Nous sommes encore à deux années de la fameuse élection présidentielle qui doit voir le président sortant, Amadou Toumani Touré, remettre le flambeau à un successeur. Pour ne pas avoir jusque-là choisi son dauphin (certains disent qu’il n’aura pas de dauphin), le marigot politique malien est en train de bouillir dans tous les sens, si bien qu’on se pose la question de savoir …si la fonction de Président de la République ne sera pas clochardisée.
De quoi 2012 sera réellement fait ? C’est la question qui préoccupe pas mal de maliens dans les rues et dans les salons feutrés, tant la colline de Koulouba, qui abritera un nouveau locataire en 2012 fait l’objet de toutes les convoitises. On avait cru que la conquête de Koulouba allait être seulement l’apanage et la vocation des partis politiques ayant une légitimité indéniable sur le terrain. Mais c’était mal connaître les ambitions démesurées de certains hommes sortis de nulle part et qui prétendent diriger le pays : c’est dire qu’à chaque jour presque, son nouveau prétendant.
Il est vrai que pour des raisons de démocratie, l’ancien Président Alpha Oumar Konaré avait cautionné la participation de toutes sortes de candidatures (même les plus farfelues) à la présidentielle de 2002. C’est ainsi que durant la campagne électorale, on avait vu des candidats qui n’ont fait que distraire la galerie (en animant des meetings…dans les marchés), alors que le Trésor public avait saigné jusqu’à 100 millions de FCFA pour chacun des 24 candidats. Une déferlante qui rappelait le même exercice en 1992 où, bien évidemment, la ferveur de la naissance de la démocratie pouvait justifier cet intérêt des hommes politiques.
Aussi était-on tenté de se poser la question : ne pouvait-on pas utiliser cet argent autrement que de le « jeter par les fenêtres politique » ?
Mais cette question était de la volonté des autorités desdites époques (1992 et 2002) qui voyaient plutôt, dans ces multitudes de candidatures, plutôt une marque de la vitalité démocratique de notre pays.
Mais les choses doivent-ils continuer ainsi et pour toujours ? C’est l’autre question qu’il convient de se poser quand on constate qu’en cette veille d’une situation pareille (le Président sortant n’étant pas partant pour rempiler), même les « mal placés et mal venus » se placent déjà au starting -block. Les exemples peuvent être cités presque à l’infini.
C’est le cas de Mohamed Abidine Ganfoud qui, depuis sa France adoptive, s’est déclaré candidat. Il aurait même « créé » sur papier un parti qu’il s’apprête à lancer officiellement dans les jours à venir, ici même à Bamako. Ce ressortissant du Nord et frère de l’ancien ministre Badi Ould Ganfoud, était presque inconnu des maliens, jusqu’au moment où il est sorti de son silence.
Il y a également le cas de Baba Gagny Kiabou de la COREAM. Plus connu en Côte d’Ivoire que dans son propre pays (ce qui veut tout dire), cet « aventurier » était venu expliquer ses ambitions présidentialistes aux journalistes à la Maison de la Presse, qui se sont posés bien des questions par rapport à une telle candidature, quand on sait que le nom de son parti n’est même pas connu des maliens, à fortiori l’homme lui-même. Comment devenir alors Président des maliens lorsque ces derniers n’ont même pas d’éléments d’appréciation sur la personne ? A ce lot s’ajoute le navigateur interplanétaire, Cheick Modibo Diarra qui, ces derniers temps, n’a pas manqué pas de sorties médiatiques pour sa cause présidentielle. Or, jusque-là, il n’a pas fait cas de son intention de créer un parti politique. Veut-il donc jouer le même coup qu’ATT en 2002 (candidat indépendant) ? La réponse est que cette chance n’est pas donnée à tout le monde, car ATT, lui, jouissait et jouit encore d’une popularité, depuis les évènements de mars 1991. Ce qui n’est pas le cas de Cheick Modibo Diarra qui, dit-on, était plus préoccupé par la conquête des planètes que celle d’une légitimité politique.
Que dire de l’ancien Premier ministre, Soumana Sako avec son CNAS ? Ce dernier, au moins, a la chance d’être connu des maliens qui l’avaient bien apprécié lors de son passage à la tête du gouvernement de Transition. Il tire sa légitimité du fait que les maliens sont loin de soupçonner sa rigueur dans la gestion des affaires publiques. Certains vont jusqu’à avancer que des cadres de sa trempe sont devenus rares dans notre Mali d’aujourd’hui. Mais doit-il se contenter d’un club de soutien pour parcourir tout le pays avec des ambitions voilées ?
