Les Etats-majors des partis politiques ont du mal à s’accorder sur un certain nombre de dossiers qui ont un impact non négligeable sur le bon déroulement des futures consultations électorales. S’agissant du fichier électoral consensuel, il est chimérique de croire que les acteurs politiques vont dégager le même point de vue, leurs intérêts étant divergents sur plusieurs points dont le moindre est la fiabilité des listes électorales.
L’idéal aurait été d’avoir un fichier biométrique avec les cartes d’électeurs et d’identité biométriques. Cette dimension aurait due être prise en compte par le RAVEC. Est-il tard de mettre en place un tel fichier avec par exemple la participation de l’ONU comme en Côte d’ivoire, où non seulement le taux de participation des électeurs inscrits sur les listes électorales a atteint le score sans précédent de 83%, mais aussi par la fiabilité des résultats recoupés par un organisme indépendant des structures nationales.
Il n’y a de honte à lancer dès maintenant l’appel aux Nations Unies, à l’UA et à d’autres organismes internationaux pour qu’ils aident notre pays à organiser des élections propres, sur la base de documents électoraux fiables, inconstatables et pérennes.
Chaque fois qu’un pays se sentira en danger électoral, il devra requérir l’appui d’instances neutres et internationales. Il s’agit de mettre en place une C.N.I.P c’est-à -dire une Commission électorale internationale permanente au lieu des Commissions électorales indépendantes à la malienne. On dit qu’Alpha Oumar Konaré aurait bénéficié de la mansuétude électorale de Me Tapo comme président de la CENI et Tapo aurait à son tour bénéficie du parapluie parlementaire pour conjurer les tentatives de représailles découlant du cafouillage monstre sur le scrutin de 1997.
Une des causes majeures des conflits en Afrique vient des désordres électoraux découlant de la passion pour la conservation des délices du pouvoir pour ceux qui le détiennent et de la volonté pour y accéder pour ceux qui y aspirent. Les premiers mettent tout en œuvre pour conserver le pouvoir et deviennent experts en tripatouillage électoral. Les seconds quelques fois mettent le feu aux urnes et même aux pays dans les cas extrêmes. Cette lutte est aussi âpre et aussi féroce que les conflits armés entre Nations motivés essentiellement par des enjeux économiques et l’acquisition ou le maintien de position dominante.
Le résultat des courses électorales est toujours des milliers de morts, la désorganisation de l’économie nationale et le recul social lié à l’aggravation de la pauvreté. Ces conflits internes pour l’accession au pouvoir, doivent être assimilés à des conflits économiques, parce que ceux qui se sont organisés pour accéder au pouvoir, voient leur sort économique et social s’améliorer du jour au lendemain avec la jouissance des biens matériels qui y sont attachés, alors que les groupes concurrents et l’immense majorité de la population continuent à trimer.
Les partis politiques qui accèdent ainsi au pouvoir sont comme les armées qui gagnent des guerres avec un partage du butin avec leurs alliés et le désir de maintenir leur suprématie et de garder le pouvoir sur la durée. L’introduction des règles démocratiques dans la gestion du pouvoir a essentiellement pour but de créer l’alternance afin que d’autres groupes profitent des avantages du pouvoir. En général, les masses populaires sont les parents pauvres des successions organisées sauf, si nous sommes dans une république irréprochable. Ce qui est loin d’être le cas.
Pour anticiper les conflits nés des élections, il convient de mettre en place un dispositif qu’on peut actionner pour alerter les Nations Unies sur les risques de dérapages d’une consultation électorale. Il ne faut pas laisser les acteurs politiques d’un pays à risque électoral élevé, s’affronter sans prévenir les troubles qui pourraient dégénérer en conflits sociaux graves.
Le cas du Mali est un cas d’école. Le Général avait eu une bonne vision de refuser de créer un parti politique constitué de ses partisans du Mouvement Citoyen. Mais, lorsque le PDES a été porté sur les fonts baptismaux, la crème de l’administration et tous les Ministres qu’on croyait sans parti politique ont été cooptés comme membres fondateurs ; donc, comme un groupe de gens décidés à conserver les délices du pouvoir au détriment de ceux qui piaffent d’impatience. A qui va profiter des consultations électorales tronquées? A ceux qui détiennent le pouvoir. L’absence d’alternance ou le refus de créer les conditions d’une alternance apaisée est source d’inquiétude pour la cohésion sociale et la stabilité du pays.
Il est temps de déclarer l’état d’urgence électoral au Mali et solliciter l’intervention urgente de l’ONU pour aider à résoudre le problème. Il ne faut pas attendre que les conflits naissent, grandissent et se transforment en déflagration et venir avec une ONU Mali pour séparer les belligérants et aider à reconstruire ce que les élections auront détruit. Le coût d’une telle intervention est plus important pour la communauté des Nations.
Le droit d’ingérence électorale devrait désormais être inscrit dans les prérogatives de l’ONU et un budget pour les situations électorales d’urgence devraient être prévu à cet effet au niveau des organisations sous-régionales telles que l’UEMOA, la CEDEAO, la SADEC et autres.
Les élections modernes coutent très chères. Toutefois, leurs coûts sont nettement inférieurs au coût de la reconstruction d’une Nation ravagée par une crise post-électorale.
Gouverner, c’est prévoir et le Général ATT doit se rendre compte que le succès et l’échec de son mandat est tributaire de la réussite des consultations électorales. Au moment de l’arbitrage présidentiel unilatéral sur la l’utilisation de la manne des 180 milliards issus de la privatisation de la Sotelma, aucune dotation, à notre connaissance, n’a été affectée aux élections. Il est donc temps de faire recours à ce trésor de guerre.
Birama FALL