Modibo, l’ADEMA et les « traîtres »

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Le psychodrame en cours à l’ADEMA est révélateur d’un mal singulier : l’absence de conviction politique et la quête de prébendes.

 La scène a quoi laisser pantois le plus aguerri des stratèges politiques : Zoumana Mory Coulibaly, douanier de son état, proclame publiquement son appui et son amour à l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, et ce, en page couverture d’un journal et lors d’une assemblée de fondation d’un club de soutien. Passons sous silence l’ascension fulgurante de ce simple fonctionnaire d’un pays désargenté vers les sommets de l’opulence financière et parlons uniquement de politique.

 Zoumana Mory Coulibaly est un des multiples vice-présidents de l’Alliance pour la Démocratie au Mali (ADEMA). Et, officiellement, elle a définitivement fermé la porte à une candidature de l’ex-Premier ministre. Alors, que se passe-t-il, dans la Ruche, au cœur du parti d’Alpha Oumar Konaré, pour qu’une indiscipline pareille s’empare des ouvriers alors que la reine est encore vivante ? Comment un acte d’une telle gravité reste-t-il impuni ? Notamment par une exclusion comme le Comité exécutif, dans sa pure tradition stalinienne, nous en a donné l’habitude ?

 La première hypothèse est que, contrairement aux discours et incantations prononcés urbi et orbi, l’ADEMA n’est pas un parti au sens strict du terme. Il s’agit plutôt d’un rassemblement hétéroclite d’anciens marxisants, de socialo-communistes à idéologie variable, de nostalgiques gagnés par le péché de la révision, d’anciens caciques de l’UDPM pour lesquels le centralisme démocratique reste une ambition du Grand Soir et de jeunes ambitieux à la recherche de raccourcis pour un grignotage plus rapide du fromage national.

 La deuxième hypothèse est que l’ADEMA est un parti anarchiste, en ce sens que son fonctionnement interne laisse transparaître un refus constant de soumission à une quelconque autorité. En cela, ce groupe rappelle le Parti socialiste français. En 1992, Alpha Oumar Konaré n’était pas le leader incontesté de la formation. Les barons de l’époque évoquent un candidat de « consensus » qui devait travailler comme une sorte de premier parmi des égaux. AOK était donc, dans le langage si cher aux matheux, le plus petit dénominateur commun.

 Enfin, à l’analyse des actions et paroles des pontes du parti, une évidence s’impose : l’ADEMA se considère comme un parti de pouvoir ; il se prend pour le légataire naturel de Koulouba et de l’Assemblée et dans l’esprit du discours prononcé par Dioncounda Traoré, son président, l’irruption d’Amadou Toumani Touré sur la scène politique est un accident qui ne se reproduira plus avec un autre indépendant. En filigrane, le président des Abeilles disait : « Après l’épisode ATT, ou plus clairement la distraction avec un indépendant, nous allons exercer notre droit de préemption et récupérer ce pouvoir qui nous revient naturellement. »

 Ces observations conduisent aujourd’hui à une conclusion : l’ADEMA est convaincue que 2012 lui appartient et son candidat entrera triomphalement à Koulouba. Alors, ce détail réglé, il ne reste qu’à identifier le capitaine, celui qui conduira le troupeau assoiffé à l’abreuvoir du pouvoir rédempteur et salvateur. Et quoi qu’on laisse croire au sein de l’état-major, la parenthèse Modibo Sidibé n’est pas fermée. Plus le temps de la vérité approche, plus on assistera à des trahisons, des revirements, des reniements et ceux qui, dans l’ombre travaillent pour le parachutage réussi du général de police abattront leurs atouts et tenteront un passage en force.

 Pour le moment, il est inutile de spéculer sur les chances du policier de prendre le contrôle d’une Ruche au miel convoité, l’important c’est de s’assurer que l’issue de la bataille sera dramatique. Car, le syndrome tant redouté de 2002 a toutes les chances de resurgir et les couteaux de voler très bas. Et il n’est pas sûr que l’ADEMA restera un parti après un tel duel. Des députés sont convaincus que depuis Alpha Oumar Konaré, une bonne fée veille sur leur parti, partira-elle cette fois, lasse de devoir séparer sans arrêt des gladiateurs qui s’inventent constamment des motifs de guerre…

 

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