Nous sommes à moins de deux ans de l’échéance présidentielle.
Mais l’homme persistait à déclarer …qu’il n’a jamais dit à quelqu’un qu’il était candidat pour 2012, avant de se dédire le samedi 3 juillet à Niono où, impressionné par le bain de foule, il a finalement lâché le morceau : « Si la masse me sollicite en 2012, je serai candidat ». C’est vrai qu’il bénéficie d’une certaine aura auprès des maliens, mais elle pas suffisante (pas comme celle d’ATT) pour conquérir leurs suffrages. Aussi doit-il dès à présent commencer à mettre de solides mécanismes en place (tel que la création d’une coalition de partis politiques), s’il prétend réellement atteindre le haut de la colline de Koulouba en 2012.
2012 et les soubresauts politiques
Si tous ces prétendants à la magistrature suprême de 201 peuvent être considérés comme des « apprentis politiciens ». C’est que dans la perspective de 2012, la « foire » politique ne manque pas de créer des soubresauts au sein des grands partis. En la matière, on ne peut ne pas parler de l’URD (Union pour la république et la démocratie) où depuis 2008, les ambitions présidentialistes du 2e vice-président et non moins ministre de la santé, Oumar Ibrahim Touré, ne manquent pas de convulsions.
En effet, voulant être candidat du parti en 2012, Oumar Ibrahim Touré, avait juré, en son temps, qu’il allait devenir le président de l’URD, avec ou sans l’accord de son mentor Soumaïla Cissé qui se croit déjà candidat naturel. La crise occasionnée par ces deux partis pris avait atteint son paroxysme au sein de l’URD avec la suspension de Oumar I. Touré en 2008 pour « travail fractionnaire », di-on. Et tout récemment, le ministre URD faisait encore l’objet d’une rumeur qui le donnait démissionnaire de son parti. Ce qu’il a vite fait de démentir à Mopti, lors de l’anniversaire du parti fêté en grande pompe.
Le CNID-Faso Yiriwa Ton de Me Mountaga Tall n’échappe pas aux démons de la politique dans la perspective de 2012. La cassure vient d’intervenir avec le départ du secrétaire général et non moins ministre de l’Artisanat et du tourisme, N’Diaye Bah. Ce dernier se démène aujourd’hui comme un beau diable pour « casser la baraque » CNID dont les « restes » seront utilisés pour bâtir un nouveau parti appelé « présidentiel » le 17 juillet, dans la perspective de 2012. Justement, ce nouveau grand parti de N’Diaye Bah ne manque pas de convoiteurs pour le gouvernail. Qui va le contrôler ? La question préoccupe, puisque contrairement à ce qu’on pouvait penser (Séméga), le nom du premier ministre Modibo Sidibé, auquel on prête des ambitions présidentielles, est fortement cité comme éventuel président du parti en gestation. Mais qui vivra verra, dit-on ; et le 17 juillet nous édifiera davantage. Dans tous les cas, entre N’Diaye Bah et Mountaga Tall, le combat est actuellement rude autour du contrôle des militants du parti.
Doit-on oublier l’ADEMA-PASJ de Dioncounda Traoré ? Non, car 2012 ne manque pas de faire bourdonner le parti de la ruche, et il faut craindre fort que la cohésion ne puisse se maintenir au sein du parti jusqu’à l’échéance fatidique. En effet, le président Dioncounda Traoré se croit candidat naturel, et il raffole tellement de ce sentiment qu’à tout bout de champ, il prêche la fameuse phrase : « l’ADEMA aura son candidat en 2012 et remportera les élections ».
Pourtant, on parle de jeunes loups aux dents longues dans le même sillage : Sékou Diakité, Iba N’Diaye et Lancéni Balla Keïta qui avait d’ailleurs eu à déclarer sa candidature à la candidature du parti en 2012. Et quand Tiébilé Dramé cherche à fusionner son parti dans celui de la ruche, ce n’est pas pour rien. Surtout qu’un de ses proches disait qu’il n’est pas à exclure qu’il devienne Président de la République du Mali. Que dire du RPM d’Ibrahim Boubacar Keïta ? Là, il y a moins d’agitations, puisque le parti du Tisserand semble tellement mélanger les pédales que son électorat l’a abandonné pour aller vers d’autres cieux politiques qu’ils jugent plus favorables. Et dire qu’à tous ceux-ci il faut ajouter Ousseïni Amion Guindo de la CODEM, qui revendique actuellement une troisième place sur l’échiquier politique et Moussa Mara, maire sortant de la commune IV, qui s’apprête à lancer son parti !
Abdoulaye Diakité