Observatoire des politiques publiques : Paris peut-il faire marcher Bamako à coup de menton ?

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Peut-on contenir cette poussée d’indignation qu’on entend sur les radios étrangères ? Avec le rapport de l’ONG humanitaire, les divers recoupements qui sont distillés au compte-goutte sur le comportement de nos soldats au front, la charge deviendra-t-elle plus lourde si les autorités nationales continuent d’en parler à minima ?

Après deux mois d’opérations militaires, on gagne en souci.  Y aura-t-il de l’eau dans le gaz, ou bien les relations entre Bamako et Paris vont-elles s’affadirent ? Le problème est que l’affaire des exactions, comme on dit, commisses par nos troupes au Nord indispose. Nos deux capitales sont embarrassées, pour ne pas dire fragilisées. On ne se trompe plus sur les accents fabusiens du ministre des Affaires étrangères de la France qui bourdonnent dans nos oreilles. Paris redeviendrait-il sonore dans l’affaire ? Les leçons, ça suffit !  Il y a que chacun doit faire son travail car c’est une affaire qui n’est pas aisée. Depuis sa réinstallation et l’appel lancé à François Hollande pour l’intervention militaire,  Koulouba est contraint  de devoir sans cesse faire la preuve de relation apaisée et constructive avec sa hiérarchie militaire. Qui pourra nous dessiner les contours de nouvelles obédiences autours du Président Dioncounda Traoré ? Nos amis français sont ainsi faits. Dès qu’ils mènent une guerre quelque part, ils sont comme ces médicaments de pharmacie : il ne suffit pas qu’ils agissent, il faut qu’on sente déjà que ça va mieux…

Si le gouvernement lutte contre les exactions de ses soldats, il perd peut-être une image de la guerre , mais s’il ne lutte pas, il perd le pays (son contrôle).

Le développement d’une expertise en pleine campagne militaire est un vrai enjeu. Bamako ne devra pas baisser la garde. De quelles marges de manœuvre dispose le gouvernement ? Ce n’est pas un secret : cela s’appelle les discussions de tours de table, la négociation. De façon générale, le gouvernement peut opérer une reprisse en main si Bamako et Paris venaient à témoigner d’un désaccord sur cette conduite à tenir dans la guerre. Si cela advenait, c’est que nos deux capitales tiennent particulièrement toutes les deux à tel ou tel amendement pris, à telle virgule ou à telle ou telle mesure corrective à apporter. Voilà, c’est de cela que Maliens et Français pourront parler. L’indignation sélective qu’on apprend de la bouche des plus hautes autorités du pays est traduisible.  Si le faible fait parler son intransigeance, on sait jusqu’où il peut aller dans ses propos. C’est parce que les Maliens apprécient à sa juste valeur cette force de secours qui nous a été apportée qu’ils s’en tiennent là. Mais disons que la responsabilité des autorités pourrait aussi s’apprécier autrement quand on fera jouer l’Etat d’urgence. Nos soldats ont déboulé dans le Gourma dans un environnement social décomposé par l’effrayante série de ratages opérés par les anciens maîtres du terrain (les troupes jihadistes). C’est un ensemble qui a pu préparer (et non pas excuser) un terrain favorable à l’étalement de rancœurs de la soldatesque. Les nôtres ne sont pas rentrés sur ces terres comme nous le présentait l’histoire de la conquête de la Chine par les troupes communistes de Mao. Un journaliste français, Robert Guillau (voir «Le Monde» daté de mai 1983) nous rappelle que lorsque ces soldats pénétrèrent à Shanghai en mai 1949 (4 mois avant la proclamation de l’indépendance), ils se comportèrent comme des «Martiens à Shanghai». Ils sont arrivés là, silencieux, des soldats qui ne pillaient pas, ne volaient pas, ne violaient pas, ni aucune brimade…Ils se glissaient dans les rues, parmi les populations, sans rien déranger…Les choses changèrent bien entendu plus tard avec le nouveau pouvoir communiste. En diplomatie, on dit que si l’on n’arrive pas à convaincre ses amis, il n’est pas indécent d’essayer de convaincre ses adversaires habituels. Paris va devoir tenir compte de son thermomètre, des humeurs de ses populations là-bas en métropole. Nous, nous avons droit à un timing particulièrement opportun et l’invective de jeter un pavé des droits de l’homme devrait dégager une piste.

S. Koné

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