Avec un discours politique et religieux qui se radicalise de plus en plus ; des valeurs politiques et humaines qui s’effritent et s’effacent pour laisser place aux luttes pour les intérêts personnels, le Mali pourrait vivre une période électorale à venir très incertaine.
C’est Tiéblé Dramé, membre de l’opposition et président du parti PARENA, qui joue les oiseaux de mauvais augure. Un journal de la place rapporte ses propos tenus lors d’une rencontre initiée par le PARENA : «le gouvernement lui-même prépare les conditions d’une explosion révolutionnaire à travers le choix d’une politique ravageuse pour les travailleurs et les classes populaires» ;… «Cette dérive comporte de l’insécurité, du terrorisme, c’est un processus de dislocation. IBK peut-il permettre de poursuivre ce processus mortel pour la souveraineté nationale ? Tout compte fait, rien ne sert de venir au pouvoir si on est incapable de le gérer » ; Tiébilé Dramé « …prévoit que la situation actuelle d’insécurité du Mali conduit à un chao » et « qu’une politique d’austérité conduira à des troubles sociaux dangereux durant lesquels le pouvoir tentera de mater l’opposition et aura recours à la brutalité» »… « Trop de sang coule au Mali. Trop de jeunes FAMAS tombent chaque semaine. Trop de Maliens meurent de la violence. Trop de familles sont endeuillées. Entre le 1er janvier et le 05 mars 2017, 193 personnes ont perdu la vie au cours de 36 attaques armées. Vingt et une (21) de ces 36 attaques ont eu lieu au centre du pays, entraînant la mort de 77 personnes… ; cela ne saurait continuer ».
Ce discours prémonitoire du chef des Béliers blancs, vient s’ajouter à d’autres propos aussi inquiétants qu’ils peuvent faire germer les graines de la violence quel qu’en soit l’issue des élections présidentielles de 2018. Le président du Mouvement des jeunes du parti URD, tête de file de l’opposition : « Il n’y a aucun doute sur l’élection de Soumaïla Cissé à la tête du Mali en 2018 ». Ce à quoi le parti majoritaire répondait par des propos qui sonnent comme une réponse du berger à la bergère. « Le président IBK sera réélu malgré tout ce qu’on dit ».
Depuis 2013, le discours politique n’a pas varié. Au contraire, il porte les germes de la division et incite souvent à la haine, au rejet de l’autre, à la stigmatisation. Le discours religieux, qui devrait être régulateur, lui, ne fait pas mieux. « Lorsque l’archevêque de Mopti est décédé en France, le Premier ministre et le ministre du Culte étaient présents à ses obsèques… Ils veulent simplement la domination du christianisme dans notre pays. Cela ne se fera jamais… Il faut que les gens cessent les provocations dans ce pays. On ne lutte pas contre la consommation d’alcool ou de la drogue…Un porteur d’uniforme est venu nous dire que plus de 70% des jeunes consomment l’alcool ou la drogue… Les musulmans doivent se réveiller, se mettre debout… ». Ce sont là des propos attribués par un journal de la place au premier responsable de la communauté musulmane au Mali en la personne de Mahmoud Dicko. La même presse lui attribue d’autres propos à connotation beaucoup plus politique que religieux. « « IBK a juré dans toutes les mosquées du Mali qu’il défendra l’islam. Ce n’est pas à moi de lui rappeler à l’ordre car Dieu le punira s’il dévie…. Nous lui avons dit de tenir bon, et il y a de l’espoir de croire encore en lui, mais à condition que la situation change. Tant qu’il sera juste, il aura toujours le soutien de la communauté musulmane».
L’opposition qui parle d’alternance politique en 2018, surfe sur les vagues de contestation populaire, pour forger son discours. Mais de nombreux observateurs de la scène politique, pensent que ce discours est beaucoup décalé de la réalité du pays et crée davantage la division entre Maliens. Toute chose qui reste profitable aux ennemis de la paix que l’Etat malien essaie de combattre depuis 2012 à nos jours. Pour eux (observateurs) le discours politique devrait être beaucoup plus centré sur les programmes de société des différents courants politiques, les réalités sociales et économiques du pays que sur les aspects sécuritaires dont personne n’a la maîtrise. Le faire, c’est jouer avec le feu, analysent-ils.
Il y a lieu de recentrer le discours politique et religieux, afin d’éviter à notre pays ce que d’autres pays ont connu avant nous. Nous parlons de la Côte d’Ivoire ou du Gabon ou une radicalisation des propos a conduit à des crises post- électorales dont les conséquences sont connues de tous.
Opposition et majorité, de même que les religieux, doivent se ressaisir pour ne pas semer les graines de la violence, de la division, du rejet de l’autre et éviter toute situation qui en rajouterait à ce que nous vivons déjà. Cela est possible à condition que l’intérêt supérieur de la nation prenne le dessus sur les ambitions et calculs politico-religieux des uns et des autres.
Youma