Dans la perspective de l’élection présidentielle prévue avant le 31 juillet 2013, la « Ruche » est en effervescence pour la désignation d’un candidat à ce scrutin. Selon certaines indiscrétions, ils sont déjà, à ce jour, une dizaine à avoir déposé leur candidature. Mais la liste est loin d’être close car certains ténors attendent encore avant de se lancer dans la bataille qui ne manquera pas de suivre.
Bataille qui se concrétisera forcément par des élections primaires à l’issue desquelles un candidat du parti sera élu. Une bataille qui sera donc rude et tendue sur fonds de coups bas et d’intrigues. En conséquence, tous les prétentieux, déclarés ou non déclarés, sont en train de réunir les fonds de campagne. Un de ces candidats, très bien en vue dans la « Ruche », serait même en train de vendre des biens immobiliers pour mieux se munir des seuls arguments qui comptent aux yeux des électeurs ruchers. Car, à n’en pas douter, comme les autres fois, l’argent coulera à flots et risque d’influencer le libre arbitre des électeurs.
Si l’Adema a recours une fois de plus aux primaires, c’est parce que ce parti, sans doute le plus grand du pays en termes d’élus et d’implantation territoriale, est incapable de dénicher un candidat qui fait l’unanimité autour de lui. Il est même incapable de trouver des candidats en nombre réduit, trois ou quatre, entre lesquels choisir. Les primaires s’imposent donc. Pour certains spécialistes des questions politiques, cet exercice est une preuve de démocratie au sein du parti, en cela qu’il donne la possibilité aux militants de choisir celui ou celle qui est appelée à les représenter dans la course présidentielle. Mais l’histoire retient surtout que cet exercice de démocratie interne a causé beaucoup de torts et n’a jamais arrangé les affaires de l’Adema.
En 2002, pour succéder à Alpha Oumar Konaré, élu président de la République en 1992 sous les couleurs de l’Adema, mais incapable de désigner un dauphin, il a fallu organiser des primaires pour départager les nombreux candidats à la candidature du parti. En lice, principalement, Soumaïla Cissé, Soumeylou Boubèye Maïga, Iba N’Diaye, Mandé Sidibé. A l’issue d’une campagne dévastatrice pendant laquelle la cohésion du parti s’est fissurée à tous les niveaux, du sommet à la base, c’est Soumaïla Cissé qui aura raison de Soumeylou Boubèye Maïga. Et devint le candidat officiel du Pasj. Dans une véritablement démocratie, l’état-major de l’Adema aurait dû s’atteler à recoller les morceaux, à mobiliser les militants autour de l’unique candidat du parti à la présidentielle. Au lieu de cela, Soumaïla Cissé s’est vite retrouvé avec des adversaires qui n’ont pas digéré leur échec aux primaires. De fait, ses adversaires rallieront publiquement le camp du général Amadou Toumani Touré, le rival le plus sérieux. L’ex-putschiste remportera la présidentielle de 2002 et l’Adema se retrouvera déchiré en mille morceaux. Se sentant trahi par les siens, incapable d’affirmer un leadership dominant, Soumaïla Cissé quitte le parti et fonde sa propre formation politique, l’Urd.
Cinq ans plus tard, le Pasj n’était toujours pas remis de ses émois et continuait de donner dans les atermoiements. Le parti sera encore déchiré. C’est à la faveur de la présidentielle de 2007 quand, contre l’avis de la majorité du Comité directeur qui prônait un soutien indéfectible à Amadou Toumani Touré candidat à sa propre succession, Soumeylou Boubèye Maïga se révolte et présente sa candidature pour Koulouba, jugeant que l’Adema, un «grand parti» ne pouvait prétendre qu’il n’avait pas de candidat sérieux à présenter contre un militaire. Lui et ses partisans seront exclus du parti, une autre déchirure venait d’être consommée.
Elle ne sera pas la dernière car à la faveur de la présidentielle avortée du 29 avril 2012, le Pasj a dû encore recourir à une convention nationale pour se choisir un candidat. Le choix sera finalement porté sur le chef du parti, alors président de l’Assemblée nationale. Dioncounda Traoré ayant toujours été perçu comme un homme effacé, peu charismatique et très peu représentatif, des cadres et responsables du parti, comme un certain Soumana Mory Coulibaly, ont préféré prêcher pour des candidats extérieurs au parti. Notamment pour le candidat indépendant Modibo Sidibé, ancien Premier ministre. Ces cadres et responsables n’ont pas encore réintégré le parti après leur suspension. Pire, certains d’entre eux dont celui précité viennent de créer une nouvelle formation politique en soutien à Modibo Sidibé. Lors de la prochaine présidentielle, ce sera très certainement un important manque à gagner pour le Pasj en termes d’électeurs.
Les candidatures à ces différentes élections n’ont pas été les seuls motifs de discorde entre les ténors de ce parti. Auparavant, pour des raisons de leadership et de contrôle du parti, Mamadou Lamine Traoré et Ibrahim Boubacar Kéita, tous deux membres fondateurs et hauts responsables de l’Adema, ont dû prendre la porte de sortie vers laquelle les poussaient d’autres membres fondateurs et hauts responsables qui voulaient gérer seuls le Pasj.
Les prochaines primaires, elles-aussi, ne manqueront pas de générer des déchirures au sein de cet étrange parti qui est toujours parvenu à garder sa place de première force politique et, ce, malgré les nombreuses saignées et vicissitudes.
Cheick Tandina