Le ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales, Général Kafougouna Koné, a présidé le 26 avril dernier, dans la salle des conférences du Gouvernorat de Bamako, la réunion du Cadre de concertation avec les partis politiques. Le général Kafougouna Koné voulait présenter les résultats provisoires de la phase active des opérations d’enrôlement des populations dans le cadre du Recensement administratif à vocation d’état civil (Ravec).
Pour les Maliens de l’intérieur, l’enrôlement a concerné 14. 003. 026 personnes sur une prévision de 13. 064. 614, soit un taux de 107, 18%. Quant aux Maliens de l’extérieur, 263 155 personnes ont été enrôlées sur une prévision de 772. 006, soit un taux de 62,66%. L’établissement d’un fichier électoral à partir des données du Ravec a occupé une place importante dans les échanges entre le ministre et les responsables des partis politiques. Le général Kafougouna Koné hésite. Les partis politiques sont divisés. La délégation générale aux élections se veut prudente. Regards croisés.
Kafougouna Koné, ministre de l’Administration territoriale
‘’La question relative aux Maliens de Côte d’Ivoire est préoccupante’’
Nous avons un devoir de rendre crédible notre état civil. ‘‘Il faut sécuriser nos pièces d’état civil.’’ Selon lui, le Ravec va au-delà du fichier électoral qui est une de ses applications. C’est une opération qui doit être pérenne. Dans ce cadre, des valises ont été placées au niveau des cercles, certaines communes et des représentations diplomatiques et consulaires pour enrôler les nouvelles naissances et les retardataires.
Les enrôlements ont été faits sans les Maliens de la Côte d’Ivoire. La question relative aux Maliens de la Côte d’Ivoire constitue une préoccupation. ‘’Si nous voulons faire un fichier électoral avec le Ravec, il faut trouver une solution consensuelle au cas de la Côte d’Ivoire.’’ Le ministre a évoqué le problème concernant le coût des opérations. Il appartient au gouvernement, déclare-t-il, de trouver les moyens. En matière électorale, dit-il, la contrainte temps est très importante. Pour le ministre, il est souhaitable d’expérimenter les données du Ravec à une élection qui a moins d’enjeu que la présidentielle. En tout état de cause, le ministère travaille pour tirer un fichier électoral à partir des données du Ravec dans le cadre des élections de 2012. ‘’Nous serons prêts ou pas. C’est ça la question’’, a ajouté le ministre Koné.
Mme Diallo Fadima Touré, Présidente du Parti écologiste
‘’Nous pouvons travailler sur le Ravec tout en gardant l’actuel fichier’’
La présidente du parti écologiste affirme être d’accord sur la périodicité des rencontres du cadre de concertations. ‘’ Au parti écologiste, nous avons rêvé. Nous sommes ravis de constater que notre rêve est en train de devenir réalité. Nous pouvons travailler avec l’actuel fichier. Nous pouvons travailler sur le Ravec tout en gardant l’actuel fichier électoral.’’ S’agissant du cas de la Côte d’Ivoire, elle estime qu’il n’est pas bon d’aller aux élections sans une partie de nos compatriotes. Elle propose des inscriptions à travers l’Internet. Si l’on se donne un objectif, un moyen, nous pouvons faire un fichier à partir du Ravec. Là où, ça ne va pas, on va se référer à l’ancien fichier. ‘’Le parti écologiste a toujours dit que les élections coûtent cher. Nous pouvons combiner les élections présidentielle et législatives…. Si nous avons la volonté de réussir, nous pouvons.’’, a-t-elle dit. Dans la précipitation, avertit Mme Diallo Fadima Touré, il ne faut pas aller avec le Ravec. Elle a évoqué une possibilité de mettre les résultats du Ravec sur le net.
Ahmed Cissé, Bara :
‘’Il ne faut pas enterrer l’actuel fichier électoral’’
Les élections doivent avoir lieu en 2012. Il n’y a pas de doute. Il ne saurait avoir de doute. Pour lui, le gouvernement doit gérer la question du temps. Je ne suis pas d’avis qu’il faut enterrer le fichier électoral. Ce fichier a des insuffisances. Il faut le revoir, l’auditer. La Dge n’est pas le seul responsable. Les partis politiques sont interpellés car ils ‘’bourrent’’ le fichier.
Aux dires de Cissé, le travail d’amélioration du fichier doit être fait en concomitance avec le Ravec. Contrairement au ministre de l’Administration territoriale, lui est plutôt d’avis qu’il faut expérimenter le fichier au cours de la présidentielle. Car selon lui, il n’a pas de petites ou grandes élections. Il faut faire attention. Un piège est dans l’air, avertit-il, tout en interpellant les partis politiques pour qu’ils n’y tombent pas.
