Période de transition : Une chance pour la classe politique

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La période de transition s’annonce longue et risque de se faire sans les acteurs politiques. Une chance quand même pour la classe politique de se trouver de nouveaux repères et marques pour un paysage plus sain.
Depuis le 22 mars 2012, date du coup d’Etat militaire qui a renversé le pouvoir du général Amadou Toumani Touré, le Mali court désespérément derrière un retour à l’ordre constitutionnel. Suspendue pendant quelques jours, la constitution du 25 février 1992 a été rétablie mais vite supplantée par l’Accord-cadre signé le 06 avril entre les putschistes et la Cédéao. Dans ce document, les militaires promettent de concrétiser la promesse solennelle faite , le 1er avril, par le capitaine Amadou Haya Sanogo, président du Cnrdre d’œuvrer en faveur d’une vie constitutionnelle normale.
L’ordre constitutionnel a été réclamé par tous ou presque, au Mali comme ailleurs, dans une parfaite hypocrisie car personne ne s’est avisé de réclamer le préalable : le rétablissement du président Touré dans ses fonctions de président de la République constitutionnellement élu, le retour aux affaires du gouvernement Mariam Kaïdama Sidibé. Néanmoins, selon les intérêts personnels et les sensibilités particulières, les forces vives de la nation se sont retrouvées dans différents regroupements.
Ces regroupements sont composés de partis politiques et d’organisations de la société civile. Les deux principaux sont le Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et la République (Fdr) mouvement anti-putsch et la Coordination des organisations patriotiques du Mali (Copam) favorable à la junte militaire. Entre les deux, la Convention pour sauver le Mali (Csm) et l’Alliance des démocrates patriotes pour une sortie de crise (Adps), tous deux comptant également des partis politiques et organisations de la société civile. Selon les déclarations des uns et les prises de position des autres, les observateurs ont tôt fait d’étiqueter ces différents regroupements. Ainsi, le Fdr serait la Droite, la Copam, la Gauche, avec une aile radicale, le MP22 (Mouvement patriotique pour le 22 mars), l’Adps, le Centre droit, la Csm, le Centre gauche. Tous, à part MP22, rêvent de participer activement à la période de transition qui vient de commencer véritablement.
Or, la transition risque d’être longue, d’être gérée essentiellement par les forces armées et de sécurité, les organes transitoires et la communauté internationale. Une période que la classe serait plus avisée de mettre à profit pour se retrouver et dessiner un nouveau paysage qui aurait plus de visibilité et de lisibilité, surtout pour le citoyen lambda, potentiel militant et électeur qui ne se retrouve plus dans cette pléthore.
Le Mali, en effet, compte plus de 120 partis politiques. Logiquement et selon le bon sens, on ne pourrait compter autant de mouvements ou sensibilités politiques, de programmes de développement ou de projets de société différents. De fait, rares sont les partis politiques qui sont fondés sur une charte particulière. Ils naissent de lubies personnelles, autour d’une personne ou d’un noyau d’individus. Beaucoup de formations politiques doivent leur création à des sautes d’humeur, à des querelles de leadership, à des conflits d’intérêts personnels, au choc des égo.
Les cas les plus illustratifs restent ceux des trois grands partis politiques du début du processus de démocratisation : l’Adéma, l’Us-RDA, le Cnid.
Le premier a fourni au Mali le premier président de la troisième République et dont le président est le chef d’Etat de la transition. L’Adéma peut se targuer d’être le géniteur d’au moins trois formations : Miria, Rpm, Urd. C’est grâce au deuxième que le pays a conquis son indépendance. L’Us-RDA a également donné le premier président du Mali souverain (1960-1968). Son candidat est arrivé deuxième dans la course présidentielle de 1992. Lui aussi s’est déchiré pour donner naissance au Bdia et au Pids, entre autres. Quant au troisième, le Cnid, sa partition a abouti à la création du Parena, du Bara et de bien d’autres partis politiques.
Ces éclatements, dont ont été victimes d’autres familles politiques de moindre envergure, ont à chaque fois contribué au remodelage de la classe politique, soit par la constitution de nouvelles entités soit par la fusion entre des partis déjà existants.
A partir de 2007, à la faveur des élections présidentielle et législatives, plus d’un ont prédit un renversement de la tendance quand certains « petits » partis politiques ont commencé à se fondre dans de grandes formations. Les principaux bénéficiaires de ces fusions ou alliances ont été l’Adema et l’Urd, qui profitaient largement de la gestion consensuelle du pouvoir à laquelle ils participaient, et, dans une certaine mesure, le Rpm.
En 2009-2010, la refondation de la grande famille Adéma (Pasj, Miria, Rpm, Urd) a été évoquée (invoquée ?) par quelques esprits nostalgiques trop optimistes. Le projet aura fait long feu. De fait, c’est de l’Us-Rda qu’est venue la meilleure tentative de reconstitution familiale avec la création de l’Um-Rda. Si l’expérience ne s’est pas montrée concluante à cause de querelles de leadership, elle a permis de croire à la possibilité de réduire considérablement le nombre beaucoup trop élevé de partis politiques. L’idéal, selon beaucoup de spécialistes de la chose politique, serait d’arriver à une dizaine de formations politiques, qualifiées selon les standards universels : Droite, Gauche, Centre, avec éventuellement chacun ses radicaux et modérés, ses courants et mouvements internes.
Il est d’autant plus important pour les partis politiques de se déterminer que des intellectuels avisés affirment, péremptoires, qu’au Mali il n’y a pas de Gauche, Centre ou Droite, qu’il n’y a même pas de partis politiques mais des groupements d’intérêt économique (Gie) ou des groupements d’intérêt politique (Gip).
La transition est une bonne occasion pour les acteurs de la classe politique de chercher à trouver leurs vrais repères et de se « caser » selon leur conviction politique, leur éducation idéologique, leur conception philosophique. A cet effet, débarrassés de la société civile trop politisée et sortie de son rôle, les regroupements actuels pourraient servir de ballons d’essai. A transformer, ce qui aura le mérite de clairsemer et d’aérer cette véritable jungle politique.
Cheick Tandina

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