougué est-elle le signe d’un échec programmé ?
Et si Madani Tall avait raison
La faible mobilisation de l’Alliance lors de ce premier meeting risque de donner raison à Madani Tall, président de l’ADM qui qualifiait les contestataires de «démagogues incapables de mobiliser la moindre personne». Même s’il est prématuré de juger la force de mobilisation de cette Alliance dans les jours à venir, une chose est sûre : des doutes planent sur sa capacité d’atteindre son objectif.
Nouhoum DICKO