Polémique autour de la mise en place de la CENI : L’opposition tire à boulet rouge

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L’opposition politique  attend toujours la suite réservée par le Ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales à sa requête de  rejet des propositions que la majorité a tenté de lui imposer concernant les quotas de répartition à la CENI. Sur la question et bien d’autres sujets d’actualité brûlante, nous vous proposons la contribution du Secrétaire administratif du SADI, Nouhoum Kéïta.

 

En effet, le rejet de  l’opposition s’explique aisément, car il constitue fondamentalement une riposte à  l’injustice politique qui s’institutionnalise et se légitime depuis de nombreuses années.

Lors des discussions qui ont eu lieu sur la question, la majorité présidentielle a donné une fausse interprétation de la notion d’équité contenue dans la loi électorale. Selon elle, l’équité signifie la représentation proportionnelle des forces. Or, pour nous l’opposition, la notion d’équité repose sur des valeurs, sur une éthique et sur la crédibilité. Elle n’a rien à voir avec la représentation proportionnelle des forces qui est de l’ordre du quantitatif, alors que l’équité repose sur la qualité du système.

 

C’est parce qu’il y a  déjà un déséquilibre très prononcé des forces, avec d’un côté la majorité présidentielle qui dispose de moyens financiers et logistiques conséquents, d’une forte influence liée à la gestion du pouvoir et, de l’autre côté, l’opposition en position très défavorable, ne disposant pas de moyens financiers ni d’un véritable statut de l’opposition, que l’équité doit intervenir pour assurer et garantir la crédibilité de notre système démocratique. Elle  introduit le principe de la discrimination positive en faveur du plus faible pour réduire le déséquilibre des forces. Malheureusement, la majorité présidentielle n’est pas prête de renoncer à ses prétentions. Pour elle, il faut tout accaparer et s’ouvrir une voie royale pour se maintenir au pouvoir, quitte à délégitimer la mission de la Commission Electorale Nationale indépendante !

Cette attitude de la majorité est encouragée par le  silence du Gouvernement, qui, en plus d’avoir  programmé le passage en force de son projet de réforme constitutionnelle inopportun et inutilement coûteux pour le pays, botte en touche et semble peu pressé à trancher la question que l’opposition lui a soumise. D’ailleurs, les informations dont nous disposons doivent amener le Ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales à frapper de forclusion la liste de la majorité qui a été déposée au-delà du délai buttoir du 15 juillet qu’il avait fixé aux partis politiques !    

A mon avis, cette attitude de confusion du Gouvernement est liée au fait que jusqu’ici il peine à présenter à notre peuple un statut de l’opposition digne de ce nom.

 

De notre point de vue, le statut actuel de l’opposition proposé par le Gouvernement du Président Amadou Toumani Touré, qui n’est pas encore discuté et adopté par l’Assemblée Nationale, comporte beaucoup d’insuffisances qui pourraient limiter son champ d’application, parce qu’il n’existe aucun recours légal ni de dispositif institutionnel qui rend son application obligatoire. Donc, il s’agit d’un statut inopérant, non viable, et totalement inefficace. Il vise à  faire de l’opposition malienne, une opposition monolithique, prête à aller à la soupe ou dans les valises du Gouvernement, alors qu’à notre avis, elle  doit être une opposition plurielle, conséquente et responsable. Pour éviter toute manœuvre de récupération, le Parti SADI propose l’institution d’un code d’honneur qui sera une partie intégrante de ce statut. Cela veut dire que le nouveau statut  doit comporter un préambule qui souligne :

-La nécessité d’accorder l’entière dignité à l’opposition en sa qualité de composante indispensable et essentielle du système démocratique. Cela passe nécessairement par un changement radical de cette vision étriquée qui a cours de nos jours et qui considère l’opposition comme un mouton de panurge devant se tenir tranquille, en «bon élève de la démocratie» et attendre sans jamais s’opposer, le verdict du peuple lors des élections de fin de mandat de la majorité gouvernante !

 

-La légitimité de toute démarche de propositions alternatives aux orientations politiques et stratégiques adoptées par le régime au pouvoir comme de toute ambition de prise de pouvoir par des moyens démocratiques visant à mettre en œuvre un autre projet de société.

-L’obligation de la mettre dans les conditions adéquates afin qu’elle soit en situation propice pour participer effectivement à l’animation de la vie politique et jouer efficacement son rôle de contre-pouvoir (notamment l’accès aux Medias d’État, à toutes les informations se rapportant à la vie du pays, son implication obligatoire dans toutes les négociations touchant la souveraineté du Mali, ou engageant son destin, le droit d’appeler à un veto citoyen qui consistera à collecter un nombre indéterminé de signatures permettant d’imposer un referendum sur toute question de cette nature).

