C’est par décret n° 0315 P-RM du 08 Avril 2017 portant nomination du Premier ministre, que le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, porte à la tête de l’exécutif, Abdoulaye Idrissa Maïga. Il remplace ainsi Modibo Kéita à ce poste et devient le quatrième premier ministre de l’ère « IBK ».
Le décret de nomination lu tard dans la nuit du samedi 08 Avril 2017, n’a vraiment pas surpris les observateurs de la scène politique malienne. Il était d’ailleurs attendu. Pas que le sortant a démérité. Au contraire, Modibo Kéita a su ramener la discipline au sein de l’équipe gouvernementale. Ce sexagénaire, était beaucoup respecté non seulement pour son âge, mais pour sa connaissance des grands dossiers du pays. Il a su apporter son expérience là où il fallait. Mais l’évolution du contexte politico-social et en raison du calendrier politique lié aux élections de 2018, le président « IBK » a du se résoudre à se séparer de lui. Il ne sera jamais aussi loin du président « IBK » qu’on ne l’image.
C’est Abdoulaye Idrissa Maïga, qui fut directeur de campagne du président « IBK » en 2013 et Ministre de la Défense à l’heure de sa nomination, qui prend les commandes de la Primature. Cet homme de 59 ans, proche du président « IBK » occupait les fonctions de ministre de l’Administration territoriale dans le premier gouvernement avant celles de ministre de la défense. Il a été élu 1er Vice-président du parti pour le Rassemblement pour le Mali (RPM) à l’issue de son 4ème congrès ordinaire.
Cette élection d’un cadre du parti présidentiel aux commandes de l’exécutif, a été réclamée depuis fort longtemps par les responsables du RPM qui ne comprenaient pas que le Premier ministre ne soit issu des rangs du parti présidentiel. Le 1er premier ministre, Oumar Ta Tam Ly, n’était d’aucun bord politique que l’on sache. Ce qui ne favorisera pas sa tâche ce d’autant plus qu’il devait asseoir son autorité sur des cadres du parti présidentiel dont certains pouvaient estimer à tort ou à raison que son poste devrait leur revenir de droit. Oumar Ta Tam Ly jeta l’éponge et sera remplacé par Moussa Mara, ce jeune politique aux dents longues, l’ « ennemi » qui passa dans les rangs à la veille du 2ème tour de l’élection présidentielle de 2013 par ralliement. Si les faucons du RPM n’ont accepté cette « humiliation », ils étaient obligés de soutenir le choix politique de leur mentor, le président « IBK » qui n’hésitait pas à dire dans ses moments de colère qu’il n’était élu président par la seule capacité du RPM, son parti, mais par la volonté populaire des Maliens tout bord confondu. Soutenu seulement du bout des lèvres, Moussa Mara paiera de son poste l’intervention militaire que beaucoup jugeront « hasardeuse » à Kidal. La suite on le sait.
Modibo Kéita que le président aime à appeler son « aîné », est appelé pour apporter sérénité, solidarité à l’action gouvernementale afin de mieux répondre aux nombreuses attentes des populations. Si le gouvernement a retrouvé sa sérénité et s’est montré des fois solidaire, l’évolution du contexte sécuritaire et social, démontre que des efforts doivent toujours être consentis afin d’amener la stabilité tant recherchée par l’ensemble des Maliens. A l’actif du gouvernement sortant, l’on dira certes, la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation et son début de mise en œuvre avec surtout la tenue de la conférence d’entente nationale ; On citera la tenue des élections communales dans un climat incertain au départ ; la mise en place des autorités intérimaires etc. Mais le front social s’est subitement mis en ébullition par des séries de grèves illimitées. La situation sécuritaire, même si, elle s’est améliorée, certes, par rapport à celle de 2013-2015, est devenue préoccupante malgré des avancées significatives dans ce sens. Difficile de dire que c’est tout cela qui a eu raison du gouvernement Modibo Kéita.
A notre avis, il faut situer son départ dans le cadre du calendrier politique. A quelques encablures des élections présidentielles prévues pour 2018, le président « IBK » cherche-t-il à donner une nouvelle impulsion à l’action gouvernementale afin d’apporter des réponses concrètes aux besoins de la population ? L’analyse sous cet angle nous parait assez intéressante dans la mesure où l’opposition cherche à instrumentaliser ces mouvements populaires. L’autre dimension se trouve dans ses relations avec son propre parti (le RPM) au sein duquel certains n’apprécient pas le fait que le choix du premier ministre se fasse en dehors d’eux. Une situation que le président « IBK » lui-même connait ayant été bénéficiaire de cette situation. En effet, une fronde interne contre le président Alpha Oumar Konaré, avait amené ce dernier à choisir son premier ministre au sein de son propre parti après avoir expérimenté d’autres formules. Le choix avait été sur lui IBK.
Enfin, nous pouvons dire que le prochain gouvernement sera un gouvernement de campagne et reflétera plus l’image des alliances politiques. Il faut s’attendra au départ de certains ministres qui recevront mandat d’aller battre campagne au profit du « Chef » et à l’entrée d’autres pour sceller le pacte d’alliance avec les partis alliés. Aussi, ce prochain gouvernement, devra également tenir compte des résultats de la conférence d’entente nationale afin de sceller l’union sacrée autour de la paix. Mais quoique l’on dise, le prochain gouvernement a de lourds défis à relever et qui concernent notamment la demande sociale.
Tièmoko Traoré