Pour être, l’opposition a besoin d’acteurs crédibles et non pas de sectes de dissidents ou d’agitateurs à l’esprit chagrin. Mais il y a surtout, pour l’Etat, devoir à ce que les partis politiques jouent pleinement leur rôle. En effet, de 1997 à 2007, l’Etat malien, au titre du financement public des partis politiques, a partagé entre eux 3 301 879 000 F CFA.
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La sempiternelle faute à Voltaire ou à Rousseau va-t-elle être la trame de l’action oppositionnelle dans notre pays ? Le communiqué du 10 octobre du FDR et la récente interview accordée à un confrère de la place par le leader du parti SADI, Dr. Oumar Mariko, dénoncent, comme handicaps à la maturation de la démocratie, d’une part, le statut et la formation du Premier ministre et, d’autre part, le mépris dont le chef de l’Etat fait preuve à l’égard des partis politiques. Ce discours, pour l’heure, n’est pas des plus mobilisateurs et risque, s’il n’est pas enrichi, de n’être qu’un sujet de défoulement.
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A trop insister sur le Premier ministre et le peu d’estime en laquelle Amadou Toumani Touré tient les formations politiques, les opposants oublient certainement les autres sujets de préoccupation du citoyen. Ceux-ci ont pour noms : l’avenir des enfants (scolarisés ou non, déflatés ou déchets scolaires), les perspectives à offrir à une jeunesse déprimée, quotidiennement guettée par le chômage et constamment tentés par l’exode, la faiblesse des rémunérations et la misère des prestations sociales. Il y a aussi le surendettement du pays avec les conséquences qu’engendrent sur l’avenir les services de la dette, les choix économiques, la montée des inégalités sociales.
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Pour débattre utilement de toutes ces questions, il faut sans doute une opposition véritablement éloignée des allées du pouvoir, capable de constituer une alternative crédible. Pour être, une telle opposition a besoin d’acteurs sérieux, et non pas de sectes de dissidents ou d’agitateurs à l’esprit chagrin. Or, l’expérience politique, qui a prévalu les cinq dernières années, n’est pas sans conséquence nocive sur les comportements individuels.
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rnAu lieu d’être un modus operandis entre adversaires politiques pour atteindre des objectifs précis sans toutefois renoncer à ses convictions idéologiques et politiques profondes, le consensus qui a eu cours a plutôt poussé les politiciens professionnels à aller en vitesse et en grappes au pouvoir, à s’agglutiner autour d’ATT dont chacun disait partager, à de simples nuances près, la vision pour le Mali. « Quiconque me dit : pense comme moi ou Dieu te damnera, me dira bientôt : pense comme moi, ou je t’assassinerai », disait Voltaire.
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Assassinat ou suicide ?
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Mais, peut-on raisonnablement accuser ATT d’être l’assassin des partis politiques ou sont-ce eux-mêmes les coupables de leur propre suicide ?
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En présentant sa candidature à l’élection présidentielle en 2002, il n’a pas fait mystère de sa volonté de ne pas accepter la prééminence des partis, source à ses yeux, de trop de contestations. Tous sont cependant allés au consensus avec lui, portés par la bonne maxime connue depuis Alain : « L’union fait la force ». En réalité, l’observateur averti aura noté la faiblesse du cadre politique malien, constamment livré au déchaînement des appétits du pouvoir, sans se soucier que ce comportement est intrinsèquement suicidaire pour lui. Individuellement pris, chacun des partis politiques est riche en talents. Lesquels, malheureusement, se soucient plus de CV et de passeports pour accéder à la nomenklatura plutôt que de mettre en œuvre leurs convictions et leur savoir-faire pour changer une réalité qui les dépasse. Le gouvernement est perçu comme une machine à distribuer des privilèges (postes ministériels, directions nationales, ambassades, etc.). Et, courte vue de l’esprit, la démocratie n’avance que lorsque des âmes choisies intègrent le gouvernement.
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Au bout du rouleau, on se rend compte que les partis politiques, au lieu de progresser, ont au contraire régressé même si quelques cadres ont eu l’occasion d’améliorer leur pouvoir d’achat ou de changer de look. L’accompagnement institutionnel a ainsi coûté au RPM un énorme déficit. En effet, des 44 députés que le parti du Tisserand avait en 2002, seul Ibrahim Boubacar Keïta a pu laborieusement rempiler en 2007 (ses dix accompagnateurs à l’actuelle Assemblée nationale sont tous de nouveaux élus).
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Mais le RPM n’est pas seul à se rendre compte des limites de la camarilla de mauvaise raison. Nombre de partis politiques, même parmi ceux qui constituent l’actuelle majorité, se sont rendus compte, sans pouvoir l’avouer, que leurs articulations se sont engourdies et qu’il faut leur donner de la souplesse et de l’efficacité s’ils veulent encore faire long chemin. En plus des réflexes à regagner, il faut de l’autorité chez les acteurs politiques. Pas de l’autorité du garde-chiourme, mais l’autorité intellectuelle et politique qui commande d’agir conformément à sa conscience.
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Se pose alors la raison d’être des partis politiques dont la vocation est de concourir aux suffrages des électeurs.
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Ce qui revient à faire de la politique. Mais qu’est ce que la politique ? C’est écouter les gens, mais aussi les éduquer, leur proposer un projet en vue de la transformation de la société vers davantage de liberté et de mieux-être.
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Les partis politiques maliens, comme tout parti politique, visent tous, à prime abord, le bonheur des citoyens. Mais s’y prennent-ils avec droiture et vision ? Là est le problème.
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Au Mali, plus de cent partis politiques essaiment l’échiquier national sans qu’on sache à quoi servent la plupart, sinon à rallonger une liste qui n’en finit pas. S’il existe des partis unipersonnels à responsabilité limitée, d’autres font carrément la confusion entre formation politique et ethnie. C’est le cas, par exemple, du PARI de Mamaye Kassogué dont la direction connue était uniquement composée de cadres dogons et bobos, et qui, brusquement sorti de son hibernation, a inutilement grossi les rangs du FDR à la faveur de l’élection présidentielle passée.
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Il y a donc, pour les partis politiques eux-mêmes et les citoyens, impératif à jouer franc jeu. Mais il y a surtout pour l’Etat devoir à ce que les partis politiques jouent pleinement leur rôle. En effet, de 1997 à 2007, l’Etat malien, au titre du financement public des partis politiques, a partagé entre eux 3 301 879 000 F CFA. Réfléchit-on, au sein des Etats-majors, à l’importance de cette manne financière ? Combien de puits aurait-elle servi à creuser ? Combien d’écoles, de CSCOM auraient pu être réalisés avec cet argent ? A ce titre, il importe que les structures de contrôle s’intéressent à l’utilisation des fonds alloués aux partis.
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Amadou N’Fa Diallo
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