Modibo Mao MACALOU sur la monnaie de l’AES: le plus important c’est l’aspect sécurité et gouvernance

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Présent à Ouagadougou dans le cadre d’un panel international de l’AES sur le thème central : « Confédération de l’AES une plateforme d’avenir, les conditions d’une souveraineté économique et monétaire », Modibo Mao MACALOU, économiste et gestionnaire financier, a livré une interview à la chaîne nationale burkinabé. Dans cet entretien, il évoque, entre autres, les voies et moyens pour la souveraineté économique de l’AES, les forces et les faiblesses des pays de l’AES et les préalables pour la création de la monnaie de l’AES.

L’Économiste Modibo Mao MACALOU a affirmé que l’AES a décidé d’aller, non seulement vers une confédération, mais aussi vers une union économique et monétaire. Pour cela, explique-t-il qu’il y a plusieurs étapes à franchir comme fluidifier les échanges commerciaux entre les États et harmoniser les politiques économiques, notamment la politique fiscale et monétaire.

Il a indiqué qu’une monnaie a trois objectifs essentiels, à savoir : une unité de compte qui permet de fixer les prix des biens et des services ; un moyen d’échanges et enfin une réserve de valeur.

Selon lui, avoir une monnaie ce n’est pas seulement des billets et des pièces de banques seulement, mais aussi le pouvoir d’achat du citoyen.

C’est-à-dire est ce que cette monnaie s’apprécie ou bien se déprécie.

C’est pourquoi a-t-il expliqué que le rôle de la Banque centrale qui fabrique et qui a en charge de mettre en œuvre la politique monétaire est d’imprimer les billets et monnaies pour que les citoyens et les entreprises puissent acheter les biens et les services et que les prix soient stables.

« L’AES peut créer sa monnaie, mais il faudrait qu’il y ait des préalables comme l’harmonisation des politiques économiques. Car si vous n’avez pas les mêmes niveaux des prix et d’inflation, c’est-à-dire si un pays a 5% d’inflation et un autre à 50% d’inflation c’est difficile d’avoir la même monnaie. L’avantage pour l’AES est que les critères de convergence macro-économique sont similaires et les économies sont aussi similaires, c’est-à-dire agro-sylvo-pastoral, mais aussi des économies minières. Les trois pays ont aussi les mêmes faiblesses, à savoir le faible niveau des taux de scolarité, d’accès aux soins de santé, à l’électricité », a décortiqué l’économiste.

Il s’est dit convaincu qu’en se donnant la main et en harmonisant les positions l’AES pourra faire des progrès.

A la question de savoir si les préalables pour la création de la monnaie sont réunis, l’Économiste a soutenu que la monnaie est le reflet de l’économie et que les trois pays traversent une période difficile marquée par l’effort de guerre. Aussi, ajoute-t-il que les trois pays ont des économies extraverties, c’est-à-dire ouvertes sur le monde.

« Si vous prenez les trois pays, ce qu’on appelle le produit intérieur brut (la valeur des produits et des biens que nous produisons pendant toute l’année) 60% de cela dépendent du commerce extérieur. Comme nous finançons l’effort de guerre et nous finançons le développement, est ce qu’il est prudent de produire une monnaie en ce moment, alors que nous avons une monnaie qui, pour le moment, tient bien la route ? Le niveau des prix n’est pas trop élevé, c’est une monnaie fonctionnelle pour le moment. De même, les trois pays au 31 mars 2024 ont pu financer leur économie, la trésorerie des États, à hauteur de 5 mille milliards de FCFA à travers le marché régional de la BCEAO. Je pense que ça peut venir, mais pour le moment il faut se concentrer sur les efforts de défense, de sécurité et de production au sein de nos États », a fait comprendre l’Économiste Modibo Mao MACALOU.

A la question de savoir si l’AES doit créer une nouvelle monnaie ou d’aller avec l’ECO qui est en train d’être mise en place par la CEDEAO ; il rappelle que la monnaie commune de la CEDEAO est en gestation depuis 1983 et que ça été reportée cinq fois déjà.

Selon M. MACALOU, la décision prise par les chefs d’État de la CEDEAO est qu’en 2027 l’ECO soit lancée. Donc, les monnaies nationales disparaîtront.

Pour lui, d’ici là l’AES doit étudier la faisabilité de la monnaie qui n’est pas une question de susceptibilité, mais la stratégie économique qui dépend de ce que vous produisez, de ce que vous vendez et de ce que vous achetez.

Par ailleurs, il a affirmé qu’il va valoir que l’AES amorce la coopération économique avec le reste de l’Afrique. Pour cela, M. MACALOU soutient que tout n’est pas perdu en rappelant que depuis le 1er janvier 2021 il y a la zone de libre-échange continentale africaine qui a été créée et qui va permettre de créer un marché intérieur pour les 54 pays de l’Union africaine.

« Il va falloir que les pays de l’AES qui sont en tête dans la production de l’or, de l’uranium, du pétrole et du coton changent de paradigme pour ne pas être les pays les moins électrifiés, moins d’accès aux centres de santé et à la scolarité. Cela, en disposant de nos ressources naturelles et humaines. Une stratégie qui permettra aux pays de l’AES de prendre leur destin en main pour dépendre moins des chocs exogènes », a conseillé l’Économiste.

Aussi, a-t-il informé que la Confédération de l’AES a mis en place deux stratégies pour ce changement structurel de nos économies.

A savoir le fonds de stabilisation macroéconomique pour maîtriser les prix et ne pas être assujettis aux aléas conjoncturels et à la crise économique. Et la banque d’investissement que les trois pays veulent mettre en place est un aspect très important qui va nous permettre de redynamiser l’outil de production, de mettre en place des infrastructures de production, se désenclaver à l’intérieur et à l’extérieur, d’avoir accès à l’énergie.

Il a insisté pour dire que monnaie coûte excessivement chère et qu’actuellement il y a 62 pays dans le monde qui impriment leurs monnaies à l’extérieur. Selon lui, en Afrique sur les 54 pays membres de l’Union africaine il n’y a que dix pays qui produisent leurs monnaies à l’intérieur. Et en Afrique de l’Ouest il n’y a que deux pays à savoir le Nigéria et le Ghana qui impriment leurs monnaies chez eux.

Il a révélé que les pays de l’UEMOA qui impriment leurs monnaies en France déboursent une cinquantaine de milliards de FCFA chaque année.

Pour Modibo Mao MACALOU, c’est l’aspect sécuritaire et de gouvernance qui sont les plus importants. Il a expliqué que si vous produisez la monnaie et que les conditions de sécurité et de bonne gouvernance ne sont pas réunies cela va provoquer beaucoup de problèmes et le pays va se retrouver avec beaucoup plus de monnaies en circulation que de biens et de services. Ce qui n’est pas bon pour l’économie.

C’est pourquoi il a insisté sur les conditions de sécurité et de bonne gouvernance comme préalable à la création de la monnaie de l’AES.

Il a enfin paraphrasé Kwamé NKRUMAH qui disait que l’Afrique doit s’unir ou périr tout en soutenant que la Confédération de l’AES est une bonne initiative. Et que ce n’est pas pour faire du populisme, du dogme de la démagogie, mais parce que nos pays ont des difficultés et des potentialités similaires.

« Si ces trois pays se donnent la main, vont à l’unissons, ces pays seront entendus au sein de l’Union africaine, au sein des Nations Unies et dans le monde entier », a-t-il conclu.

PAR MODIBO KONÉ

 

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