Moussa MARA: Leçons d’une élection – L’argent menace la démocratie malienne !

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Le Mali vient de boucler le processus de l’élection de son Président de la République, scrutin phare de notre système démocratique. Ce processus, le énième de l’ère multipartiste, a présenté de nombreuses faiblesses relevées dans les rapports des observateurs nationaux et internationaux. Il est impératif que l’on se penche sur les tares de notre système, et les combler urgemment si on veut que l’idéal démocratique de mars 1991 continue de soutenir notre pays et l’aider vers le progrès.

La question de l’inclusivité de nos processus électoraux est à résoudre. Notre fichier électoral n’est pas exhaustif. Une bonne partie des électeurs ne sont pas enrôlés, loin de là ! Au moins 1,5 millions de jeunes de 18 à 23 ans et autant de Maliens de la diaspora ne figurent pas encore dans le fichier électoral. Ce sont donc 3 millions de Maliens qui ne peuvent pas voter, sur un total de 8 millions d’électeurs inscrits. On peut s’interroger sur la crédibilité d’un tel fichier électoral. L’Etat doit s’organiser pour que tous les citoyens en âge de voter soient inscrits sur la liste électorale, qu’ils soient au Mali ou à l’étranger. Nous devons mettre les moyens pour ce faire et rendre permanent le processus d’inscription sur les listes électorales.

La question de la participation du Président sortant à l’élection présidentielle est épineuse et requiert notre attention. Les sortants de manière générale (Maire, Président de Cercle ou de Région) disposant de moyens (humains, matériels et financiers) dans le cadre de leur mandat peuvent influer sur le cours de l’élection et faire pencher la balance de leur côté. Ils peuvent user et abuser des moyens de l’Etat. Ils peuvent détourner les actions étatiques en leur faveur. Les membres du Gouvernement peuvent être transformés en agents électoraux et parcourir le terrain au service de leur chef candidat. Les agents de l’Etat sont mis à profit. La couverture médiatique de l’action du chef de l’Etat candidat sera toujours sans commune mesure avec celle de ses concurrents. Nous devons nous pencher sur le dispositif pour atténuer fortement l’impact de la position et de l’action du sortant sur les électeurs et équilibrer au maximum ses chances avec celles des autres compétiteurs. Le renouvellement de la confiance ou non à un élu est nécessaire pour la vigueur de la démocratie mais nous devons éviter que ce renouvellement ne soit qu’une formalité ou un simple exercice de style.

La crédibilité des candidatures entamée par leur grand nombre aux élections, mais également l’effectif pléthorique des partis politiques dans notre pays, est une plaie pour la démocratie malienne. Il y a des conditions et des garanties à donner par les candidats mais elles semblent insuffisantes. Il faut explorer la possibilité d’augmenter le nombre de parrains aux candidats et envisager l’ajout de parrainage des citoyens comme cela est fait dans certains pays. Il faut également se pencher sur la question des partis politiques, exiger leur participation aux élections, demander la couverture d’une bonne proportion du territoire et renforcer le dispositif de contrôle les concernant.

La campagne électorale qui commence beaucoup plus tôt que la période juridiquement établie pour ce faire, se caractérise par une débauche de moyens sans commune mesure avec le niveau de richesse du pays. Les cadeaux sous toutes les formes données aux électeurs et aux leaders locaux mais aussi la corruption indirecte et déguisée des citoyens sont les lots des prétendants. Cela fait écho à l’achat de conscience le jour du vote, phénomène quelques fois élaboré à un niveau industriel par les candidats et leurs équipes. Cette plaie béante de la démocratie malienne doit être traitée de manière énergique car elle impose une compétition où l’argent est roi et fait la différence entre les candidats au détriment du choix judicieux des électeurs.

Sinon, il est possible que notre pays porte à sa tête, un jour, un trafiquant de drogue ou un obligé de trafiquants de drogue ! Nous devons renforcer notre dispositif d’encadrement de l’action des candidats, des partis, des acteurs politiques six mois avant une élection et particulièrement pendant la campagne électorale. Il convient de sensibiliser les citoyens, d’impliquer les organisations de la société civile, de renforcer les interventions des agents publics locaux et nationaux pour mieux surveiller les acteurs politiques et alourdir les sanctions en la matière tout en veillant à leur application effective. La dissuasion induite par la peur de la sanction est quelquefois la meilleure arme pour contrer les pratiques malsaines.