Selon lui, le peuple est sensible mais dangereux. ‘’Je souhaite que les élections soient transparentes et paisibles.’’, a-t-il conclu.
Général Siaka Toumani Sangaré, Délégué général aux élections
‘’Partout où la biométrie a été introduite, le délai initial n’a jamais été respecté’’
Selon lui, la problématique du fichier n’est pas propre au Mali seulement. Siaka Toumani Sangaré pense que la biométrie a ses avantages et ses inconvénients.
Le délégué général aux élections a cité deux avantages. Il s’agit de l’identité physique et de l’identification sûre de chaque électeur. Il faut reconnaître que la biométrie a ses contraintes. Le général Siaka Sangaré a évoqué son coût. A titre d’illustration, il cite le Sénégal (24 milliards), le Bénin (plus de 40 milliards), la Guinée (15 millions de dollars) et la Côte d’ivoire (plus de 70 milliards). La question du temps est aussi importante. Selon lui, partout où la biométrie a été introduite, le délai initial n’a jamais été respecté. L’expert reconnaît que la biométrie ne résout pas tous les problèmes. ‘’Le système malien est une référence dans la sous- région. Notre pays est un paradis politique.’’
Massa Sogoba, Sadi
‘’Nous avons la possibilité de corriger le fichier actuel ‘’
La DGE a fait une étude d’amélioration de l’ancien fichier électoral qui n’a pas été d’abord prise en compte. Nous avons la possibilité de corriger avec le produit qui est en cours. Je crois qu’il y a lieu de voir. On parle de la cherté des coûts investis dans les élections. Je crois que maintenant qu’on devrait laisser la volonté du peuple s’exprimer. Je crois que c’est une volonté politique qui pourra contribuer à corriger toutes ces imperfections.
Tiebilé Dramé, Président du Parena
‘’On déclare la mort du fichier électoral utilisé jusqu’ici’’
‘’Je voudrais commencer par quelques propositions en pensant qu’elles puissent faire l’objet d’un consensus. Je souhaite que ce cadre de concertation se réunisse tous les 15 jours. Cela me parait important. Il n’y a pas seulement le cas de la Côte d’ Ivoire qui a besoin de consensus. Il y a un besoin de consensus sur toutes les étapes. Je souhaite qu’on se mette d’accord ici que l’élection présidentielle se tiendra l’année prochaine, en avril. Il est souhaitable que vous puissiez le dire, M. le Ministre, que votre gouvernement fera tout pour que l’élection se tienne à cette date. Cela aussi peut faire l’objet d’un consensus. Ça vous permettra d’avancer pour dégager un chronogramme contre cette date. Le 27 avril 2007, nous étions en élection. Peut – être que vous avez le sens des symboles en nous invitant un 27 avril. Il est souhaitable qu’un chronogramme soit dégagé à partir de la datte- butoir à laquelle l’élection se tient.
Je souhaite aujourd’hui, ici même, qu’on déclare la mort du fichier électoral utilisé jusqu’ici. Comme vous le savez, plusieurs acteurs politiques se sont récemment prononcés sur le fichier électoral. Le Premier ministre, Younoussi Touré, a même dit que l’Urd n’ira pas aux élections avec le fichier actuel. Et aussi une déclaration de Dioncounda Traoré, président de l’Assemblé nationale et en tant que président de l’Adema sur la qualité du fichier électoral. Il y a l’avis du président de la République lui-même, le 22 septembre 2009, sur le fichier électoral. ‘’Je demanderai la dissolution de la liste électorale actuelle et l’établissement d’un fichier électoral à partir du Ravec’’. Je crois qu’il est aisé, à partir de voix plus autorisées, de prononcer la mort du fichier électoral actuel.
Je passe sur l’étude très compétente, très experte de la DGE que vous n’avez pas réussi à mettre en œuvre avant l’élection communale par manque de volonté politique et aussi par l’opposition de la Ceni. La DGE sait de quoi elle parle. C’était des propositions pour expurger du fichier actuel tout ce qui est obsolète, avarié. Je pense que nous devons déclarer la mort du fichier électoral actuel. Votre plus proche collaborateur, M. Sow ici présent, a émis quelques mois après les élections de 2007, un avis qui condamne définitivement le fichier électoral, à savoir que l’élection de 2007 a été la plus frauduleuse de l’histoire du Mali. …..
