Motion des Sikassois pour une prolongation du mandat d’ATT : Les grandes manœuvres commencent

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On apprend qu’ils se définissent comme étant des « citoyens libres de toute contrainte » qui, après réflexion, sollicitent une prolongation du mandat d’ATT jusqu’en 2014, ce qui permettra « de faire coïncider les élections communales, législatives et présidentielles et de parachever de très grands travaux pour le développement de notre grand Mali. » Ils seraient une centaine, voire des centaines de personnes.

La nouvelle n’a pas produit l’effet d’annonce qu’elle aurait pu provoquer. L’idée d’une prolongation du mandat de l’actuel président de la République, voire d’un troisième mandat pour lui, avec les mêmes argumentaires sans cesse ressassées, n’est pas si nouvelle dans les oreilles des Maliens. Ce n’est qu’un secret de Polichinelle pour l’entretien duquel plusieurs personnes de divers milieux socio- politiques sont restées mobilisées, au Mali comme hors de nos frontières nationales, depuis bientôt trois ans, avec le plus souvent un déploiement de moyens colossaux disant le degré de leur engagement pour l’objectif recherché. Des raisons tantôt farfelues, tantôt saugrenues, ont été régulièrement avancées pour convaincre que si Amadou Toumani Touré s’en allait au terme de seulement deux mandats constitutionnels, le développement du Mali connaîtrait un brusque arrêt qui serait fatal à l’avenir radieux se profilant pour lui à l’horizon. Il a aussi été dit que la classe politique nationale est trop faible pour que la gestion du pays lui soit confiée, éparpillée qu’elle est en de multiples clans concurrents, incapables de s’entendre sur un minimum de programme de gouvernance. Et puis, en plus d’être la garantie absolue entre militaires et civils, ATT serait le Chavez malien qui, si son mandat était prolongé, ferait de notre pays la Suisse d’Afrique, l’Eldorado même. Et tutti, et quanti.

Mystification et mythification

Montesquieu, le père de l’Esprit des lois, parlait déjà en son temps de « L’homme, toujours plus  avide de pouvoir à mesure qu’il en a davantage, et qui ne désire tout que parce qu’il possède beaucoup. » C’est, très certainement, le cas de notre cher Président. Alors qu’il feint toujours d’être pressé de s’en aller, il manifeste au même moment un attachement quasi donjuanesque au pouvoir. Il a goûté à ses délices et à ses agréments, et il lui est désormais difficile de se laisser sevrer. Il peut ainsi confier au quotidien genevois, Le Temps, dans un entretien exclusif avec le journaliste Arnaud Robert : « Etre président de la République est  quelque chose d’extraordinaire : il vous permet d’être à la fois au début, au milieu et à la fin de toutes les décisions. » On voit bien qu’il se plaît au poste, position haubanée qui donne la sensation forte de croire en la brillance éternelle de sa propre étoile. De là à se convaincre de sa propre mystification et à l’évidence de sa propre mythification, il n’y a qu’un pas vite franchi. « En dehors de moi, homme providentiel, il n’y a pas de Maliens valeureux », peut-il croire au fond de lui-même. Mais ATT ne dit jamais qu’il veut demeurer au pouvoir. En la matière, son art de la dissimulation confine au raffinement artistique. Tout juste peut-il lâcher de temps à autre : « Je suis un militaire, il s’agit donc pour moi de stratégie et de tactique. »

Mais, ne nous perdons pas dans les conjectures. ATT veut seulement le pouvoir. « Si je ne suis pas candidat, l’armée fera un coup d’Etat », confia-t-il à Arnaud Robert en 2001. Aujourd’hui, il dirait : « Si j’abandonne le pouvoir, l’armée fera un coup d’Etat. Il vaut donc mieux pour la démocratie et la République que je  reste à Koulouba pour assurer leur stabilité,  et même leur pérennité. » Ce n’est pas lui prêter une intention qu’il ne saurait avoir ! N’est-ce pas lui qui confia aussi, toujours en 2001,  à Jeune Afrique, le fameux « Je ne suis pas prêt à laisser n’importe qui prendre le Mali » ?

Des « n’importe qui »

A l’époque, souvenons-nous, ceux en face de lui, « les n’importe qui » alors,  s’appelaient Ibrahim Boubacar Keïta (qui fut Premier ministre durant six ans sans avoir été un corrompu) et  Soumaïla Cissé (qui fut aussi haut cadre au Mali et ailleurs, et ensuite plusieurs fois ministre au mérite reconnu plus tard par l’Assemblée nationale), pour ne citer que ces deux. Et ce sont encore les mêmes prétendants à la succession d’Amadou Toumani Touré. Est-il aujourd’hui prêt à les laisser prendre le Mali ? Question à mille sous.

En septembre 2008, une certaine Marie Antoinette Sidibé se déclarant politologue à Montpellier (France) mais qui pourrait être caricaturée par un peintre avisé sous les traits d’un joufflu avec moustache, se fendait d’un article plaidant le déverrouillage du mandat présidentiel afin que ATT puisse parachever la mise en œuvre de son Pdes au-delà de 2012. Le 23 octobre 2009, un hebdomadaire annonçait  l’imminence de la circulation d’une pétition  réclamant la continuation d’ATT au-delà de son mandat légal. La motion des Sikassois, aujourd’hui dans la même veine, procède des mêmes manœuvres.

A propos de Sikasso, les Maliens se souviendront que c’est dans cette ville qu’Amadou Toumani Touré a lancé sa campagne présidentielle pour 2002. Or, quelques coïncidences troublent aujourd’hui l’intelligence de plus d’un. L’ouverture de la 22è Biennale artistique et culturelle de la jeunesse a eu lieu le 19 décembre 2010 et c’est le 19 janvier 2011 qu’un quotidien a publié la motion des Sikassois réclamant la prolongation du Mandat d’ATT jusqu’en 2014. Il y a aussi que dans son discours d’ouverture de la Biennale, le président de la République s’était permis une improvisation où il disait : « Jeunes, venez avec nous ; venez avec moi. » Sikasso nous semble être, peut-être pour quelques raisons mystiques, le lieu idéal pour le déroulement du rouleau compresseur d’ATT sur le Mali. En espérant nous tromper.

Amadou N’Fa Diallo

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