Fondamentalement, la démocratie permet d’accroître l’implication et la participation des citoyens dans les débats publics et la prise de décisions politiques qui en découlent, tant à l’échelle locale que nationale. Au Mali, les partis politiques ont confisqué tous les espaces de débats sans rien y apporter sevrant ainsi les citoyens d’alternatives crédibles et d’options pour s’affranchir de la pensée unique. Quelle misère ?
L’avènement du multipartisme avait ouvert une nouvelle ère pour les maliens. Sa pratique quotidienne révèle aujourd’hui des insuffisances qu’il faut corriger. La démocratie devient trompeuse dans tous les cas où les populations manquent massivement d’instruction et d’éducation. Elle devient un piège dans les cas où la population dans sa grande majorité subit des conditionnements médiatiques et malhonnêtes qui ne le mettent pas en situation de juger ses propres préoccupations. L’échéance 2007 s’annonce et les partis politiques sont réduits à leur simple expression. Officiellement, un parti politique se définit comme une association de personnes constituée pour une action politique qui consiste en la conquête et à l’exercice du pouvoir dans les conditions définies par la loi. Un parti politique, c’est d’abord et avant tout un regroupement de personnes partageant les mêmes intérêts et qui œuvrent pour la conquête du pouvoir en vue de satisfaire leurs propres intérêts. A ce titre tout parti a mission de former ses militants à la culture démocratique et sur tous les sujets engageant la vie de la nation.
De plus en plus, les mentalités des leaders politiques ont du mal à évoluer, à épouser le rythme et la cadence des aspirations légitimes de leur base. Le fossé se creuse entre la gestion faite des partis et la conception du changement voulu par les militants. Les citoyens qui ont besoin de maîtres pour dispenser des cours à leurs progénitures, du pétrole lampant pour éclairer leur maternité, des céréales à bon prix pour se nourrir. Bref, de boussole pour s’orienter dans cette myriade de problèmes.
Les partis politiques sont de plus en plus compris comme des banques déplacement. Chacun y entre avec ses intentions, ses motivations, ses ambitions, ses projets dont la matérialisation exige intelligence, vigilance, ruse accompagnés de faux jeux déroutants (pour les néophytes). La force d’un parti politique réside dans la personnalité de ses dirigeants en premier lieu. Il n’y existe pas de cadre d’animation politique qui devrait servir à former et à canaliser les militants, à faire circuler et partager les idéaux fondateurs des partis.
Les partis politiques, plus que jamais, font l’objet d’un regard ambivalent, méfiant, voire hostile des populations. Car nos partis sont passés maîtres en faux jeux et même d’anti-jeux contre le peuple. En nouant des alliances déroutantes, des discours lénifiants en total déphasage avec le vécu du citoyen lambda…….
La qualité du spectacle que nous offre aujourd’hui nos partis laisse à désirer. Elle est tout juste piètre, amère à admettre pour le bon sens. Il y’a simplement manque de considération. Sinon comment comprendre que tout soit beau dans un pays où la population se paupérise graduellement. Le dévouement et le sens de l’intérêt général, la sincérité dans les propos et dans les comportements ont quitté nos politiciens. Il est établi que ce sont eux qui prennent les grandes décisions qui engagent la vie de la nation. Or à ce jour, il n’existe aucun moyen de contrôle sur ces politiciens qui sont désignés par leur état-major pour devenir des ministres. Aucune décision n’a de portée nationale que celle de ces « politiciens ministres », alors que la seule règle déontologique qui vaille est le jeu du funambule.
