Le Premier ministre Modibo Sidibé se trouve dans la ligne de mire d’adversaires fort dangereux parmi lesquels on compte certains promoteurs du futur parti PDES. A la faveur du lancement prochain de leur formation, ceux-ci, pour se donner toutes les chances de prospérer politiquement, entendent prendre la tête du gouvernement et reléguer Modibo Sidibé aux oubliettes de l’histoire. Ont-ils, dans ce projet, la bénédiction du chef de l’Etat ? Ou bien veulent-ils forcer la main à ce dernier ? On ne sait. Mais quelques indices permettent de croire que Modibo Sidibé vendra chèrement sa peau.
L’une des forces du Premier ministre tient à sa carrure de grand commis de l’Etat. Un petit clin d’oeil à son C.V suffit à édifier sur son expertise dans la gestion des affaires publiques. Contrôleur général de police, chef de cabinet du ministre de la défense, directeur de cabinet du président du CTSP (ATT!), ministre de la santé, ministre des affaires étrangères, secrétaire général de la présidence de la République, chef du gouvernement… Modibo, avec et malgré un parcours si dense, n’a jamais été accusé de la moindre malversation, ce qui ne peut se dire de tous ses adversaires. Ses liens paisibles avec l’ensemble des partis politiques et sa discrétion ont renforcé la confiance que le chef de l’Etat lui porte au point de lui confier la charge du gouvernement. On le voit, la longevité (déjà 3 ans!) de l’homme à la tête de l’exécutif n’a rien de fortuit. Ce constat explique en partie le grand embarras où un confrère a plongé ATT lorsqu’il lui a demandé, en conférence de presse, pourquoi il ne se débarrasse pas de Modibo Sidibé. "Tu m’as perturbé avec ta question! Tu vas me payer des colas!", n’a cessé de plaisanter le président à l’endroit du confrère.
De 2007 à ce jour, le gouvernement de Modibo Sidibé n’a pas dormi sur ses deux oreilles. On oublie parfois que l’initiative Riz est une initiative propre de ce gouvernement et que de moins en moins cette initiative, avec son corollaire de banques de céréales dans les 703 communes du pays, est critiquée. Le trésor public a, entre 2009 et 2010, remboursé quelque 222 milliards aux opérateurs économiques nationaux, ce qui a relancé l’activité, source de la croissance continue du PIB. Les recettes douanières n’ont pas cessé d’augmenter. Les récettes fiscales aussi. A cela s’ajoute une réduction du train de vie de l’Etat avec, notamment, l’affectation aux investissements publics de 10% du budget de fonctionnement des ministères. Dans la foulée, la lutte contre la délinquance financière a permis de récupérer 30 milliards. L’ouverture de la nouvelle ENA (dont les étudiants seront d’office recrutés dans la fonction publique), les performances de l’APEJ et de l’ANPE permettent, selon les spécialistes, d’espérer la création de 12 000 emplois avant la fin de l’année. Le lancement des travaux du nouveau pont de Bamako (pour 37 milliards), du barrage de Taoussa (plus de 100 milliards), la construction programmée de l’autoroute Bamako-Ségou (182 milliards) et de 20 000 nouveaux logements sociaux font partie des chantiers géants qu’ATT a confiés au gouvernement. Et on ne parle pas de l’aide (35 milliards) apportée par l’Etat à la plus utile des banques (la BHM) au point de vue social.
Si l’AEEM, connue pour sa verve, ne se manifeste plus depuis quelque temps, c’est parce que le gouvernement reste attentif à ses doléances. En témoigne la pose, le 22 avril 2010, de la première pierre de la Cité universitaire de Kabala qui s’étend sur 102 ha et va coûter 25 milliards…
Bref, le Premier ministre a donné un contenu chiffré au PDES, ce programme cher à ATT. Ce n’est donc pas sur le terrain du bilan qu’on pourrait l’atteindre, à moins de s’en prendre alors à ATT lui-même et à tous les partis qui l’accompagnent dans son action. Mais paradoxalement, c’est le succès du PDES qui risque de coûter cher à Modibo Sidibé. La bonne preuve en est qu’un parti veut porter le nom du PDES et que ses idéologues tentent subtilement de dissocier l’action du gouvernement des réussites du PDES. La manoeuvre fonctionnera-t-elle ? La réponse à cette question dépend de la capacité du Premier ministre à se doter d’une étoffe politique d’envergure. Par conséquent, il va falloir qu’il se découvre, qu’il communique, qu’il s’implique davantage dans les tractations liées à la succession d’ATT. Il en a largement les moyens pourvu qu’il accepte de les utiliser.
Par Mamby Diabaté