En Afrique francophone, au début des années 90, la quasi-totalité des Etats sont brusquement passés du monopartisme au multipartisme intégral. Cette nouvelle situation favorisera une prolifération des partis politiques. Comme si cela ne suffisait pas, puisque le législateur a permis les candidatures indépendantes, d’une élection à l’autre, le nombre de listes aux élections législatives et municipales ainsi que le nombre de candidatures à la présidentielle s’est accrue de façon exponentielle. Chaque formation politique aligne son candidat pour briguer la magistrature suprême.
Au Sénégal, on peut compter actuellement environ 300 partis politiques. Au Mali, nous en sommes autour de 200. De nombreux autres pays africains, comme la RD Congo ou le Cameroun, sont confrontés au même phénomène de multiplication des formations politiques. Cette pléthore de partis politiques dans les jeunes démocraties africaines constitue-t-elle une avancée ou un frein au processus démocratique ?
Pour rappel, en 2013, il y avait au Mali 27 candidats au premier tour du scrutin présidentiel. Combien seront-ils en juillet ? En 2016, 18 candidats se sont présentés à l’élection présidentielle au Gabon, 33 au Bénin. Lors de la future présidentielle de février 2019, le Sénégal craint d’en avoir 47. Or, la prolifération de candidats pose des problèmes logistiques importants, ainsi que des problèmes financiers. Il faut imprimer différents documents pour chacun des candidats, car avec une trentaine ou une quarantaine de candidats, cela peut avoir un poids financier conséquent pour l’État.
D’après de nombreux analystes politiques, la prolifération des partis et des candidats aux élections traduit un dysfonctionnement profond dans les systèmes politiques des pays africains. Beaucoup d’acteurs voient la politique comme la voie qui conduit à une amélioration de leur bien-être matériel, à un enrichissement. Le champ politique attire énormément de personnes mais pas pour la bonne cause. Ce n’est pas pour servir l’intérêt général mais plutôt pour servir des intérêts particuliers.
Comme on peut le constater, la prolifération des candidats, loin d’être un signe de vitalité démocratique, constitue probablement une gangrène pour les démocraties africaines. Dans nos pays francophones, il est avéré, avec le recul d’un quart de siècle, que nos candidats qui briguent la magistrature suprême, manquent considérablement de projets de société alternatifs. Dans nombre de cas, les politiques ne proposent quasiment rien de concret aux électeurs. Or, la vitalité démocratique est surtout fonction de la qualité des débats politiques. Ce qui manque crucialement à nos acteurs politiques dont la qualité des formations politiques laisse aussi à désirer. Comment faire alors pour que la donne puisse changer positivement ?
Dans nos pays francophones d’Afrique, il faut indéniablement des réformes institutionnelles. Cela doit se faire de façon inclusive et prendre en compte l’ensemble de la problématique de fonctionnement de nos systèmes démocratiques pour les améliorer dans l’intérêt des citoyens.
Gaoussou Madani Traoré