L’opposition au Mali : forces et limites Les éclairages du Pr Oumar Kanouté (I)

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Pr Oumar Kanoute
Pr Oumar Kanoute

Dans une contribution, reçue par notre rédaction, l’ancien député de la CVI du district de Bamako, Pr Oumar Kanouté a fait une analyse sans détour de l’histoire de l’opposition politique dans notre pays. « L’opposition au Mali : forces et limites » plus qu’une contribution politique est un partage d’expérience sur certaines vicissitudes politiques, restées longtemps sous silence, qui pourra servir de levier pour la législature actuelle afin de doter l’opposition malienne d’un statut digne de ce nom.

           

Depuis 1946 il a existé dans notre pays le pluralisme politique et syndical. Avec l’avènement de l’indépendance, le parti au pouvoir, largement majoritaire va absorber les autres formations politiques existantes et décourager la création de nouvelles, devenant ainsi un parti unique de fait.

 

Après le coup d’Etat du 19 novembre 1968 les partis politiques sont interdits. La Constitution du 2juin 1974 marquera le retour à une vie constitutionnelle normale sous l’égide du parti unique. Les partis d’opposition vont se créer néanmoins et mener leurs activités dans la clandestinité jusqu’au renversement du monopartisme le 26mars 1991 et l’instauration du multipartisme intégral et du pluralisme démocratique.

 

La Constitution du 25 février 1992 instaure un régime de type semi-présidentiel  appelé aussi parlementarisme amélioré.  Ce régime fait du respect des droits de l’opposition une exigence.

 

Au Mali le statut de l’opposition est aménagé de façon implicite à travers les principaux instruments juridiques : Constitution, Loi électorale, Charte des partis, Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, Code pénal,  Loi sur les instances de régulation des médias, entre autres. Il entre dans le droit positif avec la loi 95-073 du 15 septembre 1995 abrogée et remplacée par la loi 00-047 du 13 juillet 2000 portant Statut des partis politiques de l’opposition en République du Mali. Cette loi stipule que « l’opposition constitue un élément essentiel de la démocratie pluraliste. A cet effet elle est politiquement reconnue, juridiquement protégée et a, en conséquence des droits et des devoirs. » (art.3) Ce statut juridique donne à l’opposition, dans un cadre démocratique, les moyens et les responsabilités devant lui permettre «de suivre l’action gouvernementale, de la critiquer de façon objective et constructive dans le sens du renforcement de l’idéal démocratique et du progrès»(art.5), le but visé étant de « contenir le débat politique dans les limites de la légalité et d’assurer l’alternance pacifique au pouvoir»( art.1)..

 

            « Il est reconnu à tout parti ou coalition de partis politiques le droit à l’opposition. Ce droit s’exerce aussi bien au sein qu’en dehors du parlement » (art.4).

 

Mais avant tout qu’est ce que l’opposition ?

Dans la loi susvisée « on entend par opposition un ou plusieurs partis représentés ou non à l’Assemblée nationale, distincts du pouvoir ou de la coalition de partis politiques qui soutiennent l’action gouvernementale » (art.2).

 

Ainsi l’opposition peut être parlementaire et extraparlementaire.

Nous allons voir quels sont les instruments dont l’opposition a été dotée, savoir si elle les a effectivement utilisés et s’ils lui ont permis d’exercer pleinement son rôle, de garantir ses droits et de favoriser les conditions d’une possibilité d’alternance.

 

Voyons d’abord quels sont les instruments du contrôle parlementaire

La véritable nature démocratique d’un parlement se mesure à la place qu’il accorde à l’opposition dans l’exercice de ses pouvoirs, à l’espace et aux moyens qui lui sont attribués pour dénoncer, s’opposer et proposer éventuellement des politiques alternatives.

 

L’opposition participe à la fonction législative, à la fonction du contrôle de l’action gouvernementale et au fonctionnement de l’Assemblée nationale elle-même.

 

Dans le cadre de la fonction législative les députés de l’opposition, à titre individuel, disposent de l’initiative législative qui les autorise à déposer des propositions de loi et des amendements aux projets et propositions de loi. Dans les débats, ils disposent de moyens pour interrompre ou retarder le débat.

 

Dans le cadre de la fonction de contrôle du gouvernement, l’opposition partage avec la majorité l’usage des moyens de contrôle à la disposition du parlement : le contrôle informatif avec  les questions écrites, les questions orales, les questions d’actualité et les interpellations du gouvernement, les missions de renseignements, les commissions d’enquête ; le contrôle-sanction avec la motion de censure, la saisine de la Cour constitutionnelle.