La débauche de moyens est d’autant plus scandaleuse qu’elle intervient dans un cadre dénué de toutes règles relatives au financement de la campagne, au compte de campagne ou encore au plafonnement des dépenses de campagnes. Au Mali, on peut bénéficier de fonds de malfaiteurs de tous acabits et mener tranquillement campagne, voire gagner l’élection présidentielle, sans que personne ne se pose la question des sources de financement. Cela est scandaleux et surtout destructeur pour l’exercice du mandat dans l’intérêt du pays et des Maliens. Comment s’étonner que le chef de l’Etat soit totalement inefficace en matière de lutte contre la corruption si sa campagne est elle-même soutenue par l’argent de la corruption ? Il est temps que dans notre pays, on impose la transparence absolue sur le financement des campagnes. Il est temps que l’ensemble des ressources obtenues et des dépenses effectuées soient comptabilisées et publiées. Il est impératif que les comptes soient contrôlés et les résultats de ces vérifications publiés. Nous devons également fixer des limites à ne pas franchir dans une campagne électorale afin d’assurer une certaine équité entre les candidats. Enfin, un dispositif de sanction est à mettre en place allant jusqu’à l’invalidation d’une élection s’il le faut.

La place des idées et projets dans un processus électoral est à revaloriser. C’est le cœur d’une élection. Quel que soit le type d’élections, nous devons mettre en place un dispositif obligeant les candidats à joindre leurs projets à leur dossier de candidature au moment du dépôt de ce dernier, et à le présenter dans un cadre qui lui assure une bonne couverture et une bonne vulgarisation auprès de l’électorat. Il nous est également nécessaire d’institutionaliser les débats entre les candidats et améliorer la vulgarisation de ces exercices par des journalistes et des médias plus professionnels et mieux formés. Nous devons habituer nos compatriotes à suivre les idées et projets des compétiteurs. Nous devons aussi assurer un dispositif de monitoring des engagements dès l’entame du mandat afin de rassurer les électeurs que celui qu’ils ont choisi respecte effectivement ses engagements. Les technologies de l’information et de la communication permettent ce suivi rapproché. C’est à ce prix qu’on replacera les idées et ambitions au cœur de la compétition plutôt que l’argent et la corruption.

Le système de vote traditionnel que nous avons, peut être révolutionné par les technologies modernes. Nous devons tendre vers la dématérialisation des opérations en commençant par l’identification et le vote des électeurs par des équipements appropriés et, à moyen terme, par la suppression des bureaux et centres de vote, et l’introduction du vote au moyen des téléphones portables couplé à la biométrie. Notre pays, dont le territoire est immense et les populations dispersées, y compris celles qui vivent sur plusieurs continents et dans plusieurs dizaines de pays à travers le monde, gagnerait à l’accélération du rythme vers le système de vote à distance et de centralisation instantanée des résultats. Cela est parfaitement concevable actuellement. Il faut s’inscrire dans cette dynamique et se fixer des objectifs précis pour la concrétiser.

L’organisation des scrutins, les étapes de surveillance et contrôle, le dispositif d’observation national, le rôle des agents publics et de la société civile sont enfin des chapitres à mieux formaliser vers des consultations électorales crédibles. Nous devons interroger chacun de ces aspects et tendre progressivement vers la rationalisation du dispositif.

Une administration en charge de certaines fonctions majeures dans le processus électoral, en lieu et place de la Délégation générale aux élections, de la Commission électorale nationale indépendante, du Comité de l’égal accès aux médias notamment, est à mettre en place. D’autres acteurs de la société civile et du secteur privé peuvent aussi jouer des rôles en accroissant le niveau élevé d’intégrité du processus et surtout sa crédibilité.

Les autorités nationales doivent jeter un regard objectif sur le dispositif électoral de notre pays et, à la lumière de ces suggestions, travailler à l’améliorer pour le situer parmi les plus efficaces. Dans cette veine, elles doivent se saisir des nombreux rapports produits par les observateurs nationaux et internationaux et s’employer à mettre en œuvre les recommandations pertinentes de ces acteurs. Cela accroitra la légitimité des élus en garantissant qu’ils exercent leur mandat dans les meilleures conditions au service des populations maliennes.

