De l’avis du président du Parena, à seulement 112 jours de la date annoncée pour le premier tour de l’élection du nouveau président de la République, il y a plus de questions que de certitudes sur la tenue de ce scrutin. Il a fait cette déclaration samedi, à la faveur d’une conférence-débat organisée par Jamana.
«Quel Mali après les élections de juillet 2013 ? ». Voici le thème du débat auquel l’espace d’expressions plurielles Jamana nous conviait le 16 mars dernier à la Maison de la presse. C’était dans le cadre du 24è anniversaire de son édition quotidienne : notre confrère «Les Echos». Pour mieux aborder ce sujet aussi passionnant que d’actualité, les organisateurs de la conférence avaient fait appel aux riches expériences de certaines grosses pointures de la scène politique nationale. Il s’agit en l’occurrence de Tiébilé Dramé, président du Parena, Konté Fatoumata Doumbia, maire de la Commune I et présidente des femmes Adéma, Dr Bréhima Kaména, secrétaire politique du Cnid et Sékou Diarra, président de la Cad-Mali et membre du parti Sadi. La présidence de la cérémonie était assurée par le Pr Salikou Sanogo, représentant le Président de l’Assemblée nationale, tandis que le Dr Naffet Keïta assurait la police des débats.
Dans des communications relativement pertinentes, chacun des conférenciers a tracé les contours de ce qu’il pense devoir être le Mali de demain, se prononçant, pour certains, sur la possibilité de respecter l’échéance de fin juillet pour la tenue des élections comme indiqué par les autorités de la transition.
Dans son exposé, le président du parti du Bélier blanc a estimé qu’au regard de la crise multidimensionnelle à laquelle nous faisons face depuis 2012, «le prochain président de la République, quel qu’il soit, doit se concevoir et doit être perçu comme un président de transition qui doit inaugurer un quinquennat de réformes. Fort de la légitimité à lui conférée par le suffrage populaire, il devra organiser les états généraux de la nation afin de permettre aux forces vives de débattre des causes profondes de l’effondrement du Mali. Mieux, le futur président de la République doit faire la paix dans le Nord du Mali en scellant un nouveau pacte national de paix et de réconciliation qui devra être adopté par des assises nationales». Aussi, M. Dramé a souhaité que les futures autorités refondent les forces armées et de sécurité afin qu’elles deviennent plus professionnelles et républicaines.
Comme autres reformes suggérées par le président du Parena après les élections de 2013, ce sont la refondation de la République malienne à travers la rédaction de la Constitution de la 4è République ; la reforme de l’Administration et de la justice. Mais, pour qu’il y ait un nouveau président ou des reformes, a-t-il fait savoir, il faut qu’il y ait des élections. Or, craint M. Dramé, à un peu plus de trois mois de la date donnée pour le premier tour de la présidentielle, il y a encore plus de questions que de certitudes sur la tenue du scrutin, le 7 juillet 2013. Au fait, sur la base de quel fichier le vote aura-t-il lieu ? Où voteront les réfugiés et les déplacés internes ? Quid du redéploiement de l’Administration dans les zones libérées ? Existe-t-il un dialogue avec la classe politique sur ces sujets ? En voilà des interrogations qui, vraisemblablement, suscitent le doute chez le président du Parena.
Par ailleurs, il a fait remarquer la cohabitation entre la Constitution et le coup d’Etat. De son avis, en observant les évènements des dernières semaines, on constate que le coup d’Etat, loin d’être résorbé, est en train de prendre le dessus sur la constitution. Toute chose qui, dit-il, prête à confusion et entrave l’action des pouvoirs politiques. Pire, cette situation ternit l’image de notre pays au moment où nous sommes l’objet d’une attention internationale accrue. En faisant allusion à l’arrestation du directeur de publication de « Le Républicain » et bien d’autres, il a regretté le fait que la Sécurité d’Etat soit détournée de sa mission de sécurisation du pays en devenant un immense commissariat de police politique. «On aurait aimé voir la SE montrer le même zèle au moment de l’attaque contre le Président en mai dernier », a-t-il lancé.
Pour le Dr Kaména, la réussite des élections est un préalable au débat sur l’avenir du pays. Exprimant les mêmes inquiétudes que le président du Parena, il a souhaité que tout soit mis en œuvre pour éviter des conflits postélectoraux. Quant à la présidente des femmes Adéma, elle veut que l’engagement de tous les acteurs électoraux et le dialogue social et politique soient des préalables aux élections. Elections qui devraient nous permettre, selon Mme Konté, à donner un nouvel élan à la démocratie. En tout cas, estime Sékou Diarra de Sadi, il faut s’assurer que toutes les conditions sont réunies pour la tenue des élections en juillet car le futur président ne doit être au pouvoir que par le vouloir du peuple.
«Mais, comment construire du nouveau avec de l’ancien ?», interroge Ibrahima Ly du haut de ses 66 ans. Pour lui, il importe que notre pays se dote enfin du sang neuf en mettant à l’écart tous ceux qui nous ont dirigé jusque-là. Car, estime M. Ly, ils sont à la base de la situation que nous connaissons en ce moment. En tout, cas, nous ne connaîtrons jamais le changement auquel nous aspirons tous tant que nous resterons indifférents à la gestion de la chose publique, a prodigué Tiègoum Boubèye Maïga, chef de Cabinet du Ministère du Commerce et de l’Industrie et par ailleurs directeur de publication de « La Nouvelle République ».
Bakary SOGODOGO