 

Dans le cadre de l’organisation de l’Assemblée nationale, elle participe aux structures de l’Assemblée et à son fonctionnement ; pour la composition du Bureau, l’élection des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires parlementaires a lieu en s’efforçant de reproduire au sein du Bureau, la configuration politique de l’Assemblée nationale.(art.12 al 3 RI).

 

L’opposition participe aux délégations représentant l’Assemblée nationale dans diverses assemblées régionales, sous-régionales et internationales.

 

L’opposition dispose donc de beaucoup d’instruments pour contenir le débat politique dans les limites de la légalité. Ces instruments lui permettent de faire entendre sa voix à l’opinion, d’exposer ses divergences. Ils ne peuvent pas infléchir la politique gouvernementale à cause du fait majoritaire.

 

De 1992 à aujourd’hui nous avons connu quatre législatures. La cinquième vient de démarrer. Nous allons voir comment l’opposition a évolué,  quelles ont été ses relations avec la majorité, quelles difficultés elle a rencontrées.

 

            Première législature : 1992-1997

Les élections ont vu la domination de l’ADEMA-PASJ. Le parti a obtenu la majorité absolue aux législatives avec 76 députés sur 116. Son candidat a été élu Président de la République. Il a signé avec certains partis un pacte républicain pour une gestion concertée des Institutions : les PSPR.

 

Le challenger Tiéoulé Mamadou Konaté, pour faire face à l’hégémonie de l’ADEMA va constituer le FSD ( Front pour la Sauvegarde de la Démocratie). Ce regroupement était apparu au départ comme l’opposition de droite contre le pouvoir de gauche mais cette classification idéologique des partis politiques maliens  ne prospérera pas. Avec l’entrée  du CNID et du RDP au gouvernement sonne le glas du FSD. Les partis de l’opposition évolueront dès lors en ordre dispersé.  Ils finiront par se retrouver dans regroupements hétéroclites, à l’approche des échéances électorales  pour mieux faire face au parti dominant qui usait du fait majoritaire pour les étouffer.

 

Le RFP, Rassemblement des Forces Patriotiques voit le jour le 17octobre 1996. En sont membres : le BDIA, le PDP, le PMDR, l’UDD, l’UFDP, le CNID, le MPR.

 

L’UDD quittera pour l’autre regroupement de l’opposition, le FCD, Front pour le Changement et la Démocratie créé le 12 décembre 1996 par le MIRIA, l’US-RDA, le RDP, le PRDT, le PMPS.

 

Ces partis s’opposaient à la majorité autour de trois points essentiels : la révision des listes électorales, la relecture de la loi électorale avec la création de la CENI, le mode de scrutin.

 

Le premier grand duel entre la majorité et l’opposition porte sur la révision du Code électoral En décembre 1994, le ministre de l’Administration territoriale demande aux partis politiques de lui faire parvenir leurs observations sur le Code. Cette formule est rejetée. Les partis politiques de l’opposition préconisent plutôt un cadre de discussion entre toutes les sensibilités politiques. En février 1995 ils écrivent au ministre de l’Administration territoriale qui leur répond qu’« il ne lui paraît pas opportun, en sus des consultations domiciliaires, d’engager un débat politique en dehors du cénacle consacré par notre Constitution.»

 

Le  projet de loi est  soumis à l’Assemblée nationale et est adopté par les seuls députés de la majorité. Les députés de l’opposition parlementaire (BDIA, CNID-FYT, MIRIA, PDP, PMDR, PSP, RDP, UDD, UFDP, US-RDA)  saisissent la Cour constitutionnelle qui en censure certaines dispositions par Arrêt 96-009 du 25octobre 1996. Un nouveau projet plus consensuel sera adopté le 14janvier 1997.

 

Le RFP dépose une motion de censure le 25février 1997 pour sanctionner le gouvernement pour l’insuffisance de préparation qui ne permet pas d’organiser des élections transparentes et crédibles dans un délai aussi court. Naturellement la motion est rejetée.

 

Le 3mars 1997, le Président de la République dissout l’Assemblée nationale et fixe au 13avril le 1er  tour des législatives. Le RFP introduit deux recours devant la Cour constitutionnelle pour demander l’invalidation du décret de convocation. Le 1er porte sur le choix de la date du scrutin, le second sur l’absence de révision annuelle des listes électorales.

 

Le 13avril sera un véritable fiasco électoral dont les conséquences vont sérieusement ébranler l’édifice de la jeune démocratie malienne.