Moussa MARA

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14 COMMENTAIRES

  1. Je vous tire mon chapeau Mr Mara, la seul contre proposition que je fait est qu’il faut a mon avis arréter avec l’inscription automatique des électeurs sur la liste électorale. Il faut que l’électeur s’inscrit volontairement sur la liste pour pouvoir voter. Ce qui dénote de son interrèt pour la chose politique. Cela éloignerais de nos urnes ceux qui n’ont rien a perdre, que ce soit X ou Y qui gagne, pourvu qu’on leurs donnes 2000 f, ils voteront pour X ou Y sans rien savoir d’eux. Je crois que c’est une méthode simple et éfficace pour arréter les achats de conscience qui tendent à devenir une plaie pour notre démocratie. Mr Moussa Mara je vous invite a rejoindre cette fronde en gestation contre la fraude électorale; non pas pour la rémise en cause des résultats de la Présidentielle. Mais pour imposer au gouvernantd des réformes de la loi électorales et d’autres (constitution…), pour améliorer gouvernance du Mali. C’est ce que le COPPO avait obtenu en son temps. Merci Mr Moussa Mara pour votre promptitude a posez les bonnes questions et a faire des propositions aussi pertinentes. Comment faire en sorte que des politiciens de votre accabies soient ceux qui compte le plus sur la saine politique au Mali?

  2. l’égoïsme de CMD est la honte de cette élection! Il peut continuer a se leurrer que c’est lui seul et non d’autres maliens qui faire avancer le Mali. CMD ne vaut jamais la valeur des hommes qui se sont sacrifiés pour l’avènement de la démocratie au Mali….ex., les AOK, le Dr Oumar MARIKO, pr Hamidou DIABTE, Boubeye MAIGA , Tieble DRAME, Me DEMBA Diallo, Bakary Karambe, Me Mountaga TALL… et les centaines des martyrs de 1991. Quel délire d’arrogance de croire que lui CMD est au dessus du reste des politiciens! Il était claire des le début qu’il ne cherchait aucun changement pour le Mali mais plutôt le pouvoir pour lui sans alliances. Bien sure qu’il a des qualités, mais ses défauts sont catastrophiques…. de ce fait, il serait dangereux avec le pouvoir!

    • n’en voulez pas à CMD, c’est soumi qui n’a pu créer un une union au tour de sa personne, il ne peut en vouloir qu’à lui même, si non presque aucun candidat ne s’est rallié à lui , il faudra qu’il se pose des questions ??

  3. Moussa Mara, voilà un homme à qui j’avais une confiance aveugle, mais depuis quelques temps m’a déçu. Depuis son poste de Premier Ministre où il avait non pris fait et cause pour le pouvoir d’alors ( en témoigne sa sortie devant l’Assemblée nationale). Mais parce que rejeté par ce dernier il exhibe, même souvent à tort, toutes les failles du système qu’il a servi et qu’il a jugé meilleur.
    Pendant qu’il était au poste de Premier ministre, on a découvert en lui, un homme intervenant dans la prérogatives des agents de l’Etat au profit de ses proches même quand ces derniers n’avaient pas raison.
    Notre pays ne mérite pas des dirigeants du genre.

  4. Est-ce que la liberté d’expression est un pilier de la democratie Malienne? Quand les esclavagistes des colonies Britanniques en Amerique érigeait “la liberté d’expression” en loi pour leur republique naissante sur recommendation des philosophes dites des lumières, le Mali n’était même pas encore né et aucun Noir n’était assis à la table de negotiation….Les Africains devraient arrêter d’extrapoler.

    LHomme Faust
    Boston, MA. USA

  5. Chaka tu as raison et si tu avais ecoute le discours de Bathily sur sa rencontre avec CMD et Moussa Joseph au moment ou il voulait le conquerir pour venir avec eux, alors tu n’allais pas voter pour CMD car ce que Bathily disait sur ces deux anciens Premiers Ministres faisait beaucoup de sense. Moussa Joseph est-ce que tu veux nous dire que Boua a ete pioche dans les caisses d’argent de son frere de lait Tomi le Corse, tout est possible avec Boua le nouveau President de la Republique Populaire et Democratique de l’Azawad.

  6. Si le constat est unanime que l’argent a été le moteur de cette élection, alors la seule qui nous reste à faire est de désobéir au Président élu dans ces conditions, car la constitution le permet pour dire non et à IBK et à Soumi. C’est la seule alternative à l’argent roi afin de sauver la démocratie. Si nous réussirons, les prochaines échéances seront moins impactées par l’argent. Il y a urgence et il faut bien comprendre, la désobéissance civile aux fins d’annulation de l’élection est différente de l’insurrection.

