Le point : Le triomphe large

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Le nouveau Premier ministre malien Abdoulaye Idrissa Maïga à Gao, le 18 janvier 2017 alors qu'il était ministre de la Défense. © REUTERS/Reuters TV

“Celui qui a désormais carte blanche pour diriger le nouveau gouvernement est désormais un des nôtres… Tous donc, en bloc, derrière le camarade Abdoulaye Idrissa Maïga et la nouvelle équipe qu’il mettra en place… Ensemble, nous relèverons le défi” !

Ce passage de certains barrons du Rassemblement pour le Mali (RPM) sur les réseaux sociaux traduit la “grande satisfaction” des Tisserands par rapport au choix du président Ibrahim Boubacar Kéita. Ils ont maintenant le triomphe large.

Enfin ! Ouf ! IBK s’est résolu à respecter le fait majoritaire, en nommant un chef du gouvernement de la majorité parlementaire. Agé de 59 ans, le nouveau Premier ministre est vice-président du parti au pouvoir. L’Union des jeunes du RPM, la Jeunesse de la Convention de la mouvance présidentielle… ont également emboité le pas au bureau politique national (BPN) en exhortant “toute la communauté malienne à se mobiliser autour des actions du président de la République et de son Premier ministre pour le plus grand bonheur des Maliens”.

Comme le dit une bloggeuse, cette nomination est naturellement “vendue” comme le choix du RPM ! Le président de la République a-t-il alors cédé au chantage des députés “Tisserands” pour se plier au fait majoritaire ? Cela n’est pas évident pour qui connaît IBK.

Sinon pourquoi le RPM a lâché Tréta, son éternel candidat à la Primature, au profit d’Abdoulaye Idrissa Maïga ? Qu’est-ce qui explique ce revirement, si revirement il y en a eu bien sûr ?

Selon des sources proches de la présidence de la République, AIM est avant tout le choix personnel et politique du président de la République qui a “besoin d’un homme compétent, loyal et intègre” pour reprendre le pays en main à presqu’un an de la présidentielle de 2018.

Avant d’être perçu comme un cadre du RPM, il est avant tout un “proche collaborateur du président de la République qui attendait le moment opportun pour le nommer à la Primature… Un choix politique éclairé, car il est loyal, honnête, méthodique et très rigoureux”.

Ingénieur de formation, Abdoulaye I. Maïga a été quand même directeur de campagne d’Ibrahim Boubacar Kéita pour l’élection présidentielle de 2013. Le choix de l’homme est surtout la preuve de sa rigueur et de sa sérénité auxquelles s’ajoute son statut d’homme de confiance du président IBK.

Mais, le vrai débat est : est-ce que AIM saura sauver le mandat d’Ibrahim Boubacar Kéita et lui garantir une réélection en 2018 malgré sa fidélité, sa rigueur et sa compétence ? Le chef de l’Etat a-t-il finalement réussi le bon casting après trois choix visiblement infructueux ?

En effet, comme le disait un observateur sur les réseaux sociaux, “l’instabilité à certains postes dans un pays est un indicateur de mauvais choix des hommes à des postes stratégiques et de manque de vision à la limite de l’amateurisme”.

En moins de quatre ans, IBK est non seulement à son 4e Premier ministre (autant qu’Amadou Toumani Touré en dix ans), mais “les ministères clés (Economie et Finances, Défense, Administration territoriale et Réforme de l’Etat, Sécurité et Protection civile, Santé, Education et Enseignement supérieur…) ont changé de locataires à plusieurs reprises”. Si notre décompte est bon, IBK a connu cinq ministres de la Défense.

N’est-ce pas trop pour un pays qui doit non seulement reconquérir des territoires qui échappent à son contrôle, mais aussi éradiquer le terrorisme devenu un obstacle au processus de paix et à son développement ?

“Le nouveau PM doit tenir compte de ces insuffisances et se démarquer des complaisances dans le choix des ministres. En matière de recrutement un mauvais choix coûte beaucoup cher à l’entreprise”, conseille notre observateur, Drissa B. Traoré.

L’efficacité d’un Premier ministre ne dépend pas seulement de son ambition et de sa compétence, mais aussi et surtout de la marge de manœuvre que son président lui accorde.

Et en la matière Ibrahim Boubacar Kéita doit s’inspirer de son propre expérience avec le président Alpha Oumar Konaré qu’il a servi comme Premier ministre de février 1994 à février 2000.

Un passage qui a boosté la carrière politique de l’homme qui fut aussi président de l’Adéma/PASJ. C’est de cette expérience qu’il a acquis sa réputation de fermeté, d’homme de poigne intransigeant avec le sens de la responsabilité.

C’est pourquoi d’ailleurs les Maliens semblent l’avoir choisi instinctivement parce que même s’il “n’était pas visiblement prêt pour la mission présidentielle, il semblait avoir la stature mieux que ses concurrents”.

IBK avait été nommé presque dans le même contexte sociopolitique qu’AIM aujourd’hui. Il a réussi à relever le défi parce qu’il a bénéficié de la marge de manœuvre requise de la part d’AOK. Nous pouvons même dire que Ladji Bourama est le seul Premier ministre à avoir réellement bénéficié des “pleins pouvoirs” dans l’histoire du Mali.

AOK avait non seulement une confiance à toute épreuve en l’homme, mais il lui servi de bouclier pour le défendre bec et ongle, contre vents et marées contre les attaques déstabilisatrices au sein même de la Ruche (Adéma/PASJ).

C’est d’un tel soutien, d’une telle marge de manœuvre qu’Abdoulaye Idrissa Maïga a besoin aujourd’hui de sa part pour sauver les meubles et ce premier mandat afin de lui assurer une réélection en 2018.

“On se focalise sur la personne du PM (le Premier ministre Modibo Kéita), alors qu’en réalité il était condamné à l’échec. Cela est inévitable quand on prend un Premier ministre sans aucune marge de manœuvre politique et flanqué d’un mentor à qui il doit sa nomination et qui l’encadrera de toutes sortes de ministres croupiers qui ne seront là que pour gérer des intérêts privés. J’avoue que si ce scénario se reproduisait, ce sera une autre catastrophe”, analysait Me Abdoulaye Garba Tapo, juriste et leader politique (il fut ministre de la Justice), dans un débat sur la question sur les réseaux sociaux.

A propos d’Abdoulaye Idrissa Maïga, il avertit de ne pas préjuger. “Attendons de voir en espérant que cette fois ce sera la bonne et qu’il nous apportera des ministres de combat”, espère-t-il !

On saura à la tâche si la Dream Team d’AIM est à hauteur de souhait et surtout s’il aura réellement la main mise sur son équipe.

Hamady Tamba

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