Le Président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, non moins Président du Rassemblement Pour la Mali (RPM) avec 70 députés à l’Assemblée, vient de nommer Moussa Mara, un de ses concurrent farouche lors du premier tour de l’élection présidentielle, sans même consulter les membres du bureau de son parti. Il a surpris ses partisans du RPM qui ont estimé qu’il s’agit ni plus ni moins qu’un manque de considération envers ceux-là qui ont souffert pendant des années avec lui, qui l’ont choisi comme leur candidat à la présidentielle et qui l’ont soutenu. N’a-t-il pas tiré dans le dos des membres de son parti ? Cela, en tout cas, a provoqué un émoi chez les cadres du parti qui malgré des dents serrées, ont pris acte de cette nomination et ont décidé quand même de l’accompagner.
La démocratie est en mal au Mali. Jamais dans une démocratie un parti majoritaire ne refuse de s’assumer. En 1992, le Premier ministre d’Alpha Omar Konaré, monsieur Younoussi Touré était Adema même s’il n’était pas du comité exécutif. Monsieur Sékou Sow qui a succédé à monsieur Touré était aussi Adema. Malgré l’appartenance de ces deux au parti Adema, les militants du parti ont exigé un membre du CE au poste de Premier ministre. Ce fut alors l’arrivée d’Ibrahim Boubacar Keïta qui était un des conseillers à la Présidence.
Le parcours atypique d’un homme à la tête de l’Etat
Six ans durant à la Primature, Président du parti, ce fut la stabilité dans le pays parce qu’il y a eu stabilité dans le parti. La venue d’IBK à la tête de l’Adema n’a échappé à personne. Il s’exprima ainsi lors du congrès de l’Adema « je ne travaillerais pas avec des gens qui tirent dans mon dos ». La suite est connue : le clan dit CMDT est chassé du CE Adema. La politique n’étant pas une science exacte, ses adversaires organisent la contre attaque. Un congrès extraordinaire est organisé où IBK lâche prise. Au CICB, il prononce un discours mémorable en disant que « sa tête est mis à prix ». IBK abandonne le bateau Adema et s’envole vers le Gabon et d’autres pays ensuite. Issa N’diaye, Téréta, Bakary Konimba pour ne citer que ceux-là Façonnent le RPM, d’abord sous l’appellation d’Espoir 2002 et lui font appel. L’homme s’exprimerait en ces termes « ne me faites pas monter sur l’arbre, pour ensuite couper le tronc… ». Il sera rassuré par les siens. Mais au premier congrès du RPM, l’un des concepteurs du Parti RPM, Issa N’diaye va abandonner ses camarades à cause de divergences de vues.
Le RPM fait sa mue et présentera IBK comme candidat à la présidentielle de 2002. Après son échec contre Amadou Toumani Touré et considéré par les uns comme une victime expiatoire, IBK va soutenir Amadou Touré au 2ème tour contre Soumaïla Cissé, à la surprise de ce dernier qui a considéré cet acte comme un retournement de veste. Amadou Toumani Touré, sans parti politique, va choisir IBK comme président de l’Assemblée Nationale. La lune de miel va durer jusqu’en 2007 où le RPM sera véritablement mis à rude épreuve. Selon un membre influent du parti ces rudes épreuves doivent servir de leçons au Président IBK. « L’on ne reconnaît ses meilleurs amis qu’aux moments les plus difficiles », nous-a-t-il dit. Selon notre interlocuteur, c’est Mara qui a invité les maliens à « ne pas voter pour un candidat vieux, sinon l’argent du pays sera utilisé pour ne payer que des ordonnances ». Pour cela seulement Mara ne doit pas être le Premier ministre avec ce pouvoir du RPM a-t-il renchérit. Pour cet autre cadre si IBK a oublié nous autres nous ne sommes pas prêts à oublier de ce que Mara a fait au RPM et cela surtout aux municipales.
Mara, un intrus à la Primature, un coup de poignard dans le dos du RPM
Un parcours atypique. Une décision atypique d’IBK. Nombreux sont les observateurs de la scène politique qui sont abasourdis. Comment comprendre qu’un parti majoritaire avec à la clé plus de 70 députés, n’ait pas la capacité de choisir en son sein un cadre pour le poste de Premier ministre ? Dans les « grins », les salons, l’on s’amuse à dire qu’il n’y a pas de cadre au RPM. Ceci explique-t-il cela ? Question : le parti RPM peut-il donc sortir le pays de cette situation ? Résoudre la crise du nord, relancer l’économie ? En tout cas le choix de Moussa Mara est un désaveu cinglant pour le RPM. Ils sont véritablement fâchés la plupart des membres du bureau et pensent que le Président est manipulé par ses conseillers. Ce choix en tout cas a démontré qu’IBK n’avait rien de commun avec ses camarades du RPM. Il donne raison à ses détracteurs quand ceux-ci ont dit qu’il n’a pas de programme. Si les slogans comme « le Mali d’abord », « pour votre honneur et pour votre dignité » ont été des facteurs mobilisateurs des électeurs en un moment de la crise où les populations voyaient en lui le sauveur, aujourd’hui face à la réalité du pouvoir, l’homme semble chercher ses marques. Six mois d’inertie dans l’action gouvernementale, où il a manqué de visibilité et de lisibilité. Moussa Mara saura-t-il orienter la boussole ? En tout cas le parti Yéléma a un programme clair que l’actuel locataire de la Primature n’a cessé de venter et s’était même donné le temps d’expliquer et de détailler à la presse tout au long de la période de la précampagne chaque vendredi avant la chute du Président ATT. Va-t-il clarifier les choses avec les cadres du RPM ? Ceci permettra à chacun de savoir là où on va, surtout que la majorité de l’Assemblée Nationale est tenue par le RPM. Ceci permettra également aux membres du Gouvernement d’éviter « l’improvisation et du sur place ».
Fakara Faïnké