Quelle cause nouvelle a provoqué la séparation désormais effective des deux hommes ? Les deux parties ont parlé à votre journal.
Les partants, qui reprochaient à Maître Tall d’avoir "unilatéralement suspendu" Ndiaye Ba et Awa Touré en 2008 et qui avaient, à leur tour, suspendu le président du parti, s’étaient réconciliés avec lui à la faveur d’une médiation de la section de Kayes. Réconciliation de façade qui n’avait pas réussi à dissiper le climat de tension et de suspicion ambiante. C’est ainsi que Ndiaye Ba et autres se sont mis à compter les griefs contre leur adversaire. Ils lui reprochent, à titre de fautes nouvelles, plusieurs faits."Maître Tall, rapportent-ils, a récemment réuni les maires du CNID, signé une alliance avec l’Adema pour soutenir le candidat de ce parti, Boubacar Bah dit Bill; et dès le lendemain, Tall a de nouveau demandé aux maires de voter pour qui ils voulaient! Cette attitude est de nature à discréditer le parti!". Il est aussi reproché à Maître Tall d’avoir, auparavant, coûte que coûte tenu à se présenter, à la présidence du parlement contre Dioncounda Traoré, chef de l’Adema, ce que ses adversaires analysent comme "le signe d’une ambition démesurée". Ambition que confirmerait, selon eux, les velléités de Maître Tall de se présenter à la présidentielle de 2007 contre ATT: "C’est parce que Ndiaye Ba a travaillé contre cette candidature vouée à l’échec que Tall lui en a voulu à mort.", soutient-on. Les partants considèrent que "la dictature" que Tall exerce sur le parti
se manifeste par le fait que toutes les nominations de cadres du parti dans l’appareil sont dictées par Tall et Tall seul; celui-ci ne rendrait pas non plus compte au parti de ses nombreuses missions et aurait trahi la ligne du parti en profitant de la révolte des associations islamiques pour désavouer le Code de la famille alors ce code avait été voté par les députés du parti, y compris Tall lui-même:"Depuis lors, ATT a perdu confiance dans le CNID et c’est là un grand boulet aux pieds du parti!", affirme-t-on.
LES OBJECTIONS DU CAMP TALL
Maître Tall n’ayant pas voulu s’exprimer sur la crise, Procès-Verbal a pu longuement discuter avec des proches du président du CNID. Selon nos interlocuteurs, de la réconciliation scellée en 2008 à ce jour, aucun fait nouveau ne s’est produit qui puisse justifier la fronde actuelle de Ndiaye Ba et autres.
Or malgré la réconciliation, Ndiaye Ba et autres ne s’impliquaient pas dans les activités du parti."Depuis janvier, Ndiaye Ba n’a pas participé à plus de 2 réunions du Comité directeur alors que les réunions sont hebdomadaires. Il a demandé au secrétaire permanent de lui venir lui faire, à domicile et au quotidien, le compte-rendu de tout ce qui se faisait au siège du parti.", expliquent nos sources qui révèlent qu’au vu du malaise persistant et soucieux de l’unité du parti, Maître Tall a invité, en comité directeur, toutes les bonnes volontés à prendre des initiatives pour le bien du parti. C’est sur cette suggestion que les députés du parti ont rencontré, le 16 mai 2010, Ndiaye Ba (Procès-Verbal du 24 mai)."Prenant cette initiative de paix pour un signe de faiblesse, Ndiaye Ba et les siens se sont livrés à un réquisitoire contre Tall", s’indignent nos sources qui contestent tous les griefs formulés.
Sur le reproche de gouvernance dictatoriale ou déficiente du parti, les proches de Maître Tall retournent la balle:"Ndiaye Ba est secrétaire général du parti depuis 15 ans. C’est lui qui a la haute main sur l’administration du parti. Il est comparable à un Premier ministre dans un gouvernement. Si, au bout de 15 ans, un Premier ministre vient parler de mauvaise gouvernance, c’est comme s’il avouait sa propre carence et son propre échec. Le président n’a rien à y voir!". Les proches de Maître Tall affirment que celui-ci a, pendant une décennie, toujours délégué ses pouvoirs au vice-président et que récemment seulement, il fut signataire des comptes bancaires du parti:"Crier à la dictature, dans ces conditions, n’a aucun sens!".
L’entourage de Tall rejette les griefs de nominations unilatérales des cadres du parti: "Chaque fois qu’il s’est agi pour le parti de proposer un cadre à une fonction, il l’a fait en comité directeur.". Avant de révéler: "La réalité est que cette nouvelle crise est née de l’ambition de Ndiaye Ba de rester au gouvernement ad vitam eternaem. En 2007, lors de la formation du gouvernement, le comité directeur s’est réuni pour dresser une liste de ministrables. Oumar Soumaré, un des lieutenants actuels de Ndiaye Ba, a alors proposé qu’on enlève Ndiaye Ba du gouvernement au motif qu’il y avait déjà passé 5 ans. D’autres ont prétendu que tant que Ndiaye Ba resterait ministre, le CNID n’aurait pas autre chose que le département du tourisme et que pour cette raison, et dans l’intérêt du parti, il fallait l’enlever du gouvernement. Maître Tall, intervenant en dernier, a souhaité que Ndiaye Ba soit reconduit au gouvernement mais pour une dernière fois. Comme un nouveau rémaniement approche et que Ndiaye Ba sait qu’il n’y représentera pas le CNID, il a monté une cabale: il a rassemblé ses lieutenants en un colis de marchandises et est allé frapper à la porte du Mouvement citoyen afin de garder des chances de rester ministre. Voilà la vraie raison de son départ.".
Les proches de Tall s’étonnent que Ndiaye Ba prétende avoir une majorité au CNID: "Si c’était le cas, il ne partirait pas du CNID; il débarquerait plutôt le président du parti!".Nos interlocuteurs, à titre de coup de grâce, assènent: "L’alliance entre Djiby Tall et Ndiaye Ba prête à sourire. Djiby a demandé à Maître Tall de le proposer à la place de Ndiaye Ba au gouvernement, ce que Tall a refusé. Mécontent, Djiby est allé raconter à Ndiaye Ba qu’il venait de refuser la proposition de Maître Tall de le mettre à la place de Ndiaye Ba. L’amitié des deux hommes contre Maître Tall venait de naître.".
Les proches de Maître Tall contestent que ce dernier ait donné une consigne personnelle de vote aux maires puisqu’après la consigne arrêtée en comité directeur, Tall a immédiatement voyagé. Que Maître Tall ait également défendu des positions personnelles contre le code de la famille est également contesté car tout ce que Tall a dit à ce sujet aurait été décidé en comité directeur et n’aurait jamais fait l’objet d’une quelconque objection de la part de ses adversaires d’aujourd’hui.
En tout cas, la nouvelle crise va fragiliser davantage un parti qui a connu une première scission née du départ des fondateurs du futur Parena.
Abdoulaye Guindo et Thierno Hady Tounkara