Je souhaite un nouveau fichier issu du RAVEC. Le cas de la Côte d’Ivoire doit faire l’objet du consensus. S’il n’est pas possible de faire un recensement de Ravec en Côte d’Ivoire aussi douloureux que cela puisse être, il faut trouver d’autre solution. Un de vos voisins, le général Siaka Sangaré, est un expert internationalement reconnu en la matière qui a brillamment sauvé la stabilité de la Guinée. En Guinée ils ont eu des solutions. Donc cela veut dire qu’on doit trouver une solution. Mais que l’enrôlement des Maliens de la Côte d’Ivoire ne soit prétexte à retarder ou à reporter l’élection. Il est arrivé que pour cause de force majeure, il n’y ait pas d’élection dans certaines communes ou dans certaines régions en 2002 dans le secteur de Kidal.
M. le ministre, je connais votre attachement à la stabilité de notre pays. Mais la façon où les prochaines élections vont se passer dépendra la stabilité du pays. Il est important que vous sachiez que ça repose sur vos épaules ».
Amadou Soulalé, Président du Famat
‘’On ne cesse de faire planer des menaces.’’
Il faut qu’on cesse de faire planer des menaces. Ce n’est dans l’intérêt de personne. L’instabilité n’est dans l’intérêt de personne. S’il y a instabilité, cela va frapper tout le monde. Ce qui se passe dans d’autre pays ne se passera pas forcément au Mali. Ces pays ont leurs réalités. Le Mali a ses réalités. S’il y a guerre civile, tout le monde sera là. Donc personne n’y a intérêt. Ce qui se passe au niveau de nos frontières doit nous donner matière à réflexion…L’administration doit prendre des dispositions pour que les élections se déroulent dans la sérénité et dans la transparente. Sur les Maliens de l’extérieur, on a fait de fausses prévisions. La difficulté fondamentale a été la mise à l’écart des conseils de base des Maliens de l’extérieur. Leur non recensement exhaustif est imputable aux missions diplomatiques et consulaires. ..
Par rapport au cas de la Côte d’Ivoire, qu’on le veille ou non, les Maliens de la Côte d’Ivoire vont voter. On ne peut pas exclure un aussi nombre important. Il faut qu’ils votent. L’argumentaire d’aucun expert ne pourra nous convaincre. Les Ivoiriens doivent voter. S’ils ne peuvent pas voter sur la base du RAVEC, il y a d’autres mécanismes. En tout cas, on ne peut pas exclure un Malien de son devoir de citoyen.
Abba Touré, CNID-FYT :
‘’Il faut sortir des hésitations’’
M. le ministre, vous disiez qu’il faudrait peut-être expérimenter le Ravec dans les élections communales où il y a moins d’enjeu. Pour moi, c’est tout le contraire. On va tout droit au but et expérimenter le Ravec avec la présidentielle. C’est l’essentiel et le plus important. Je crois qu’il faut sortir des hésitations. On va aux élections avec le Ravec. Il n’y a vraiment pas lieu de poser des interrogations inutiles. Le gros du travail a été fait. Le reste est insignifiant. Donc, n’hésitez plus.
Mahamadou Sissoko, Urd
‘’Le danger serait de ne pas appliquer le Ravec.’’
Par rapport à l’expérimentation du Ravec, j’estime aussi qu’il n’y a pas de petites élections. Toutes les élections sont importantes parce qu’elles concourent effectivement à assoir les bases d’une gestion saine du pays. Il faut abandonner le fichier électoral. Il faut que le Ravec soit appliqué. Le danger serait de ne pas appliquer le Ravec. C’est notre sentiment.
Les Maliens de Côte d’Ivoire sont des Maliens et leur droit de choisir leur dirigeant doit être respecté. Pour le cas ivoirien, le consensus à mon avis devrait aller à l’application de la loi qui existe. Mais chacun doit réfléchir sur la possibilité de vote des Maliens en Côte d’Ivoire puisque le Ravec ne peut pas être appliqué.
A. Amadou Sy, Président du Mplus – Ramata
‘’Ce n’est pas normal que 1% d’une population handicape les 99%’’
Le fichier que nous avons maintenant est obsolète. Il serait inacceptable de l’appliquer aux élections. Vous avez parlé des handicaps. J’ai compris comment l’essentiel concerne les Maliens de l’extérieur, notamment ceux de la Côte d’Ivoire. Ils font moins de 1% de l’ensemble des Maliens. Ils ont des droits, c’est vrai. Mais démocratiquement ce n’est pas normal que 1% d’une population handicape les 99%. Je rejoins Dramé pour trouver un consensus de manière à tirer du Ravec un fichier conforme aux réalités…Le Ravec n’aura de sens que s’il permet à la majorité de Maliens d’être inscrits et d’aller exprimer leur droit de vote.
