Le président des Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare/Anka wuli), Modibo Sidibé, a animé le samedi 6 mars 2021, dans un hôtel de la place, une conférence-débats organisée par le Mouvement Mali Hère sur le thème : “Le renouveau citoyen”.
Dans son exposé, le conférencier a rappelé l’historique du concept renouveau. En effet, il a proposé de se départir des analyses socio-historiques voir anthropologiques pour ne retenir que la problématique de l’Etat postcolonial, relations citoyennes, émergence de la démocratie pluripartite, démocratie, gouvernance et crises. Ainsi, évoquant le contexte de 2012 et des crises, il dira que le Mali vit des évènements qui marqueront à jamais notre histoire commune car l’unité du pays a été menacée et le reste, la cohésion nationale fortement ébranlée et nos institutions républicaines remises en question. Et d’ajouter que, dans la crise que nous traversons, ce n’est pas la démocratie qui est en cause.
“Jamais les Maliens ne supporteraient de revenir à la dictature. C’est la fiabilité de nos institutions et le manque de confiance, une gouvernance prédatrice, des pratiques politiques et électorales déplorables…”, a martelé l’ancien Premier ministre.
De son point de vue, nos Etats, hérités des administrations coloniales, n’ont pas su conquérir le cœur de nos concitoyens parce que les dirigeants, comme les agents de l’Etat, les considèrent souvent comme des corps étrangers, des proies que l’on peut légitimement dépecer. “L’Etat au-dessus de tout conduit logiquement à la perception que les serviteurs de l’Etat (gouvernants et fonctionnaires) sont aussi au-dessus de tout “, a-t-il ajouté.
Inventer des fonctionnements institutionnels s’accordant à notre civilisation
Pour l’ancien Premier ministre, il est bien temps d’inventer par nous-mêmes des fonctionnements institutionnels qui s’accordent à notre civilisation et imposent le respect. Aussi, précise-t-il, la perte de confiance, de crédibilité des institutions et des politiques incline à se pencher sur le sens du renouveau citoyen, une volonté de replacer le citoyen au cœur de l’action publique, un engagement, une implication dès le départ dans les grandes questions… “Il faut un collège citoyen qui consiste à aller vers une démocratie participative, une vigilance citoyenne et un contrôle citoyen”, a-t-il noté.
A l’entendre, le cœur du renouveau citoyen est la jeunesse. Ainsi, pour ouvrir la voie à une jeunesse inventive, moderne et décomplexée, il faut oser inventer les pratiques politiques, administratives et démocratiques que nous serons en mesure de reconnaître spontanément comme nôtres, ainsi que les institutions sur lesquelles chaque Malien doit pouvoir compter pour défendre ses valeurs, ses droits et faire prendre au pays les bonnes directions, les institutions qui doivent enfin inspirer à chacun l’envie de les servir, de les respecter et de les défendre.
Notre jeunesse est notre chance, elle mérite d’être respectée
Selon lui, autant de jeunes, autant d’opportunités de création de la richesse et d’emplois, autant de concitoyens pleins de créativité, d’appétit de la vie, d’ouverture à la modernité. “La première des solidarités qui fondent notre civilisation est celle qui unit les générations, le respect et l’amour entre les enfants et les parents. Notre jeunesse n’est pas une menace, elle n’est pas une bombe à retardement comme on l’entend dire parfois, elle est notre chance et mérite d’être respectée.
Reliée au monde, décomplexée, inventive, révoltée parfois, elle porte les espoirs du Malikura. Combat qu’ils ont mené avec la révolution citoyenne, le M5-Rfp qui a rassemblé, par-delà les catégories et les âges, les Maliens dans leur quête de nouveaux modèles”, a-t-il laissé entendre.
Il a saisi l’occasion pour demander aux Maliens de sortir des clichés d’antagonisme. “Sachons faire s’accorder les uns et les autres pour le bien de tous. Sachons faire émerger des dynamiques de réciprocité. Sachons faire exister et vivre une relation entre générations, sachons prendre conscience de nos apports mutuels, partager nos projets, nos passions, nos engagements, nos connaissances et faire naitre dans le respect de nos valeurs ce lien solidaire qui avec le temps cimentera notre destin commun”, a-t-il conseillé.
S’adressant aux membres du mouvement Mali Hère, il dira qu’il a été frappé par leur engagement et se dit croire fermement que l’innovation est la force motrice qui nous permettra de réussir notre décollage économique.
“Nous devons y mettre le prix qu’il faut. Notre capacité à nous développer par nous-mêmes en dépend. Le développement de la recherche doit être axé sur les besoins économiques et sociaux du Mali et fondé sur les priorités de son développement, promouvoir l’articulation entre la recherche et l’économie”, a-t-il poursuit.
