« A la faveur de la recomposition du paysage politique et de la prorogation du mandat des conseils des collectivités territoriales, il serait souhaitable de mettre en place une nouvelle CENI conformément aux dispositions de l’article 4 susvisé pour superviser et suivre les prochaines élections communales et régionales ». Telle est la suggestion des experts du Ministère de l’Intérieur et de la sécurité, à l’issue d’une réflexion provoquée par la délicate question du maintien ou non de la CENI dans sa formation actuelle, lors du cadre de concertation administration partis politiques du 19 juin 2014.
Si ça ne tenait qu’aux experts du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité, le Mali va devoir se doter d’une nouvelle CENI pour superviser et suivre les prochaines élections communales et régionales. Ils l’ont clairement signifié le 25 juin 2014, dans un document intitulé « Synthèse de la réflexion du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité sur la situation de la CENI ». Lors de la réunion du Cadre de concertation entre l’administration et les partis politiques du 19 juin 2014, il est apparu une grosse difficulté quant à la question du maintien ou non de la CENi dans sa formation actuelle. Comme surpris par la question, l’administration n’avait pas souhaité donner une réponse séance tenante. Mais, vu la délicatesse de la question, le ministère à commis des experts en son sein pour une réflexion rapide.
Le document de synthèse de cette réflexion est disponible depuis le 25 juin 2014. Et le verdict est sans appel : « A la faveur de la recomposition du paysage politique et de la prorogation du mandat des conseils des collectivités territoriales, il serait souhaitable de mettre en place une nouvelle CENI conformément aux dispositions de l’article 4 susvisé pour superviser et suivre les prochaines élections communales et régionales ». Pour parvenir à cette conclusion les experts ont mené une analyse sur deux plans : juridique et politique. Selon eux cette démarche vise à permettre une compréhension bien partagée de la situation, avec l’espoir que cela pourrait faciliter la prise de décision acceptable par tous ou tout au moins par une grande majorité. En ce qui concerne le plan juridique, les experts ont rappelé que « la loi électorale sous son chapitre II et sa section 1 traite de la CENI ». Selon eux, il faut retenir que les réclamations et observations de la plupart des intervenants lors de la réunion du cadre de concertation sur la situation de la CENI se fondent sur l’article 17 de la loi électorale qui dispose « le mandat de la CENI prend fin trois mois au plus après la proclamation définitive des résultats de l’élection générale, d’élections générales successives ou du référendum ». Avant d’indiquer que « les notions d’élection générale et d’élections générales successives qui apparaissent dans les dispositions de l’article sus visé ont été interprétées différemment par les intervenants sur la question ». Qu’à cela ne tienne, les experts ont mis en exergue les deux positions qui sont sorties des débats lors de la réunion du cadre de concertation. Ils ont estimé que ceux qui réclament la démission de la CENI, « soutiennent que les élections générales sont un ensemble d’élections comprenant la présidentielle, les législatives et les communales ». Et pour eux, « le report des communales initialement prévues en avril 2014, semble justifier la fin ou l’interruption d’un processus, partant, celle du mandat d’une CENI commise à ce processus, peu importe la nature et les raisons du report ». Quant à ceux qui sont intervenus au nom de la CENI, les experts retiennent qu’ils pensent que « le parachèvement du processus engagé en 2012 justifie à suffisance la non recomposition de la CENI dont le maintien en fonction est justifié par le report et le récent financement de ses activités par le budget national ». A l’analyse de ces deux positions, les experts ont estimé que « le report de la date des communales, donc finalement l’intervalle de temps séparant les élections législatives des élections communales, semble être l’élément qui pose plus de problèmes. Autrement dit, si les élections communales étaient tenues à la date initialement prévue (avril 2014), il n’est pas évident que le mandat de la CENI eût été mis à l’index avec autant d’engagement et d’arguments. Alors cette attitude relèverait plus du bon sens, de la tolérance ou du consensus politique que du droit, dans la mesure où la loi n’indique pas avec précision le temps qui doit séparer les différentes élections ».
Qu’à cela ne tienne, après un long raisonnement juridique, les experts ont estimé que « n’eût été le décalage intervenu dans le chronogramme électoral de la présidentielle et des législatives, ces élections seraient tenues en 2012 sous un mandat de la CENI différent de celui qui aurait géré les communales en 2014 ».
Avant de rappeler au plan politique que la création de la CENI trouve sa motivation essentielle dans la méfiance de la classe politique vis-à-vis de l’administration électorale. Et de rappeler que sa composition reflète naturellement une préoccupation par rapport à des intérêts politiques que la présence de la société civile (qualifiée de neutre) pourrait tempérer. En conclusion sur le volet politique, les experts ont estimé que « C’est plutôt une décision politique consensuelle en la matière qui serait souhaitable au regard du contexte politique actuel ». Mais, quant ils mettent cote à cote les résultats de leur analyse juridique et politique, les experts ont suggéré : « A la faveur de la recomposition du paysage politique et de la prorogation du mandat des conseils des collectivités territoriales, il serait souhaitable de mettre en place une nouvelle CENI conformément aux dispositions de l’article 4 susvisé pour superviser et suivre les prochaines élections communales et régionales ».
Assane Koné