Depuis le ralliement de quatre députés RPM à I’ADP-Maliba, parti ayant quitté de fraîche date la majorité présidentielle, le phénomène de la transhumance politique est au centre de toutes les discussions, faisant les choux gras des média et devenant soudainement le sujet fétiche de tous les analystes et commentateurs de la scène politique malienne.
Si l’on ajoute à ce regain d’intérêt des médias pour le sujet, les déclarations récentes du Président du Groupe parlementaire du RPM traitant quasiment les députés partants de vulgaires «vendus», l’on perçoit aisément les enjeux de pouvoir qui se profilent derrière cette énième manifestation du phénomène. Tout porte à croire en effet qu’un processus de fragilisation de la majorité présidentielle et parlementaire formée à l’issue des élections présidentielles et législatives de 2013 s’est déclenché.
Favorisé par l’exacerbation des conflits internes à la coalition politique soutenant l’action du Président et par les divisions internes au RPM, ce processus inquiète d’autant plus fortement qu’il se nourrit des insatisfactions et des frustrations nées depuis trois ans d’un exercice du pouvoir faussé dès le départ par l’ampleur du plébiscite qui a porté le Président IBK à la magistrature suprême.
Ce facteur, qui a fait dire au nouveau président élu qu’il ne doit sa victoire à personne si ce n’est Dieu, n’a pas favorisé l’institutionnalisation de mécanismes adéquats de consultation des partenaires du RPM et la prise en compte subséquente de leurs intérêts.
Pour autant, l’électrochoc provoqué par la « trahison » des quatre parlementaires du parti au pouvoir pour l’ADP – Maliba ne doit pas faire perdre de vue un fait massif : le phénomène de la transhumance politique n’est ni nouveau ni surprenant sur l’échiquier politique malien.
Au plan parlementaire stricto sensu comme c’est actuellement le cas des déserteurs du RPM, toutes les législatures ont été caractérisées, depuis l’avènement de la démocratie en 1991, par les départs intempestifs de députés élus sous les couleurs d’un part politique pour le camp adverse.
La législature en cours a, quant à elle, battu tous les records, avec le retournement de veste de la quasi – totalité des députés du parti Fare de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, partis pour des cieux plus cléments au tout début de leur mandat de parlementaires, le tout sans aucune justification crédible. Notons au passage, que l’URD, principal parti d’opposition, vient de perdre également un député au profit de I’ADP- Maliba.
On pourrait égrener à longueur de pages la longue liste des représentants du peuple, élus grâce aux moyens déployés par un parti politique et à son attractivité, mais débarquant avec armes et bagages, et sans état d’âme particulier, chez l’adversaire. Sous la législature 2007- 2012, le Parti Sadi du Dr Oumar Mariko a vécu cette situation dramatique, sa représentation parlementaire ayant été réduite à sa plus simple expression alors qu’il avait réussi à faire élire cinq députés à l’issue des élections législatives !
Au-delà de l’hémicycle, l’on assiste au Mali à un véritable yoyo, marqué par d’incessants va et vient des militants et leaders politiques entre plusieurs formations politiques. Au sein de la classe politique, l’on s’en réjouit, et parfois bruyamment, quand le nomadisme permet de renforcer son propre camp, et l’on condamne quand l’on en fait les frais. Autant dire qu’il n’y a pas, eu d’emboucher les trompettes de ceux qui tentent aujourd’hui de diaboliser les «transhumants du RPM».
Doit on pour autant accepter comme une fatalité le véritable fléau qu’est la transhumance politique en Afrique en général et au Mali en particulier ou la cautionner ?
Pour notre part, la réponse est évidente : c’est non ! Le nomadisme politique, quelle qu’en soit la forme, est aux antipodes de la démocratie dont il sape les fondements, notamment en ce qu’il procède d’un détournement du vote exprimé par les électeurs et en ce qu’il fait le lit de la corruption sur le champ politique. Dès lors, la seule question qui vaille est celle de savoir comment maitriser le fléau, à défaut de pouvoir l’éradiquer, en faisant en sorte qu’au moins au niveau institutionnel prévale un minimum de prévisibilité et de stabilité quant à la configuration des forces politiques.
Nul n’a en effet intérêt à ce que la situation actuelle perdure car la première victime n’est autre que le modèle démocratique que les Maliens se sont donné au terme de très lourds sacrifices. Celui – ci se trouve en effet dans un piteux état, pris qu’il est en otage par des hommes politiques sans scrupules, obnubilés par des intérêts trop souvent personnels et oublieux des idéaux et principes fondateurs de la démocratie.
Au moment où la désaffection des citoyens envers les appareils partisans est à son comble, avec des taux de participation aux élections exceptionnellement bas, un sursaut national s’impose pour redonner de la crédibilité à la politique. Il urge d’apporter une réponse efficace au nomadisme politique dans notre pays. Légiférer, en encadrant rigoureusement les conditions de démission des élus, apparaît comme le dernier moyen pour éviter le naufrage collectif qui s’annonce.
L’entreprise n’est pas de tout repos et pourrait provoquer une véritable levée de boucliers au sein de la classe politique au motif que le député ne peut se voir imposer un mandat impératif ou encore au prétexte que tout élu reste avant tout un citoyen libre d’adhérer au parti de son choix et de le quitter. Mais aussi respectables soient-ils les droits et libertés ainsi affirmés peuvent-ils justifier le détournement, souvent frauduleux du reste, des suffrages exprimés par le peuple souverain qui, en élisant des députés ou conseillers communaux, a du même coup exprimé sa confiance en des formations politiques déterminées ?
Il n’est pas inutile de rappeler à cet égard que le nomadisme politique est en contradiction totale avec la Constitution du 25 février 1992 dont l’article 28 consacre le rôle primordial des partis politiques dans l’expression du suffrage universel et dans la sélection du personnel politique en des termes limpides :
«Les partis concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent librement leurs activités dans les conditions déterminées par la loi. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, de l’intégrité du territoire, de l’unité nationale et la laïcité de l’Etat».
Maître Mamadou CAMARA, Avocat à la Cour
NB : Les titre et surtitre sont de la rédaction
Quelle est la différence entre L’UNANiMISME politique et le NOMADISME politique au Mali , quel est le dénominateur commun
Lol,
Changer d’idees envers un parti de politicards pour un autre n’est pas en temps tel un probleme.
Mais dans le cas de nos politicards requins, crocodiles, coyotes, loups, vautours, anacondas et vampires maliens s’en est tout autre. Looolllll.
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