Le président IBK et son clan sont quelque peu en déphasage avec le peuple, tant celui-ci ne comprend pas l’obstination du pouvoir à penser que tout va bien et que c’est seulement le peuple qui ne comprend pas qu’il faut du temps pour que les reformes produisent des effets. Pourtant à y voir clair, il y a un décalage certain entre le régime et le peuple, car dans les ” Grins ” et autres lieux de regroupement, une certaine unanimité est faite sur l’incapacité du régime à faire quoi que ce soit pour ce pays. Or, le président est convaincu que le pays marche bien, que seulement ce sont les Maliens qui sont impatients et ne comprennent pas qu’il faut du temps pour que ce pays sorte de l’abîme. Cette conviction, le président de la république ne rate aucune occasion pour le dire publiquement et surtout de fustiger les adversaires et les opposants qui critiquent le régime, ainsi pour le président et son clan, tout ce qui est décrit comme difficultés ce ne sont que des malentendus. C’est pourquoi, il est peut-être temps pour le régime et son clan de changer de stratégie à quelques encablures du scrutin présidentiel de 2018, car le peuple qui vote pense que IBK et les siens sont hors-jeu.
IBK : un capital-confiance bousillé
Qu’est-ce qui déconnecte, tant le pouvoir IBK et l’aveugle au point de penser que c’est plus l’égoïsme et les méchancetés qui expliquent le désarroi actuel du peuple ? Que la réalité des difficultés. La réponse est qu’une fois de plus, le président est coupé de la réalité des choses et fait le choix de s’abriter derrière ses propres illusions que d’affronter la réalité et de se dire qu’il ne peut y avoir une telle unanimité de dénonciation s’il n’y a pas de raisons, c’est seulement à partir d’une telle posture que l’on peut envisager faire des changements. Mais, hélas, le régime refuse d’affronter la réalité et fait le choix de continuer les spéculations politiques comme moyens de survie.
C’est le président, qui de par son attitude, son arrogance, son égocentrisme a retourné le peuple contre lui : l’impunité, les promesses non tenues, les annonces sans suite, l’unilatéralisme, les scandales financiers, la corruption, la gabegie, l’implication systématique de la famille dans la gestion de l’Etat… Pourtant, il est important de rappeler que le président IBK a été élu avec un taux jamais égalé de 77% dans un contexte de mobilisation jamais vu dans ce pays, le peuple déterminé est sorti massivement voter son président se disant qu’il était le seul à redonner au Mali son honneur et sa dignité, l’homme a été plébiscité par son peuple. Au bout de plus de 3 ans d’exercice du pouvoir pourquoi ce même peuple d’un seul coup se retourne contre ce président à qui il avait tout donné pour le sauver, tout simplement le capital-confiance a été bousillé par le mépris et l’obstination.
Pour IBK et les siens, tout va bien, ce pays marche, il faut simplement un peu de patience pour que les retombées se fassent sentir pour le bonheur des Maliens même si dans la réalité globale, nous reculons. Alors ce qu’il faut, pour ce pays c’est d’opérer des changements qui font mal, de réconforter le leadership et surtout de redonner espoir au peuple à travers du concret, alors vous comprenez au passage que la reconstruction de l’armée au-delà de la théorie est un impératif.
