On a toujours tendance à l’ignorer. Voire à l’oublier tant on est chaque fois porté vers les « militants », les « passionnés », les « fanatiques », les « cousins » et les « frères »… pour prétendre que la «population est avec soi ». Et pourtant, il y a une couche importante de l’électorat, dite « majorité silencieuse » qui reste active tant son action se situe et se prolonge dans le temps.
Les dés ne sont pas encore jetés. Certes, il ya en ce moment une pause au niveau des meetings politiques. Ils ont raison car l’on vient à peine de fêter le Ramadan et aller à la conquête de l’électorat, sera considéré comme un manque de considération à ces derniers qui viennent de passer 30 jours de jeûne. Néanmoins la «trêve » n’exclut pas la poursuite de petits calculs et de grandes manœuvres politiciennes saines. Aussi, on a beau remplir les stades, les salles de conférences et dresser des tentes à la manière de « Kadhafi » pour faire « son plein », contenir son monde, un élément politique mérite d’être souligné. C’est-à-dire qu’aux côtés de la « Majorité présidentielle » et de « l’Opposition institutionnelle », il y a cette «majorité silencieuse » souvent négligée parce qu’elle descend rarement dans la rue. On ne la prend jamais en compte ni en considération. On l’oublie dans la distribution des libéralités, souvent faites des T-shirts et de la boisson avec frais de transport pour «renforcer » les marches, remplir les stades ou salles de conférence sans oublier des terrains de football.
Tout simplement parce que, cette «majorité silencieuse », est discrète. Elle n’est pas toujours là au moment des « shows », mais demeure omniprésente. Elle ne rate aucune information, dévore les colonnes des journaux, reste collée à la radio et les yeux rivés vers les écrans de la télévision pour suivre attentivement toute activité politique, jusque dans les moindres détails. Elle écoute, analyse, applaudit quand elle le veut avant de s’imposer une réflexion profonde dans la perspective d’un choix judicieux. Le plus souvent, sans que l’on puisse s’en apercevoir ni le constater, c’est elle qui fait pencher, en dernière minute, la balance d’un côté comme dans l’autre. Toujours dans cette discrétion que l’on lui reconnaît très rarement, sauf sous d’autres cieux des plus avertis, c’est à travers elle que l’on relève le taux d’abstention, le désintéressement de la population de la politique.
Quelle est cette « majorité silencieuse » ?
De façon globale et naïve, l’on parlerait de la « Société civile » tant ses membres se recrutent au sein des forces vives de la nation. Allusion faite aux intellectuels de façon toute aussi générale. Cependant, il s’agit des universitaires, des professeurs d’universités, des avocats, des enseignants, des cadres de sociétés, des médecins, des magistrats, des infirmiers, des syndicalistes, des opérateurs économiques, des gros investisseurs nationaux… Trop accaparés par leurs obligations professionnelles, ces personnages actifs, véritables agents de développement, s’intéressent, sans le proclamer du haut de tous les toits, à la politique. Ils suivent chaque pas et gestes politiques, analysent tous les discours des chefs des partis, de la classe dirigeante et passent au peigne fin des programmes d’actions. D’où, l’importance de leur « vote » qui influence toujours les résultats dans toute élection. Ils jouent un rôle important dans le taux de participation au scrutin. Pour mieux apprécier leur importance, leur action ne se limite pas seulement au «simple dépôt du bulletin de vote dans l’urne». Mais qu’elle se situe et se prolonge dans le temps, la durée de tout mandat politique ou législatif. Et chaque fois que le besoin se fait sentir, «cette majorité silencieuse » agit pour remettre en cause tout discours démagogique. Il en sera le cas pour ces élections de 2012. Et, tout au long de ce processus électoral, l’ombre de la « majorité silencieuse » planera à telle enseigne que seuls les stratèges et non les « griots » apprécieraient cette « donne » incontournable dans les calculs, les grandes manœuvres électorales, pour ne pas dire politiques. Au-delà, lors de l’élaboration de toutes les stratégies et tactiques électorales. Toute négligence serait une grosse erreur politique d’appréciation.
Paul N’guessan