 

Dans une déclaration rendue publique le 14avril 1997, l’opposition demande la démission du gouvernement, la dissolution de la CENI, la non-reconnaissance des résultats du scrutin, la suspension du processus électoral jusqu’à la réunion des conditions pour la tenue d’élections régulières, transparentes et crédibles. Elle retire ses représentants de la CENI, se regroupe au sein du COPPO, Collectif des Partis Politiques de l’Opposition.

 

En sont membres : BDIA, CNID, FN, MIRIA, MORENA, MPR, PARI, PEI, PLM, PMDR, PMPS, PRDT, PSP, RDP, RDT, UFDP, US-RDA, SADI.

Le COPPO annonce l’organisation d’une marche pacifique suivie d’un meeting pour le 16avril. Le gouvernement prend le 15avril  la décision d’interdire toute manifestation sur la voie publique jusqu’à nouvel ordre. Il  maintient son mot d’ordre, la manifestation est violemment réprimée.

 

Le 25avril la Cour constitutionnelle annule le scrutin du 13avril 1997.

Le COPPO conteste la légitimité de la poursuite du processus électoral, se retire de la compétition et annonce qu’il ne reconnaitra pas les résultats des élections ainsi que les Institutions qui en seront issues.

Le processus se poursuivra cependant avec l’élection du Président de la République le 11mai et les législatives (20juillet et 3août 1997)

 

 

            Deuxième législature : 1997-2002

L’élection présidentielle a opposé Alpha Oumar Konaré à Mamadou Maribatourou Diaby après le retrait de huit candidats : Seydou Badian Kouyaté, Abdoul Wahab Berthé, Choguel K. Maïga, Mountaga Tall, Almamy Sylla, Mamadou Lamine Traoré, Soumana Sacko, Drissa Traoré.

Alpha est élu au 1er tour avec 84,30% contre 3,67% pour son challenger. Le taux de participation a été de 28,28%.

 

Les élections législatives  ont consacré la victoire de l’ADEMA qui a eu 128 députés sur 147 ;

Le PARENA, mouvance présidentielle obtient 8députés ;

Le groupe CDS-PDJ 5députés ;

 

Le groupe COPP-RND-UDD-PDR, opposition parlementaire totalise 6députés.

Ainsi la majorité présidentielle compte 141 députés soit 96,53% contre 3,4% pour l’opposition.

 

Cette opposition était cependant membre à part entière du gouvernement en dépit des dispositions de la loi portant Statut de l’Opposition qui stipule : « Toutefois, tout parti politique appartenant à l’opposition peut participer à la formation du gouvernement ou soutenir l’action gouvernementale. Dans ce cas, il perd d’office sa qualité de parti de l’opposition » (art.5).

 

            Le tableau présenté par l’opposition n’était pas des plus reluisants.

D’un côté, une opposition parlementaire composée de partis lilliputiens qui ne sont là que par la magnanimité du parti au pouvoir qui a bien voulu les porter sur ses listes. (Ce qui fait dire au Secrétaire général de l’ADEMA : « Sentant après les élections du 13avril qu’il y avait toutes les chances d’avoir à l’Assemblée nationale presque les 100%des députés et face au boycott de l’opposition radicale, l’ADEMA décide de proposer à tous les partis ayant décidé d’aller aux élections de faire des listes communes dans les circonscriptions où elles sont représentées de manière significative en terme d’électorat ») ;

 

De l’autre, les partis de l’opposition les plus représentatifs poussés dans la sphère extraparlementaire.

 

Pour autant le COPPO ne baissera pas les bras. Puisqu’il n’est pas à l’hémicycle, il va utiliser d’autres méthodes de contestation. Il va élaborer une plateforme d’action et annonce qu’jl organisera des marches pacifiques, des meetings d’information, des conférences de presse…

 

La tension est très vive. Pour le pouvoir il faut éviter coûte que coûte le vide institutionnel même  si pour cela, le droit électoral doit être violé. Pour l’opposition tenir les élections dans les conditions d’impréparation manifestes  n’était ni plus ni moins qu’un coup de force contre la forme républicaine de l’Etat. Il déclenche la désobéissance civile en visant l’article 121 de la Constitution.

 

Un climat de violence s’installe. Les manifestations se multiplient à travers la République, les répressions aussi. On enregistre des blessés et des morts. Le 10août 1997, lors d’un meeting un policier est lynché. Les principaux responsables du COPPO sont arrêtés et mis en examen.

 

Cette violence ne résorbe pas la crise. Le COPPO continue à dénier toute légitimité au Président qu’il continue d’appeler « Monsieur Alpha » jusqu’à la démission du gouvernement.