Une des missions fondamentales d’un parti est de s’efforcer d’élever le niveau d’information et de civisme de ses militants, partant du peuple. De ce point de vue, il doit jouer le rôle de médiateur entre le peuple et les décideurs. Il reste qu’au lieu de jouer ce véritable rôle d’animation de la scène publique, les partis politiques sont devenus des instruments entre les mains d’arrivistes et d’ambitieux qui s’adonnent à toutes sortes d’intrigues au sommet de l’Etat. Tout cela pour un gâteau (une place juteuse, quoi !), s’il vous plaît ! Chacun se positionne autour de la table à manger pour mieux profiter du menu du jour. Les projets et les programmes de société sont vite abandonnés au profit de querelles de places. Quel gâchis ! Adieu les vraies préoccupations du peuple orphelin. Ainsi, les partis politiques deviennent des tremplins pour obtenir ou garder des privilèges fonctionnels. Les prébendes servant à maintenir les clubs…pardon les partis. Alors, ils confisquent le débat politique, imposant à l’opinion leurs objectifs aux dépens de ceux du peuple et par là en empêcher l’expression politique libre et spontanée. C’est pourquoi les maliens désapprouvent les mœurs qui ont cours actuellement dans les partis. En tous les cas, les partis politiques doivent comprendre qu’ils constituent des lieux normalisés d’éducation du peuple, au sens noble du terme. Il leur revient donc d’être des éducateurs de l’opinion nationale en assurant une fonction de relais. Encore faut-il qu’ils bannissent la démagogie, l’opportunisme dégradant, la tricherie (surtout intellectuelle), le mensonge. Pour cela, ils doivent nourrir un sens élevé de leurs responsabilités tant vis-à-vis des populations que de l’Etat.
Clubs ou partis ?
On a du mal à distinguer les partis politiques maliens en fonction de leur attachement à une idéologie ou à un courant de pensée. Il n’y a pratiquement pas de parti ayant adopté clairement le nationalisme, le libéralisme, le socialisme ou le communisme comme programme de société; il y a plutôt le parti d’Untel. Une identité qui se confond avec la personnalité des leaders : RPM d’IBK, SADI du Dr. Mariko, CNID de Mountaga Tall, PARENA de Tiébilé Dramé et dans une moindre mesure ADEMA de Dioucounda Traoré, MPR de Choguel Maïga, etc. Il ne semble pas y avoir de grande différence entre les partis politiques, que ce soit par rapport aux idées qu’ils défendent ou à la façon de les exprimer. Rien qu’à observer les débats initiés maintenant par la TV nationale, on constate de fortes similarités qui transforment nos partis manifestement "concurrents" en partis clairement "convergents". Les solutions aux divers problèmes (éducation, santé, emploi, gouvernance, etc.) sont largement prédestinées par des instructions uniformes émanant des élites politiques. Ce qui ne laisse pas de marge de manoeuvre suffisante à la différenciation nationale, à la périphérie décisionnelle. Une forme d’uniformisation des solutions politiques qui cantonne le rôle des partis politiques à une action "prédéfinie" et à une opposition contrôlée. Au Mali, il existe une bureaucratisation outrancière des partis politiques. Cela s’illustre entre autres par le fait que rarement les responsables font peu cas des opinions et aspirations des militants à la base. Parfois le comportement de certains responsables politiques frise le mépris. Sinon comment comprendre le silence des partis face à des accusations graves touchant l’esprit républicain du pays : corruption de l’administration d’Etat, atteinte aux droits humains de particuliers dans l’exercice de leurs fonctions, abus d’autorité, etc. Les militants ont été transformés en clients qui vendent désormais chère leur allégeance au plus offrant : une adhésion circonstancielle et de pure forme.
De tous temps, il est établi que les responsables politiques n’adoptent pas par pure bonté le comportement souhaité par leurs militants. Ils le font très souvent sous la pression. Car l’activité politique est si importante que les citoyens ne devraient pas la laisser entre les mains des seuls acteurs politiques. La démocratie a été enfantée dans la douleur ; elle a connu par moment des convulsions. Si on ne prend pas garde, elle risque de sombrer dans une agonie définitive. Nous sommes tous interpellés.
Comment en sortir ? Si l’on ne fait rien, il ne faut pas exclure que les militants abusés et exploités par l’oligarchie politique, ne finissent par s’ennuyer et se révolter dans le désordre. On connaît le coût humain des révolutions. Il vaut mieux les éviter. La seule issue possible est que tous les responsables politiques qui comprennent notre analyse y adhèrent prestement pour tenter de réaménager la communication au sein des partis, ou plus efficacement et prosaïquement, être en phase avec les préoccupations de la base en remplaçant les « élus-désignés ». On ne peut en effet espérer changer pacifiquement les choses que par l’intermédiaire des partis, et on ne pourra guère changer les mentalités des hommes actuellement à la tête de nos partis.
Cela peut paraître utopique. Mais tout est toujours possible. Les événements les plus extraordinaires peuvent se produire au moment où on ne les attend pas. Lorsqu’ils se produisent, il faut être prêt à les exploiter.
Wassa Sy
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