Ils sont tous deux des acteurs clés du Mouvement démocratique des années 91. Alpha Oumar Konaré fut le premier président démocratiquement élu et qui dirigeât le Mali pendant une décennie, succédant au premier chef de l’Etat de l’ère démocratique Amadou Toumani Touré qui, par la suite, devint président de la République du Mali pendant une dizaine d’années. L’histoire de leur succession sera racontée par les générations futures parce qu’elle fut empreinte de roublardise pour tromper les héritiers putatifs.
Alpha, au début de son règne, s’inscrivit dans une stratégie de gouverner en regroupant les forces issues du Mouvement démocratique pour conjurer les actions de déstabilisation venant des partis adverses et constituer une sainte alliance pour éteindre la flamme de l’irrédentisme Touareg qui couvait au Nord à cette époque.
ATT, en disant vouloir retrouver ce qui unissait les Maliens, allait constituer un Gouvernement d’Union nationale qui regroupait les représentants de la quasi-totalité des forces politiques majeures. Par rapport à la crise du Nord, ATT et Alpha ont tous deux tenté de la juguler avec les Accords d’Alger pour le premier, et le Pacte national pour le second. Mais, aucun de ces Pactes n’a pu empêcher une résurgence de l’irrédentisme Touareg qui, comme un phénix, renaissait toujours de ses cendres. Aucun d’entre eux n’est un va-t-en guerre, mais ils ont tous pêché en accordant des avantages exorbitants et des passe-droits aux chefs de la rébellion.
Alpha avait tendance à anticiper certains événements et à éviter qu’ils se produisent en utilisant tous les moyens. C’est notamment le cas des grèves initiées par les différents Syndicats, qu’Alpha a d’abord divisés pour diminuer leur force de nuisance. Son Gouvernement semblait être meilleur négociateur pour éviter le pire.
ATT, quant à lui, laisse d’abord les grèves s’installer, puis tente d’avoir les grévistes à l’usure avec l’objectif de les faire passer pour des jusqu’au-boutistes aux yeux de l’opinion nationale et internationale. Cette méthode trouva ses limites avec la grève illimitée des médecins et des enseignants du supérieur, tandis qu’elle avait donné des résultats probants dans le cadre de la grève illimitée des Magistrats et du personnel des Affaires Etrangères.
Désamorcer les conflits sociaux avant qu’ils éclatent est donc la méthode d’Alpha. Juger de la propension d’une situation à générer des troubles et les éviter est aussi une méthode prisée par Alpha comme le montre le projet du Code de la famille. Alpha renvoyât le projet aux calendes grecques parce que sachant que le dossier pouvait être explosif.
Pour sa part, ATT veut toujours voir pour croire et ils accordent peu de crédit aux analyses qui lui parviennent, tenant un langage chatoyant vis-à-vis de ses interlocuteurs. Ne se méfiant pas assez des situations qui dégénèrent, il a le don de se retrouver seul face au danger et de s’en sortir tout seul, au prix de pirouettes spectaculaires, reniant ce qu’il avait adoré peu avant.
Alpha partage le pouvoir et ses Premiers Ministres exercent leur pleine responsabilité. ATT, écrase ses Premiers Ministres et au-delà, assument les responsabilités de certains membre du Gouvernement telles que celles du Ministre de la Défense, de la Justice et des Affaires Etrangères, tous Ministères régaliens.
Alpha construit, mais ne revendique rien laissant la postérité seul juge. ATT le fait savoir sans discrétion et aime se l’entendre dire. Cette propension à bien faire, à laisser dire et magnifier ses actions les plus anodines est plutôt culturelle, alors que la plupart des ouvrages construits flattant leur orgueil est le produit de dons ou celui d’un endettement féroce que les générations futures doivent porter comme un lourd fardeau, dont elles chercheraient un abandon ou un allégement. Elles seront considérées comme citoyens de pays pauvres très endettés cherchant leur pitance dans la poche des autres.
Alpha ne laisse rien deviner de ses actions futures, notamment en matière de remaniement ministériel. ATT laisse le bruit et la rumeur s’entrechoquer très longtemps avant de procéder à un réaménagement à minima.
Par rapport à lutte contre la délinquance financière, Alpha actionne le Ministre de tutelle du prochain supplicié et se met à l’écart, donnant le sentiment que c’est le Ministre qui demandât sa tête. ATT attend que la victime parte en mission ou que lui, ATT, soit absent de Bamako pour faire tomber des têtes. Dans les deux cas, le mal est infini.
ATT semble être un général peureux, redoutant les chocs d’où qu’ils viennent et laissant les situations pourrir plutôt que de trancher dans le vif. Il use et abuse de la ruse pour les dominer.
Alpha, bien qu’étant un civil abhorrant le métier des armes, il a l’action chevillée au corps et lui aussi ruse avec les occurrences. Alpha, sans dilapider les deniers publics, est reconnaissant vis-à-vis des personnes qui ont pu lui apporter amitié ou assistance dans des situations détresse. ATT recherche toujours qu’on l’aime et ses actions de reconnaissance se limite à des effusions verbales.
Pour les nominations à des postes de responsabilité, Alpha a tendance à privilégier la compétence plutôt que le fait partisan. ATT procède d’abord par un limogeage en grappe, avant de nommer celui pour lequel tout le chambardement a eu lieu. En réalité ATT, pour ne pas s’attirer des critiques et des inimitiés, cache son nominé parmi les rentrants, et sa cible parmi les sortants. Il a tendance à privilégier les gens qui lui sont proches au plan culturel, une sorte de délit de faciès patronymique en sorte. Ce sont là les traits caractéristiques de nos gouvernants de l’ère démocratique.
Birama FALL