 

Le nouveau gouvernement acceptera de créer les conditions d’une bonne préparation des élections avec la mise en place d’un cadre de concertation des partis politiques. Auparavant la médiation de la société civile, à travers CRI-2002, avait permis de renouer le dialogue entre différents protagonistes qui a abouti à la tenue de la Table ronde de la Classe politique de la République du Mali au Palais des Congrès (actuel CICB) les 19, 21 et 22janvier 2001. Ce forum  adoptera une Déclaration sur la décrispation politique et élaborera un Pacte républicain de bonne conduite électorale en vue des échéances de 2002.

 

            Troisième législature : 2002-2007

A l’approche des échéances le COPPO disparait.  La mouvance présidentielle enregistre le départ du PARENA. La crise interne au sein du parti majoritaire conduit à la démission  du président du parti qui finira par créer son propre parti, le RPM, parti d’opposition.

 

Au 1er tour de la Présidentielle, les partis du COPPO se retrouvent dans l’ACC qui soutient ATT et dans Espoir 2002 une coalition électorale  dirigée par le président du RPM.

 

La 3è législature consacre une démocratie consensuelle atypique caractérisée par l’absence d’opposition déclarée à l’Assemblée nationale. En fait un seul parti s’est déclaré de l’opposition mais il n’était pas au parlement. C’est le BARA.

 

La démocratie consensuelle s’est imposée à la classe politique. Un président sans parti a été élu avec le soutien des partis. Le parti du challenger n’est pas allé dans l’opposition. Le challenger créera plus tard son propre parti qui lui aussi décide de soutenir l’action gouvernementale.

 

On a voulu codifier le système consensuel comme une alternative au système majoritaire au lieu de n’y voir qu’une solution d’opportunité forcément limitée dans le temps. Le consensus suppose la présence de forces antagoniques qui au lieu de s’affronter, se font des concessions pour cheminer ensemble pour une raison donnée, pendant un temps donné.

 

Dans le cas du Mali, il fallait plutôt parler d’unanimisme.  Au fur et à mesure que  l’on s’approchait de la fin du mandat, ‘’ le bel édifice’’ commença à se fissurer.

 

            Quatrième législature : 2007-2013

En 2007 ATT est réélu dés le 1er tour avec 71,20, soutenu par l’ADP, une coalition de 12 partis parmi les plus représentatifs sur l’échiquier politique national :

 

En face de lui il y avait une opposition déclarée, le FDR. A l’Assemblée, l’opposition est composée du groupe RPM et du groupe PARENA-SADI qui totalisent 19 députés sur 147.

 

Mais là aussi le RPM et le PARENA finiront par rejoindre le gouvernement laissant au seul parti SADI de rester conforme à l’esprit et la lettre du principe. La démocratie consensuelle a décidément la vie dure.

 

            Cinquième législature : 2013-2017

Une nouvelle législature commence avec cette fois-ci  une majorité confortable et une opposition résolue.

 

Le groupe parlementaire  de l’opposition c’est le VRD composé de l’URD, du PARENA et du PRVM. Il compte une vingtaine de  députés.

 

En pareil cas, le parti dominant résiste difficilement à la tentation d’abuser du fait majoritaire.

 

S’il est vrai que comparaison n’est pas raison, il est cependant constant que les mêmes causes produisent  presque toujours les mêmes effets. La sagesse commande de ce fait que le passé soit revisité pour que la même  situation ne soit pas revécue.

 

Il y a beaucoup de similitudes avec la 1ère législature.  Des élections sont organisées après une transition. Un parti dominant se détache. Il  se trouve être le parti du Président de la République.

 

En  1992, malgré la majorité absolue par son parti aux législatives, le Président de la  République avait voulu partager avec d’autres, la gestion des Institutions. Ce sont les partis signataires du Pacte républicain, les PSPR. Il fera même appel à des partis qui n’ont pas signé le pacte.

En 2013, les partis membres de la majorité parlementaire ont signé un contrat de législature aux fins de constituer une majorité politique et parlementaire forte et stable autour du Président de la République et du Premier ministre, Chef du gouvernement.

 

En 1992, les difficultés sont nées de la volonté d’asseoir la primauté du parti sur l’Etat.  Ceci a conduit à la détérioration du climat politique et à brouiller les relations avec les alliés.  Pour les PSPR, l’ADEMA voulait tout accaparer et affichait  une attitude de mépris vis-à-vis des partis  alliés. L’ADEMA pensait quant à elle, avoir fait trop de concessions alors même qu’elle disposait de la majorité absolue.

