Outré par l’outrecuidance d’un néophyte, d’un Kémalite primaire revenu d’Abuja, j’ai l’obligation morale et intellectuelle de répondre à Ali N.Diallo qui, au cours d’une interview insipide, veut enseigner aux musulmans leur religion. Notre héros national ne supporte pas de ne pas être sous les feux de la rampe et pour y rester, il use de la presse pour abuser du flegme des musulmans maliens plus pacifiques que leurs coreligionnaires nigérians.
Dans Procès-verbal N°96 du 20 septembre 2010, j’ai été éberlué en lisant ceci: "Je ne crois pas honnêtement que le peu que j’ai lu dans le Coran et dans le Hadith aille à l’encontre des dispositions du code" Dixit Ali N. Diallo. Affirmer n’avoir lu que peu de chose du Coran et des Hadiths, et s’étonner de la levée de bouclier de la quasi totalité des Ulamas contre le nouveau code est manifestement contradictoire. Professeur, enseignez-nous l’utilisation du stéthoscope ou la manière de tenir le bistouri mais laissez nos Ulamas nous enseigner notre religion. Oui Professeur, ce code est bel et bien anti-islamique dans certaines de ses dispositions comme par exemple:
– l’article 135 du titre II stipule: "l’adoption-filiation confère à l’enfant le nom de l’adoptant et, en cas d’adoption par les deux époux, le nom du mari." Cette disposition est contraire à nos valeurs sociétales et religieuses. Dans le Coran, Dieu dit: "Allah n’a point fait de vos enfants adoptifs, vos propres enfants. Ce sont des propos qui sortent de vos bouches. Mais Allah dit la vérité et c’est lui qui met l’homme dans la bonne direction." (Sourate 33, v.4).
– l’article 281 du titre II stipule: "le mariage est un acte laïc et public…" Pour nous musulmans, le mariage est un acte religieux (cf. Coran, Sourate 4, v.3). Le code rejeté ne reconnaît aucune valeur juridique au mariage religieux.
–l’article 347 qui traite des motifs de divorce ne prend pas en compte la disparition ou l’absence prolongée d’un des époux et l’incompatibilité liée au culte des époux.En Islam, il est interdit de manière absolue :
-à l’homme d’épouser une femme athée;
-à la femme d’épouser un nom-musulman qu’il soit Juif, Chrétien ou athée (Coran S.II v.221; S.LX, v.10, S.II, v.135);
-le processus de légitimation des enfants naturels tel que défini dans les articles 479 à 490 est contraire aux valeurs sociétales du Mali et au décret de Dieu.
– Ce nouveau code fait obligation à la femme disposant de revenus de contribuer aux charges du ménage. En Islam, aucune obligation d’ordre matériel et financier ne pèse sur la femme sauf la Zakat et l’aumône.Rien ne l’oblige à contribuer à la charge du ménage sauf de sa propre initiative ;
– dans l’article 311, le devoir d’obéissance de la femme est supprimé et remplacé par "respect mutuel". Dans le Coran, Dieu dit dans la Sourate IV verset 34: "les hommes ont autorité sur les femmes en vertu de la préférence que Dieu leur a accordée sur elles, et à cause des dépenses qu’ils font pour assurer leur entretien." et le Prophète (PSL) a dit "Si je pouvais autoriser une personne à se prosterner pour une autre, j’aurais autorisé la femme à le faire pour son époux." Ce devoir d’obéissance que prône l’Islam n’est nullement synonyme d’asservissement de la femme ; l’unité et la cohésion de la famille en dépendent. L’absence de chef ou le bicéphalisme dans la direction de tout regroupement humain sont déconseillés en Islam.Le Prophète a enjoint: "Dès que vous êtes deux, désignez l’un de vous comme dirigeant.Sinon c’est Satan qui vous dirigera". A défaut d’un arrangement à l’amiable devant le cadi, l’Islam permet à la femme de porter plainte en cas d’abus de son époux.
– L’article 748 dispose: "Les dispositions du présent livre règlent la succession de toute personne à l’exception de celle qui, de son vivant, a expressément manifesté sa volonté par écrit ou par devant témoins de voir son héritage dévolu autrement, notamment selon les règles d’un droit religieux ou coutumier".Le principe juridique universel par rapport à la connaissance et à l’application des dispositions légales est que "Nul n’est censé ignorer la loi".La succession en matière d’héritage étant organisée par Dieu dans le Coran, rares sont les musulmans qui établissent un testament. Ceux qui invoquent le verset 180 de la S.II pour justifier cette disposition du nouveau Code ignorent que ce verset a été abrogé par les versets 7, 11, 12 de la Sourate IV. Le Prophète (PSL) a dit: "Dieu a donné à chacun son dû, aucun legs ne doit être fait en faveur d’un réservataire". Nous pensons que la législation islamique en la matière doit être la règle à cause du fait majoritaire et l’exception pour les minorités religieuses.
