L’élection présidentielle de 2012 aura-t-elle lieu ? Les conditions seront-elles réunies ? Peu importe, la classe politique malienne n’aura, en 2012, que l’élection qu’elle a voulu avoir. A douze mois de la fin de son second et dernier mandat à la tête de l’Etat, le président Amadou Toumani Touré est toujours dans cette logique de réussir des réformes constitutionnelles.
Fort du soutien «sans condition» de tous les partis politiques et d’une Assemblée nationale à sa dévotion, il a pu tout réussir jusque là, même à faire voter souvent des lois impopulaires. Fort donc de cette allégeance, il réussira très certainement là où l’ancien président Alpha Oumar Konaré, bien qu’adossé en son temps à un parti politique fort, a connu l’échec.
Le président Amadou Toumani Touré a pourtant des motifs réels d’aller au bout de sa logique de réussir une reformulation des textes fondamentaux de la Nation, dont il fut «l’artisan» vingt ans auparavant.
Cependant, on pourrait être amené à penser que le temps risque de faire défaut pour l’aboutissement de la révision constitutionnelle à cause du temps pris pour la production de l’avant-projet du texte.
De l’équipe «Daba Diawara 1» Mission de réflexion sur la consolidation de la démocratie (MRCDM) à l’équipe «Daba Diawara 2» Comité d’appui aux reformes institutionnelles (CARI), nombre d’intellectuels suspectaient les «experts», de vouloir s’éterniser sur leur mission, qui a duré 25 mois.
Toutefois, il y a lieu de souligner que toutes ces deux commissions, qui se sont succédé, indépendantes de toute l’administration publique, ne devraient aucunement entraver l’activité gouvernementale.
Dans le même temps, il revenait aux gouvernements mis en place depuis 2002, au sein desquels tous les partis politiques ont siégé, y compris la société civile, de prendre en charge la mise à jour annuelle de la liste électorale.
C’est donc avec beaucoup de stupéfaction que nous assistons à ce réveil brutal des partis politiques pour dénoncer l’impréparation des échéances électorales à venir, et à seulement 12 mois du départ définitif du président Amadou Toumani Touré.
Ce qui est troublant, en cet ultime moment d’une cohabitation entre un président indépendant et des partis politiques, qui ont été membres de tous les gouvernements depuis 2002, c’est ce dialogue de sourds.
D’un coté, un président de la République, qui instruit à son Premier ministre, fraîchement, nommé d’inscrire en priorité, la conduite avec des reformes politiques devant aboutir à l’organisation du référendum constitutionnel.
Et de l’autre coté, une classe politique, qui trouve que lesdites reformes ne constituent aucunement une priorité, même si des mobiles réels sous tendent la révision de la Constitution ; mais que l’urgence serait plutôt l’élaboration d’un fichier électoral sur la base des données du Recensement à vocation d’état civil (RAVEC) et que ce fichier électoral soit informatisé avec des données biométriques.
Il faut retenir, en remontant dans le temps, que le président Touré devrait être dans cette logique, puisqu’il l’avait annoncé à plusieurs occasions ; mais avec les énormes contraintes surtout financier et délai et surtout la démotivation des électeurs pour se faire recenser, le RAVEC traîne à prendre forme.
Les gouvernements successifs, consciemment ou inconsciemment, ont délaissé la révision annuelle de la liste électorale. Cette mission reste pourtant essentielle sinon capitale pour la stabilité politique, la paix sociale et même la pérennité de la démocratie ; car elle permet d’organiser de nouvelles élections, dans les délais constitutionnels, en cas de décès du président en cours de mandat.
Pour avoir laissé, à tous les niveaux, la proie pour l’ombre, aucune liste électorale n’a pu être produite à ce jour.
C’est ce qui explique cette invite du président de la République à dépoussiérer le fichier électoral de 2001 ; il trouve que malgré toutes les insuffisances déjà relevées, ce fichier a servi de support aux élections, présidentielle pour deux mandats, législatives pour deux législatures et municipales pour deux mandats.
Cependant, il faut se convaincre que l’actualisation du fichier électoral de 2001 pourrait être un travail tout aussi fastidieux, puisqu’il faut procéder au recensement de toutes les personnes, qui, à cette époque, avaient entre 7 et 8 ans et qui sont aujourd’hui âgées de 18 ans ; il y a lieu de rayer également le nom de toutes les personnes décédées entre temps et corriger les insuffisances relevées par la Cour constitutionnelle en 2007. Mieux, l’obstacle majeur réside dans la démotivation des Maliennes et des Maliens pour les politiciens et la chose politique.
Dans cette impréparation, la formation politique, la mieux préparée, garde ses chances de gagner cette élection présidentielle de 2012 et comme toujours, sans grande légitimité à cause du faible taux de participation.
Tous ces partis, qui ne cessent de pépier et siffler partout comme des moineaux, feront mieux de s’adonner à la mobilisation de leurs électeurs car les élections auront bel et bien lieu et avec le fichier électoral de 2001.
Brin COULIBALY