 

L’ADEMA, au cours de sa première Conférence nationale tenue en juillet 1993, affiche clairement sa volonté hégémonique. Dans sa résolution, la Conférence arrête que le Premier ministre doit être choisi au sein du parti, nommé sur proposition du Comité exécutif, qu’il doit être en contact permanent avec la direction du parti, participer aux activités politiques du Comité exécutif et informer celui-ci du point d’exécution du programme de  gouvernement… Le Premier ministre et les ministres ADEMA feront périodiquement au Comité exécutif un compte rendu de leurs activités.

 

En voulant dominer toutes les Institutions, contrôler les pouvoirs et les contrepouvoirs, l’ADEMA a révélé au grand jour ses réflexes d’Etat-parti.

 

Dans le même temps, cause ou corollaire de cet état de fait, les partis de l’opposition eux aussi,  n’ont pas toujours eu un comportement républicain. Se sentant étouffés et écrasés, n’entrevoyant aucune possibilité d’alternance, certains d’entre eux ont nourri le dessein inavoué d’empêcher le parti au pouvoir d’arriver au terme de son mandat.

 

Sommes-nous aujourd’hui à l’abri d’une possible dérive ?

Assurément. A condition toutefois que les dispositions soient prises pour endiguer toute velléité hégémonique. Ce travail incombe aux responsables du parti majoritaire et de ses alliés ainsi qu’à la société civile.

En ce qui concerne le parlement, Le respect des droits de l’opposition est clairement  affiché par les députés.

 

L’opposition  est représentée au sein du Bureau par un vice-président et un secrétaire parlementaire.

 

Les notions de majorité et d’opposition n’apparaissaient pas dans les Règlements intérieurs de l’Assemblée nationale. Dans le Règlement intérieur de cette cinquième législature adopté le 05 février 2014, l’opposition est mentionnée pour la première fois.

 

Dans l’article 28 il est dit explicitement que « l’Assemblée nationale peut constituer des commissions spéciales d’enquête. La fonction de président ou de rapporteur desdites commissions revient de droit à l’opposition».  

 

Il en est de même de la Commission de contrôle composée de quinze membres « dont le président est issu de l’opposition.» (art.36).

 

Ceci est à  de bons augures. On peut aller plus loin en envisageant, dans la perspective d’une révision constitutionnelle, de faire figurer dans la Constitution les dispositions de l’article 3 de la loi portant statut des partis politiques de l’opposition : « Elle constitue un élément essentiel de la démocratie pluraliste. A cet effet, elle est politiquement reconnue, juridiquement protégée et a  en conséquence des droits et des devoirs».

 

Le renforcement de l’opposition est partie intégrante du processus global de consolidation de la démocratie. A cet effet les propositions pertinentes de la Mission de Réflexion sur la Consolidation de la Démocratie au Mali  relatives au sujet peuvent être retenues. A savoir :

 

-compléter le Statut de l’opposition par un chapitre consacré au chef de l’opposition ;

 

-accorder le même temps de parole à la majorité et à l’opposition lors des séances consacrées aux questions aux membres du gouvernement ;

 

-organiser un meilleur accès de l’opposition aux médias publics en veillant à l’expression plurielle des courants de pensée et d’opinion au niveau de l’audiovisuel ; (pour rappel, il s’agit d’appliquer pour le temps d’antenne réservé à la politique, la règle des 3/3 qui donne 1/3 pour le gouvernement, 1/3 à la majorité , 1/3 à l’opposition ;

 

-bien préparer les élections en organisant mieux le droit de suffrage et en en sécurisant l’attribution par la mise en place d’une administration pérenne de gestion des élections ;

 

-abandonner le scrutin de listes pour l’élection des députés au profit de scrutin mixte combinant le scrutin uninominal et la représentation proportionnelle ;

 

-prendre des mesures pour fidéliser les élus et marquer le caractère immoral du nomadisme politique.

 

Le renforcement de l’opposition incombe à l’opposition elle-même qui se doit de cultiver l’esprit républicain et le respect de la règle de la majorité.

Il dépend aussi du comportement de la majorité qui doit comprendre qu’il n’est pas bon de jeter de la poussière dans les yeux de tous ses compagnons de jeu et qui doit toujours se dire que si l’ami ne te dit pas la vérité, paie ton ennemi pour qu’il te la dise.

 

La démocratie c’est incontestablement la loi de la majorité mais l’usage tyrannique du fait majoritaire conduit infailliblement à la gestion solitaire, un déni de démocratie.

 
                                                                                                             Pr.  Oumar KANOUTE

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