    Pour commencer, Mara n’a qu’à se mettre en congé de son parti et de son regroupement pour piloter cette initiative citoyenne et salvatrice.

  7. L’opposition a participé à toutes les phases de l’organisation des élections ,toutes ces questions devraient être étudiées,analysées et acceptées de tous.Le changement doit s’opérer aussi du côté du citoyen Malien ,afin de corriger notre indifference,à trop être fataliste,comme si une main invisible s’occupait d’eux sans agir eux même.Le rapport du Malien a attint une certaine proportion que l’argent est devenu une idole,surtout qu’on essaye d’en disposer sans rien faire.Tout se fait pour l’argent ,par l’argent,le dernier de la famille,le mal vu de la société c’est celui qui n’en possède pas .Sans argent pas de femme, pas d’enfants et cela est tellement ancré dans nos esprits que nous sommes devenus tous esclageSi l’on comptabilise 3millions de non inscrits ,penser au 5million d’inscrits qui n’ont pas voter,sur une population estimée à plus de 18 millons.Avec l’agent on pouvait encore mobiliser au moins 2 millons d’lecteurs potentiels car c’est cela la mode c’est cela notre compréhension de la chose.Vous voyer bien qu’il n’y a pas eu d’afluence,et ceux qui ont voté, ont voté en trainant les pieds.Je viens à la personne de Moussa Mara qui a comis l’erreur fondamentale ,après un travail de fond sur le terrain d’abandonner tout cela pour un ralliement incertain.Moussa Mara est jeune ,son parti s’appelle YéléMA?SI ON VOUS DEMANDE VOS AMBITIONS DEMEUSUREES DITES OUI.Les vieux de 73 et 68 ans sont encore ambitieux pourquoi pas un JEUNE.

  8. beau discours opportuniste de M Mara et rien de plus.il aura tout tente ce monsieur pour revenir aux affaires y compris en pactisant avec le diable de la France ( ses voyages pour rencontrer messieurs élysée ou hé ne sais qui) et d’autres apatrides de même bord et remué en vain ciel et terre
    Dieu sauve le Mali

  9. En voulant ne pas donner de consigne de vote après cette mascarade organisée par le pouvoir en place toi et CMD ont fait pire que IBK, mon plus grand regret aujourd’hui a été de voter pour CMD ; ce n’ était plus une question de personne mais du mali qu’il s’agissait .vous n’avez pas respecté la volonté de la majorité qui ont voté pour votre coalition par compte je tire un chapeau à Mr Koniba il aime son pays et sa famille doit être fier de lui.
    Toi et CMD viennent de creuser votre tombe politique .
    Ou va ce pays avec de tel dirigent qui aspire un jour à diriger le Mali ; j’ai vraiment honte d’être malien

  10. On en a dit assez ..c’est une démocratie de façade et l’est encore plus aujourd’hui qu’en 1992. Ça montre l’irresponsabilité de nos dirigeants…. qui ont passés les 27 dernières années depuis l’avènement de la démocratie a plutôt piller, dégrader la morale et mediocriser ce pays dans tous les sens! Cette élection quelques soient ses résultats est une abomination politique qui aurait bousillé plus de 50 milliards pour un taux de participation honteux qui serait d’ordre de 34%! C’est serait l’élection la plus couteuse ..peut être 30 000 CFA par électeur effectif….. par rapport aux 1200 CFA par électeur au Rwanda avec un taux de participation d’environs 95%. Ce pays ne s’en sortira jamais avec cette generation qui gaspille notre argent a chaque occasion.

    • MOUSSA MARAN TU ES MORT POLITIQUEMENT TU ALLAIS AVOIR LE POUVOIR TRÈS SIMPLEMENT MAIS TU AS PERDU TOUTE TA CREDIBILITE VAUT MIEUX CONTINUER AVEC TON MÉTIER D EXPERTS COMPTABLES TU ES TOTALEMENT FINI ET LE RÉGIME D IBK VA T ENTERRER S IL SE CONFIRME AU POUVOIR DE FAIT

    • @Moussa Joseph, jeudi sera la proclamation des resultats provisoirs car les papiers ne sont pas venus du Nord encore ou Boua doit partir sous peu pour etre le President de l’Azawad!

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