Comme on peut s’en apercevoir, la mise en place des institutions retenues, dans la Constitution adoptée depuis le 12 janvier 1992, n’est toujours pas achevée en ce qui concerne la Haute cour de justice. Ce qui est déroutant, c’est qu’à ce jour aucune composante de la classe politique n’a jamais dénoncé cette insuffisance, voire cette «forfaiture».
Malgré tout, à dix mois de son départ définitif, le président de la République reste inflexible, même de marbre sur son objectif prioritaire, qui demeure la révision d’une Constitution dont l’application n’est pas totalement effective. Pas de doute que cette volonté présidentielle a influé négativement sur la préparation des élections générales de 2012, dont le socle est sans conteste le fichier électoral non encore produit par les gouvernements successifs.
De l’équipe «Daba Diawara 1» Mission de réflexion sur la consolidation de la démocratie (MRCDM) à l’équipe «Daba Diawara 2» Comité d’appui aux réformes institutionnelles (CARI) le temps de réflexion a été extrêmement long, allant du 28 février 2008 au 19 avril 2010, soit 25 mois.
Cependant, nous restons convaincus, comme souligné dans notre parution du 10 mai 2010 que, toutes ces tentatives, de formulation ou de reformulation des textes fondamentaux de la nation, trahissaient un désir et une volonté indicibles des plus hautes autorités de s’éterniser au pouvoir.
C’est seulement le 15 juin 2011, que le projet de loi a été adopté par le Gouvernement, soit quatorze (14 mois) après la fin des travaux des experts et envoyé pour une «appréciation» des élus de la nation sur la forme, le fond et l’opportunité.
Ainsi, après le quitus des parlementaires, le peuple sera appelé à se prononcer par référendum sur le projet de Constitution, bien évidemment sur la base d’un fichier électoral ; mais surtout le fichier électoral que le gouvernement aura sous la main, crédible ou non, transparent ou non ; peu importe même si au bout du processus électoral l’expression populaire sera tronquée.
Raison pour laquelle, le gouvernement et même le président de la République, pour parer au plus pressé, ont opté depuis pour le fichier RACE, tout en suscitant un faux débat autour d’un fichier consensuel avec les partis politiques.
Sauf incompétence ou incurie notoire des cadres dirigeants de notre pays, la production du fichier électoral a toujours été une mission régalienne de l’Etat, car mal élaboré, il peut être source de contestations, de conflits voire d’aventures regrettables.
Le gouvernement se devait, à partir des expertises dont il dispose, de produire après un premier toilettage certes laborieux, un fichier électoral que les citoyens pouvaient consulter au niveau des administrations décentralisées et même au niveau des chefs de quartiers pour les correctifs nécessaires.
Mais, lorsque c’est l’Etat qui invite les partis politiques à un débat qui n’est pas le leur ; lorsque les partis politiques se font inviter ou acceptent une invitation pour un débat qui n’est pas leur débat, on peut se demander, qui distrait qui ? et pour quel objectif ?
En fait, c’est le gouvernement qui se distrait lui-même ou se laisse distraire, dans la mesure où la seule chose, qui est réellement comptée pour lui et pour lui tout seul, reste le temps. Et ce temps risque de lui être fatal.
Cependant, il ne fait l’objet d’aucun doute que les élections générales de 2012 n’ont jamais été une préoccupation ni pour la classe politique, ni pour les gouvernements successifs encore moins le président de la République.
Cela se comprend aisément car l’on n’est jamais pressé de quitter le pouvoir, sauf qu’il faut surtout éviter d’être poussé, sinon bousculé vers la sortie. Cet autre général de France, Charles de Gaulle, a bien ramassé cette expression en 1946, en ces termes : «Je quitte les choses avant qu’elles ne me quittent».
Lorsque, l’ensemble des partis politiques, représentés à l’Assemblée nationale, ont à un moment ou à un autre participé à l’action gouvernementale, le citoyen ne peut être que stupéfait de voir les leaders politiques décrier le retard enregistré à ce jour ; et mieux quand bien même leurs députés avaient cette opportunité d’interpellation des membres du gouvernement.
Trente neuf mois, soit trois ans et demi, que dure cette fameuse révision constitutionnelle, sans encore arriver au référendum ; ce temps aurait largement suffi pour produire une liste électorale crédible et transparent, si l’administration surtout était sortie de l’hibernation dans laquelle l’Etat l’avait confiné. Cet état de fait est, tout naturellement, la résultante du consensus politique prôné par le Président TOURE auquel ont adhéré les partis politiques incapables d’assumer leurs gestions antérieures de l’Etat. Espérons simplement que tous ces errements ne conduisent pas à un non respect des délais constitutionnels.
Aujourd’hui, il est essentiel que les prétendants à l’élection présidentielle de 2012 puissent se convaincre que le pouvoir ne se donne pas comme un témoin dans une course de relais ; d’où le terme consacré de «la conquête du pouvoir».
Bien naïf, celui qui fait fi de cette vérité. Si dans une très grande majorité, les partis politiques ont, simplement, refusé la compétition à la fin du premier mandat du Président TOURE, ils se rendront à l’évidence que l’affrontement, qu’ils ont esquivé en 2007, aura bel et bien lieu en 2012.
Safouné KOUMBA