Après son fiasco électoral de 2002, le défi de l’Adéma est de reconquérir le pouvoir qu’il a exercé pendant dix ans avant de faire allégeance à ATT. Si toutefois on peut parler ici d’allégeance, car d’aucuns pensent que le parti de l’abeille ne pouvait aucunement espérer garder le pouvoir, face à un ATT fortement sollicité, en 2002, par le peuple malien: une sorte de plébiscite préélectoral.
En politique, il est toujours mieux indiqué d’être du côté des gagnants, d’où le choix des Ruchers de composer avec le régime en place, en attendant leur heure. Mais à l’allure où vont les choses, les compagnons d’Alpha Oumar Konaré sauront-ils ne pas rater cette heure?
L’Adéma perd du terrain
Si l’Adéma reste jusque-là la première force politique du pays, il faut reconnaître aussi qu’il perd du terrain, au regard de son parcours de 1992 à nos jours.
En effet, on est loin du temps où l’actuel président de l’Assemblée nationale, parlant du régime Alpha, avait pris l’habitude de dire sans gêne : “Notre pouvoir, le pouvoir Adéma ne cautionnera pas ceci ou cela.”
Faut-il le rappeler, lors de la législature 1992-1997, le parti de l’Abeille engrangeait à lui seul la majorité des députés à l’Assemblée nationale. Un éventail d’élus nationaux revue à la hausse durant la législature 1997-2002, où le gros de la classe politique malienne avait boycotté les échéances le 1997.
Aussi, le parti recensait autant d’élus communaux qu’il n’en a aujourd’hui, en tenant compte de la proportionnalité due à la création de nouvelles communes. Ce qui avait fait dire à beaucoup de Maliens que le régime konaréen, ou plutôt adémiste, avait une connotation démocratique à relent dictatorial.
Autre fait qui prouve que l’Adéma perd du terrain: c’est que le visage que le parti présente aujourd’hui est loin de ce qu’il arborait au cours de la décennie 1992-2002.
En effet, avec le départ de certaines figures emblématiques du parti -le Pr Mamadou Lamine Traoré, l’ancien Premier ministre Ibrahim Boubacar Kéïta, Soumaïla Cissé…- l’on se demande aujourd’hui par quelle magie les adémistes ont pu sauvegarder leur cohésion et leur suprématie sur un terrain politique fortement envahi par une centaine de partis politiques.
Les responsables de l’Adéma avaient-ils conscience de ces reculs ? D’aucuns pensent que oui, rien qu’en jetant un coup d’oeil sur le schéma tracé du côté de Bamako-Coura pour aborder les dernières législatives.
Législatives 2007 ou aveu d’impuissance des Ruchers?
Autant lever tout équivoque sur cette question qui ne renvoie point aux scores du parti lors des législatives dernières, mais plutôt à ce qui avait été concocté comme projet électoral au niveau du CE de l’Adéma.
En effet, de sources sûres, Dioncounda et camarades, dans un premier schéma tracé, ne tablaient en tout et pour tout que sur une quarantaine d’élus, face à la disette économique. On comprend alors que le parti, malgré l’apparente sérénité jusque-là affichée, souffre beaucoup de la perte du pouvoir en 2002.
Par ailleurs, ce premier schéma élaboré par la direction du parti n’était-il pas synonyme d’un aveu d’impuissance pouvant dangereusement compromettre le projet de reconquête du pouvoir en 2012?
Une perspective qui ne pouvait pas être envisagée par Alpha Oumar Konaré, d’où son implication, depuis Addis-Abeba, dans la galvanisation du parti lors des législatives.
L’homme qui, apparemment, entend revenir pour jouer un rôle de premier plan dans la vie de la Ruche, aurait donc déboursé des millions pour que Dioncounda et camarades ratissent large.
Et même si le parti n’a pu avoir la majorité absolue à l’Assemblée nationale, il s’en est tiré avec un nombre acceptable de députés. Toujours est-il que le projet de reconquête du pouvoir en 2012 reste problématique, car d’ici-là, le grand bateau Adéma risque de faire naufrage, rien qu’au jetant un regard sur la position même du parti à l’Assemblée nationale.
D’où l’activisme de certains responsables Ruchers qui ne vise qu’à faire une sorte de pression morale sur le régime, afin que le parti obtienne assez de points de chute. La finalité recherchée étant de renforcer la stratégie de reconquête du pouvoir qui, jusque là, ne tient que sur un fil de rasoir.
La suprématie reste toujours aléatoire en politique. Dioncounda et camarades ne sauraient le démentir, sinon l’Adéma n’aurait pas perdu le pouvoir en 2002.
L’Adéma sur les traces du RPM ?
Au regard de la nouvelle configuration de l’Assemblée nationale, l’Adéma semble être pris au piège. Et pour cause : avec ses 46 députés, le parti de l’Abeille se retrouve près qu’au même niveau que le RPM, lors de la dernière législature.
On se souvient que le RPM d’IBK, malgré ses 44 députés, n’a pu imposer son diktat sur les autres partis présents à l’Hémicycle que grâce au concours de ses alliés de Espoir 2002, en partie, le CNID et le MPR.
Et lorsque ceux-ci ont décidé de rompre avec IBK, le RPM s’est vu contraint à l’isolement. Comme l’ADP dans sa forme actuelle, Espoir 2002 avait, lui aussi, décidé -avant que la rupture ne survienne- de soutenir le Président ATT.
La suite est connue : le RPM a essayé de faire faux bond au régime, lors du vote de la loi sur le Vérificateur général. Certes, la tentative échoua, car la loi a pu être votée, mais c’est à partir de là que l’Adéma, à l’époque, a nourri son projet de création d’une majorité à l’Assemblée.
La confiance dans le groupe Espoir 2002 ayant été fortement entamée après le coup délibéré du RPM de retirer à Me Tall et Baba Oumar Boré du MPR leurs postes, ces derniers n’eurent d’autre choix que d’adhérer au projet de création d’un axe majoritaire autour de l’Adéma.
Aujourd’hui, le même Adéma ne risque-t-il pas de se retrouver au centre d’un même scénario? D’autant plus qu’on a entendu parler de tous les groupes parlementaires, sauf de celui de l’ADP.
Partant de ce fait, l’axe majoritaire créé par l’Adéma et l’URD est-il crédible, quant on sait que ces deux partis sont tous orientés vers la conquête du pouvoir en 2012?
A part les groupes parlementaires RPM et PARENA-SADI, tous les autres sont pour le moment donnés comme partenaires du Président de la République, Amadou Toumani Touré. L’Adéma a donc un double combat à livrer au sein de l’Hémicycle : faire tout pour ne pas frustrer l’URD et savoir ménager le régime.
Des compromissions avec l’un ou autre entraîneront inéluctablement l’Adéma vers sa perte. Or, sur ce point, Dioncounda Traoré, avec sa double casquette de président du parti et de l’Assemblée nationale, ne rassure guère.
En effet, dans son tout premier discours en tant que président de l’institution parlementaire, certains observateurs politiques ont décelé des écarts de langage.
Pourtant, s’il est vrai que l’Adéma tient toujours à son projet de reconquête du pouvoir en 2012, il est grand temps que les Ruchers se retrouvent et réfléchissent sur les voies et moyens d’adaptation aux nouvelles donnes politiques du pays, avec tous les enjeux y afférent.
Adama S. DIALLO
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