Ce nouveau code ne contient pas moins d’une cinquantaine d’articles contestables du point de vue islamique; mais nous nous arrêtons à ces quelques exemples pour démontrer l’inanité des propos d’Ali Nouhoun Diallo qui confond Bistouri et Boukhari.En vérité, le code n’est pas la préoccupation du Professeur, il a la hantise de la Charia, dangereuse pour le voleur et l’adultère. Un tir de barrage est nécessaire, selon lui; écoutons le héraut :"J’ai bon espoir que les frères du haut Conseil islamique n’ont pas pour ambition d’instaurer au Mali un régime islamique, la Charia, tant il est vrai que le Mali est un pays pluriconfessionnel. Quand bien même l’Islam serait majoritaire à 95%, il faudrait fondamentalement dans une République laïque, respecter la minorité de 5%. J’estime que les acteurs du 26 mars doivent veiller scrupuleusement à ce que ce pays soit un pays laïc, un pays social".
"Permettre aux autres religions de s’exercer librement": voilà l’antienne ceux qui veulent l’oukase de la laïcité dans la quasi-totalité des pays musulmans. Victimes de l’encerclement psychologique et de l’obscurcissement des valeurs islamiques, nombreux sont les musulmans qui pensent que laïcité est synonyme de liberté de conscience, comme si l’Islam ne défendait pas ce principe. La laïcité, c’est d’abord et surtout l’Etat areligieux qui ne reconnaît et ne soutient aucune religion. L’Etat laïc exclut la religion de l’exercice du pouvoir, de l’administration et de l’enseignement public. La loi de 1905 qui consacre la séparation de l’église et de l’Etat en France dispose ainsi que "la République assure la liberté de conscience, elle garantit le libre exercice des cultes mais ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte."
Il convient ici de préciser à l’intention du zélateur de la laïcité que la République Française, patrie de la laïcité, ne respecte pas scrupuleusement deux dispositions de cette loi :
1) la non reconnaissance des religions: les fêtes légales en France sont principalement les fêtes catholiques. Yom Kippour des Juifs et l’Aïd El Kebir des musulmans ne sont fériées ni dans les écoles, ni dans les services publics ;
2) le non soutien aux religions: l’Etat français et les collectivités locales prennent en charge les crédits nécessaires pour assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que les lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. L’Etat français finance l’enseignement religieux dans certains départements tels que la Moselle, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin. Les Professeurs de religion catholique et protestante sont formés par les deux facultés de théologie correspondantes alimentées par des fonds publics.La France, qui a connu des épisodes douloureux dans la conduite de sa révolution laïque (près de trois mille ecclésiastiques ont été tués, les biens de l’église confisqués, les sœurs obligées à se marier, les congréganistes privés du droit d’enseigner dans les
établissements publics, trente mille d’entre eux quitteront la France; des milliers de catholiques obligés de fuir vers l’Angleterre à cause des persécutions, etc.) n’a pas fini de théoriser sur la laïcité comme en font foi différents rapports produits ces dernières années : Rapport Baroin Mai 2003, STASI Décembre 2003, Rossini Décembre 2005, Machelon Septembre 2006 et les discours du Président Sarkozy à Latran, Ryad, Paris sur la laïcité positive ; celui de Latran est révélateur de l’évolution des mentalités et des pratiques au sein de la société française. Dans ce discours, il dit ceci: "Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le Curé ou le Pasteur." Vous constatez avec moi, Professeur, que le débat est loin d’être clos dans le pays de nos ancêtres les Gaulois. Même sans laïcité, l’Islam garantit la liberté de culte depuis plus de 14 siècles. Dans le Coran, Dieu dit dans la S.II V.256 "Pas de contrainte en religion, la voie droite se distingue de celle de l’errance " Et pour prohiber toute pression en la matière Dieu renchérit dans la SX Verset 99 "Si ton Seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants."
A Médine, le Prophète (PSL) a accordé aux Juifs, dans la Constitution de l’Etat islamique, le droit de pratiquer leur religion sans aucune restriction. Et le Khalif Oumar (Paix à son âme), après sa victoire sur Byzance, garantit aux Chrétiens, dans le pacte qu’il accorda au patriarche de Jérusalem St Sophrone, "la sécurité de leur vie, de leurs biens, leurs sanctuaires et leurs croix". Les églises n’ont pas été occupées par les musulmans, ils ne diminuèrent ni leur nombre, ni leurs superficies. La tolérance religieuse et le respect d’autrui sont sacrés en Islam.
Vous appelez à la rescousse les acteurs de Mars 91. Souvenez-vous que les musulmans, Coran en main, étaient en première ligne lors de la marche commune des associations démocratiques. Vous n’avez pas plus de légitimité que nous ; et nous n’avons pas, à la différence de la grande majorité de ces acteurs, sacrifié nos principes et nos idéaux sur l’autel de l’Argent-Roi.
Modibo SANGARE