A moins d’une révision drastique de leur fonctionnement et d’une révision de leur approche envers les électeurs, les partis politiques maliens et leurs leaders se dirigent droit vers le mur…
L’histoire est authentique : au début du printemps démocratique, un homme parmi les plus riches du Mali annonce à son épouse qu’il va créer un parti politique et briguer le suffrage universel. La femme, dubitative, lui conseille d’attendre, d’observer, d’analyser avant de plonger dans le bain. Elle lui rappelle qu’un parti, c’est une monstrueuse machine, avide d’argent. Faire de la politique coûte cher. Il n’a pas écouté. Au bout de dix années d’utopie, totalement ruiné, il a fusionné avec une grosse pointure. Il ne s’est jamais remis de cette ruine, parce que le parti avait englouti toute sa fortune.
C’est un problème de la pratique politique dans notre pays : la culture militante est nulle, la conviction se rapproche de zéro. Les hommes et femmes ne viennent pas au parti parce qu’ils croient en un programme ou un idéal. Ils ne sont attirés que par la perspective du pouvoir et de la richesse qu’il octroie sous les tropiques. L’argent a dénaturé la politique et le débauchage de militants est la démarche privilégiée chaque fois que naît un nouveau groupe. Au sein des états-majors, il existe comme une déconnexion avec le peuple dont à peine le tiers se donne la peine de voter malgré les milliards investis par l’Etat et les partenaires financiers. L’administration règne encore dans ce domaine, détenant la clé de toutes les fraudes.
En 2002, c’est en partie la lassitude de la population et le dépit envers les politiques qui ont conduit à l’émergence d’un candidat indépendant. De 1992 à 2002, l’enthousiasme extraordinaire pour la liberté et le libre choix a été anéantie par une culture de l’affrontement et de l’invective qui a dégoûté plus d’un Malien. Et le régime de l’ADEMA qui a vu émerger les milliardaires de la démocratie est venu saper les derniers pans de confiance aux hommes politiques pourtant annoncés comme des messies qui ont mission de sauver le peuple de la misère.
A mesure que s’approche l’échéance de 2012 et la quasi certitude que le président Amadou Toumani Touré sera fidèle à son serment de respecter la Constitution, les partis politiques les plus représentatifs du Mali et leur leader ont le devoir, impératif et surtout morale de penser une nouvelle démarche, de donner naissance à une politique que les chrétiens appelleraient « la nouvelle alliance ». Pour reprendre du crédit, de l’estime, de la confiance auprès des populations. Ibrahim Boubacar Kéita, Soumaïla Cissé, Dioncounda Traoré, Mountaga Tall, Soumana Sacko et bien d’autres figures de proue, ont l’obligation aujourd’hui de se concerter pour « recrédibiliser » la politique dans le sens le plus noble du terme. Si l’un d’eux doit prendre les rênes de la nation en 2012, il doit y arriver sûr du support et de l’accompagnement des autres.
Car, il ne faut pas se leurrer : Au Mali, celui qui sera élu en avril 2012 le sera sur la base de son charisme, de sa capacité financière et du coup de pouce que donnera le pouvoir sortant. Cependant, même élu et bien élu, le choix du peuple risque de se retrouver très vite cerné et débordé par des appareils de parti sans assises réel dans le pays véritable et obnubilés par une course à la richesse et aux prébendes. Ces appareils de parti dissiperont les espoirs placés en élu. Ben Okri, écrivain nigérian, appelait ce phénomène « les cycles de désespoir qui étouffent les cycles d’espoir. »
Si les politiques de 2012 n’arrivent pas à une alliance saine et sincère, alors un autre indépendant raflera la mise. Les exemples se multiplient en Afrique où l’on constate que des candidats sans parti raflent la mise. Yayi Boni a réussi l’exploit au Bénin et son principal challenger cette fois, est Abdoulaye Bio Tchané, un autre indépendant. En Centrafrique, à Madagascar ou en RDC, ce sont des leaders sans appareil qui s’imposent sur la scène publique. On ne peut en déduire un discrédit total de la politique telle que pratiquée sous nos cieux, toutefois, il urge de décrypter le message d’insatisfaction de la population. Ce message comporte une demande sociale : s’occuper des vraies préoccupations des citoyens qui se résument en des améliorations notables dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’emploi et du coût de la vie. Il n’est également pas sain que la pratique de la politique se résume, dans notre pays, à des attitudes aussi insignifiantes que la distribution de thé et sucre à des jeunes désœuvrés.
Certes, rien n’est encore irréversible. Mais les « grosses pointures » de la politique malienne feront mieux de s’intéresser à décrypter le message du nouveau venu, le PDES, un parti qui, pour tout programme se veut simplement héritier d’Amadou Toumani Touré. En attendant de voir les moyens dont dispose Hamed Diane Séméga et ses amis, il n’est pas exclu de penser qu’un « indépendant » surgisse à la dernière minute pour obtenir une « coalition spontanée » de partis et se hisser à Koulouba. Ce sera une tragédie pour les uns, une punition pour les autres et une perte pour les vrais et rares militants, ceux qui gardent la flamme en ayant la conviction que la politique bien pensée et bien faite peut changer le sort de la cité.
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