Recréer une dynamique de confiance autour d’un véritable dessein républicain et démocratique
A ses dires, les nouveaux moyens du Fonds compétitif pour la recherche et l’innovation technologique doivent permettre de financer, sur la base d’appel à proposition, des projets et programmes de recherche, ainsi que la vulgarisation et la valorisation des résultats de ces recherches. “Je voudrais saluer, toutes ces générations de scientifiques, chercheurs au talent avéré, anciens, seniors comme cadets et qui ont fait et pourraient tant faire encore pour leur pays, eux qui emportent des projets de recherche, qui portent les centres d’excellence et qui collaborent avec des instituts réputés. C’est le lieu de leur rendre un vibrant hommage, de leur manifester notre gratitude et de leur dire qu’ils sont le fer de lance d’un Mali maître de son destin”, a fait savoir le président des Fare Ankawuli.
Pour le conférencier, il faut recréer une dynamique de confiance autour d’un véritable dessein républicain et démocratique, garant d’une nation unie et riche de sa diversité et de trouver là, les ressorts d’un avenir à inventer et construire ensemble, source d’espérance pour notre jeunesse.
“Et c’est bien au niveau local que nous devons entamer la construction du citoyen nouveau, au plus près de vous. Et, vous êtes cette jeunesse, formée, compétente et qui doit montrer le chemin ! De quelle manière ? En sacrifiant vous-mêmes à cette exigence de tous les instants : dans vos familles, vos organismes, votre milieu de travail, votre entourage immédiat, contribuez à changer le regard sur les raccourcis. Célébrez les bonnes pratiques, la récompense du labeur, de la patience et de l’endurance, au service d’un idéal, celui d’une société qui se fixe des standards élevés en tout temps et qui se montre à la hauteur d’elle-même. Pour que demain soit une chance pour le Mali, un Mali de l’effort, du labeur et du mérite, dans une Afrique debout où une jeunesse d’avant-garde porte le renouveau de la gouvernance et de la démocratie”, précise-t-il.
Et d’ajouter que le renouveau de notre démocratie passe par une modification radicale de la pratique des partis et du personnel politiques.
Cela implique un véritable renouveau politique fondé sur la transparence, la fidélité à la parole donnée, le débat d’idées et le culte de l’intérêt général. “Disons-le franchement, les partis politiques sont aujourd’hui davantage mobilisés autour des personnalités qui les dirigent qu’autour d’idéaux et de programmes pour le pays. La recherche des bons postes y tient une place démesurée. Cela se traduit par la multiplication des partis, la transhumance de politiciens qui vont de l’un à l’autre en fonction de leur intérêt, la trahison des engagements, les manipulations électorales, les manigances de toute nature. Il est temps de rompre avec ces pratiques qui démoralisent nos concitoyens et déconsidèrent la démocratie”, a renchéri le conférencier.
Des pistes d’action
A ses dires, nous avons une obligation, une exigence et un devoir d’imagination parce qu’il faut plus que jamais replacer le débat citoyen au cœur des décisions et de l’action publique.
Dans ce sens, poursuit-il, trois dimensions essentielles se dégagent, notamment élargir la base décisionnelle au-delà des limites institutionnelles actuelles, penser à des formes non électorales de la représentation : place à la démocratie participative, outiller le citoyen pour lui permettre d’accomplir sa mue et de s’emparer des questions publiques.
Ainsi, il proposera de hisser l’éducation au sommet des priorités nationales car elle est le vecteur le plus sûr d’élévation de la conscience politique et sociale, de la baisse du cynisme et du recul de la fatalité, de la hausse de la conscience que chacun a de sa responsabilité envers la collectivité. “Plus que l’obligation de la majorité pour le droit de vote, il est impérieux d’établir des cours sur la citoyenneté, l’initiation à la politique, l’adoption d’un regard critique sur l’information, la vie citoyenne. Il faut se mettre ensemble au service de la patrie à travers le Service national civique et citoyen qui aura cinq composantes : la formation à la citoyenneté, la connaissance du territoire et de nos cultures, la préparation militaire, la formation professionnelle, les travaux d’intérêt collectif”, a-t-il indiqué.
Rendre l’enseignement de l’éducation civique et morale (ECM) obligatoire
Dans le même esprit, dira-t-il, une Journée nationale de la citoyenneté devrait être instaurée afin que le ciment de la République et de la démocratie devienne véritablement le lien tissé entre les patriotes devenus des citoyens engagés à travers l’enseignement de l’éducation civique et morale qui doit être obligatoire de l’école fondamentale à l’enseignement secondaire.
“Au total, l’éducation à la citoyenneté doit être une priorité, dans la jeunesse, chez les fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales et dans l’ensemble du corps social. Il faut que le sens de l’Etat anime les grandes institutions de la République et ceux qui les servent”, a-t-il noté.
L’ancien Premier ministre a également proposé la transformation des médias pour en faire de véritables outils de la construction de consciences libres et affirmées à une dynamique citoyenne forte et durable, ainsi que la réintroduction de l’honneur, la dignité, la responsabilité et l’imputabilité au cœur de l’offre politique et de la chose publique afin qu’elle regagne ses lettres de noblesses et redevienne un service aux autres.
Boubacar PAÏTAO