Colonel Youssouf Traoré, Président de l’Ufdp
‘’ Il faut s’assurer d’abord d’un nouveau fichier sur la base du Ravec’’
Il y a des propositions qui ont été faites pour améliorer la qualité du fichier. Comme tout le monde n’a pas le rapport, je pense qu’il y a lieu d’examiner ces propositions. Si l’on avait pris certaines mesures, on se serait trouvé aujourd’hui avec un fichier acceptable, l’expérience étant le bâton des aveugles. A la veille de l’hivernage, si vous vous fâchez pour détruire votre vieille maison, vous risquerez de dormir dans un marigot. Donc, avant de déclarer mort le fichier actuel, il faut s’assurer qu’un nouveau fichier sur la base du Ravec peut être confectionné dans les délais requis pour nous sortir de l’impasse.
Aujourd’hui, on n’en a pas la certitude. Et des zones d’ombre existent. Ce nouveau fichier va être confectionné à quel prix ? Dans quel délai ? Il faut qu’on sache avant de se prononcer sur la question. Avant, je conseille d’avoir toutes les garanties du temps et de moyens financiers pour la confection du nouveau fichier électoral avant de dire oui.
La question ivoirienne revient. Il serait très difficile d’aller aux élections dont les enjeux sont extrêmement importants en excluant une partie aussi importante de la population du Mali. Attendons de voir comment la situation ivoirienne va évoluer. Et je pense qu’elle évolue à grands pas. Dans un mois ou deux, ceux qui n’ont pas pu être enrôlés pourront l’être pour qu’on puisse vraiment avoir le même fichier pour tous les Maliens. Et que chacun puisse se retrouver avec son devoir de citoyen et élire les responsables de ce pays. En tout cas sur le plan des principes, il serait hasardeux d’exclure ces gens. Le vent actuel qui souffle sur le monde est celui de la contestation. Il faut s’en méfier et surtout se garder de croire que ça n’arrive qu’aux autres.
L’autre question concerne la révision des listes électorales dans l’année qui précède les élections. Nous sommes en 2011 et en 2012 il y aura des élections. Ce problème de révision des listes électorales en 2011 revêt une importance particulière.
Je termine par l’enjeu des élections de 2012. Il ne faut pas se cacher la face. En 2012, nous aurons des élections exceptionnelles. Il faut que les disposions soient prises en tirant les leçons des précédentes élections. Les élections que nous avons enregistrées comportent de fortes doses de fraudes. Ce qui ne peut pas aller dans un pays démocratique. Nous avons des responsables mal élus. Au finish, nous avons honte de nos institutions. Il faut prendre des disposions pour enrailler ce phénomène qui décrédibilise nos institutions.
Bakary Konimba Traoré, Rpm :
‘’L’actuel fichier peut servir de parachute ventral’’
La lecture que nous faisons de la situation actuelle est que le tableau a été assez précis. Le Ravec est une matrice qui accouchera de beaucoup de bébés. La focalisation sur l’un des éléments que l’accouchement va donner, à savoir le fichier, est directement liée à la question électorale. Elle est passionnante, difficile… Mais les autres aspects, il ne faut pas trop tarder là-dessus. Tout ce qui concerne les élections, si l’on regarde les délais constitutionnels, si l’on regarde la loi constitutionnelle, nous devrons dire à l’administration, aux partis politiques de tout faire pour que dans le délai qui reste dans le chronogramme, si nous nous organisons pour le faire, ça sera une bonne chose.
En dehors des élections présidentielle et législatives prévues par le calendrier retenu pour l’année 2012, il y a des situations de révision qui vont nous amener vers une autre élection : le vote référendaire. Si l’on se concentre sur le Ravec, si l’on travaille correctement là-dessus, on va organiser de manière plus professionnelle les élections.
Tout en menant le travail qui consiste à sortir un fichier du Ravec, il faut s’engager par rapport au fichier qui peut-être obsolète. Il faut reconnaître qu’on peut le traiter et lui donner la chance de ce qu’on appelle le parachute ventral. Donc, je suis d’avis qu’il ne faut pas accepter que le fichier actuel serve de base. Mais s’il peut être nettoyé, auditer avec les experts dans le respect de la loi, il faut qu’on se fasse confiance.