Pour le parti SADI, le contenu de ce préambule doit avoir pour socle, la souveraineté de notre peuple sur la conduite des affaires nationales, la sauvegarde des intérêts matériels et moraux du Mali et des Maliens (de partout dans le monde) comme une référence absolue de ses dirigeants.

Ensuite, ce code doit  souligner l’indivisibilité de notre République en tant que Territoire et en tant que Nation, que chaque Malien puisse avoir une place reconnue dans son pays, y avoir la possibilité de manger à sa faim, de se loger, d’y être soigné et éduqué, d’y travailler, d’y entreprendre, d’y accomplir ses projets, bref de s’y épanouir afin d’y avoir une fin de vie digne et honorable.

 

Durant plusieurs années, le parti SADI s’est tenu à cette ligne. Au cours de notre deuxième Congrès ordinaire tenu à Koutiala en 2007, notre Président Cheick Oumar Sissoko, en faisant une analyse du contexte politique et historique de notre pays, avait  fixé quelques repères essentiels contenus dans notre projet de société  et fait des propositions à notre peuple ,à savoir :

 

-Un pacte national de solidarité horizontale et verticale intergénérationnelle ;

-Un pacte national de développement des forces du travail, de la création et de l’innovation ;

-Un pacte national de respect scrupuleux et de sauvegarde du bien public ;

-Un pacte national de fidélité au Mali et à l’Afrique…

A notre avis, ces éléments doivent apparaître dans le préambule d’un véritable statut de l’opposition. Et pour que ce statut soit une réalité concrète, il faut mettre en place un dispositif de contrôle éthique comprenant des hommes et des femmes vivant au Mali et dans la diaspora, dont l’engagement patriotique est reconnu par tous. Il est vivement souhaitable que le champ d’intervention de ce statut s’étende au-delà de la classe politique pour couvrir les autres contre-pouvoirs, c’est-à-dire les syndicats, les acteurs de la société civile, surtout la presse et les  mouvements alter mondialistes de notre pays.

A quelques encablures des élections législatives et présidentielles, la question de la place de l’opposition dans l’animation de la vie politique et la surveillance de l’organisation des élections doit être réglée de manière définitive. Le débat public ne doit plus se résumer à un simple exercice de comptabilité du Comité National de l’Egal Accès aux Medias d’Etat sur les temps de passage des partis en compétition, mais d’un débat politique de fond sur les projets et programmes des partis politiques qui veulent briguer le suffrage des Maliens. Cela permettra à notre peuple de faire un choix conscient et éclairé.

 

Notre pays ne peut plus se permettre de vivre des périodes post-électorales marquées par des affrontements et des contestations en cascades. Et 2012, plus qu’en 1992, en 1997, en 2002 ou encore en 2007, les élections qui s’annoncent comportent des enjeux qui débordent largement le seul cadre national. Pour s’en convaincre, nous devons développer notre analyse à partir d’un fait historique important : Les processus démocratiques en Afrique avalés à partir des Conférences nationales, puis des élections avec des «observateurs extérieurs» ont été vite récupérés par les forces néocoloniales.

 

Dans un premier temps, ce sont des éléments réformistes et réfractaires à toute idée de rupture avec le pacte colonial qui ont été soutenus financièrement, puis élus à la tête de nos pays avec la caution des «observateurs étrangers» qui ont masqué les fraudes massives  à travers leurs rapports d’observation des élections.

 

Dans la phase actuelle, c’est l’ingérence directe des puissances coloniales dans le fonctionnement de nos institutions démocratiques. Ces puissances coloniales, pour des raisons économiques et stratégiques, sont constamment à la recherche de prétextes d’agression pour imposer ouvertement à la tête de nos Etats des hommes dévoués à leurs intérêts. Il suffit tout simplement de voir la situation en Libye pour s’en convaincre.

Aujourd’hui, le contrôle par ces puissances coloniales des ressources minières et pétrolières, de nos économies nationales et de la conduite de nos politiques constituent un impératif politique vital. C’est pour cette raison qu’à SADI, notre mot d’ordre pour ces élections est la préservation de notre souveraineté. Cela implique comme engagement de notre part :

 

le rejet de toute tentative de cafouillage  de notre processus électoral ;

la création d’un large front patriotique pour informer, alerter, déjouer toutes les combines et manœuvres visant à installer au pouvoir des hommes de main dévoués aux intérêts étrangers.

 

Pour y parvenir, SADI propose avec toutes les forces politiques de notre pays, soucieuses d’une bonne organisation des élections, d’organiser et de structurer la vigilance populaire à toutes les étapes du processus électoral, (de la confection du fichier électoral à l’établissement des cartes d’électeurs, en passant par la mise en œuvre de tous les  autres dispositifs de contrôle des élections), de signer un pacte pour empêcher toute forme d’ingérence et de réfléchir de manière autonome et responsable à une certification nationale crédible de nos élections.

Nouhoum Keïta

Secrétaire Administratif de SADI    

 

 

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