Un mandat qui aurait dû réussir
A l’entame du mandat du président IBK, tous les avertis et autres observateurs avaient prévenu de la dureté de ce mandat tout en mettant en garde les populations contre de l’enthousiasme démesurée. Alors tout le monde savait que les choses n’étaient pas faciles et que le président IBK n’était pas un magicien qui allait tout régler d’un coup de baguette magique. Le peuple parce qu’il savait que c’était dur avait accordé une sorte de blanc sain au président. Ainsi au début des dérapages, il était récurent d’entendre à propos du président IBK ” laisser le faire son travail, il a besoin de temps… ” Tout ça pour que les gens n’embêtent pas le président et son agenda pour le pays, mais au fil du temps, on constate que le peuple n’est pas forcement la première préoccupation du président. L’achat de l’avion au tout début du mandat est à mon avis, l’acte de trop qui a choqué le peuple avec son corollaire de spéculations et de corruption financière. Cette attitude a aussi réconforté une vielle récrimination du peuple à savoir son gout immodéré pour le luxe et son propre plaisir. Le peuple a eu du mal à accepter l’achat de l’avion, non pas que le président ne mérite pas un avion, mais parce que le contexte de crise, le niveau de dégradation, les priorités de l’époque ne permettaient pas de payer un avion. Après l’achat de l’avion, les voyages interminables avec des retombées mitigées, réconfortent les détracteurs dans leur idée que le président n’a rien à foutre des préoccupations du peuple. IBK avait tout pour réussir ce mandat : l’expérience de la gestion du pouvoir d’Etat, son charisme naturel, le soutien du peuple, la légitimité… IBK pouvait entamer toutes les reformes, simplement bien gérer ce pays. C’est pourquoi les plus déterminés de ses partisans ont mis du temps à reconnaitre les défaillances avant de revenir à la réalité et de reconnaitre que la déception a dépassé toutes les limites auxquelles on s’attendait. C’est dans un tel contexte de discrédit que le président et son clan sont dans les perspectives pour 2018 et personne ne se trompe, les grandes manœuvres ont commencé pour le 2ème mandat pour lequel, la bataille risque d’être rude. Car pour beaucoup d’adversaires, il serait bon pour IBK de faire comme François Hollande, de comprendre que pour sa propre dignité, il doit se retirer et ne pas chercher un second mandat.
Un second mandat IBK : danger pour la république
Incontestablement que le premier souci de la majorité présidentielle est le second mandat du président IBK, désormais, elle n’en fait pas un mystère et de plus en plus tout le monde comprend l’orientation. C’est d’ailleurs pourquoi en ces moments le regroupement avec la soixantaine de partis est en conclave pour dit on discuter de la réforme constitutionnelle et du referendum. Mais pour les analystes et autres observateurs, il s’agit ni plus ni moins de tester la solidité du regroupement face aux perspectives de 2018. Or à ce niveau, rien n’est encore clair, pour ce qui est de l’idéal de candidat unique pour le regroupement. Ainsi des partis comme : l’ADEMA, YELEMA, la CODEM et bien d’autres ont annoncé leur candidature ou on l’intention de le faire, de sorte que, il est illusoire de penser à une unanimité autour de la candidature du président IBK. Alors même si IBK est candidat, d’autres candidatures du camp présidentiel seront de la partie pour 2018, donc à ce niveau les choses sont de plus en plus claires.
Il est clair aussi que nous sommes loin de l’unanimité et du poids politique de 2013, du coup beaucoup dans le camp présidentiel pensent que partir avec IBK de façon automatique serait prendre des risques énormes de s’éloigner de la gestion du pouvoir. Alors les gens préfèrent attendre de voir jusqu’à la dernière minute pour se décider dans leur orientation, fondamentalement les autres partis qui n’ont pas forcement l’envergure de se choisir un candidat. Désormais, il se murmure de plus en plus que le président doit abandonner et que le CMP (Collectif de la Majorité Présidentielle) se cherche une alternative.
Dans notre contexte politique aujourd’hui, il va être difficile pour le président IBK de faire des résultats, s’il est candidat en 2018, la méthode facile serait de passer en force comme Ali Bongo, Sassou, Gourounsiza… et on n’en parle plus. Sauf que nous sommes dans un pays tellement fragile qu’il ne peut survivre à une crise postélectorale, ça personne ne peut le permettre, car si jamais le Mali plonge, il est clair que des pays comme le Burkina et le Niger vont le suivre aussitôt.
Il n’est dans l’intérêt de personne que le Mali plonge juste parce qu’un clan veut se maintenir au pouvoir, de toutes les façons ces gens n’auront aucun argument pour penser à un tel scenario. Or sans une telle option, les observateurs voient mal comment le président IBK et son clan vont aborder les échéances de 2018 pour prétendre à une hypothétique victoire. Le bilan est tel qu’il serait sage pour IBK et les siens de réfléchir à une candidature alternative, si le camp présidentiel veut ne serait qu’une chance pour 2018.
Ousmane COULIBALY