Si les responsables du Front pour la Sauvegarde de la République (FSD) et de la Coalition des Forces Patriotiques (COFOP) ont préféré ne pas aller à la rencontre du Président IBK pour la remise de l’Avant-projet de révision constitutionnelle, estimant que notre pays a d’autres priorités qu’une révision constitutionnelle à l’allure d’imposition, certains acteurs politiques ont plutôt décidé d’aller dire ce qu’ils en avaient au cœur au Président IBK sans intermédiaire.
Les interventions de deux de ces acteurs politiques, notamment Modibo Sidibé du FARE Anka-Wuli, et Modibo Kadjioké de APM-Maliko, ont retenu notre attention, tant ils ont été on ne peut plus clair avec leur vis-à-vis du jour ! D’abord Modibo Kadjoké du parti APM-Maliko, qui n’est pas parti par quatre chemins pour amener à la raison IBK.
Modibo Kadjoké a déclaré sans ambages :
« Je voudrais dire sincèrement merci au Chef de l’Etat pour l’honneur qui nous est fait en nous remettant en mains propres une copie de l’avant-projet de la Constitution. Notre opinion sur le sujet est contenue dans la dénomination de notre organisation : le Pacte Malien pour la Refondation. Monsieur le Président, Personne ne peut douter aujourd’hui de la pertinence de cette révision. C’est même une priorité. Mais est-ce la Priorité ? Nous en doutons. Quand le peuple britannique a murmuré, Theresa MAY est retournée à l’Union Européenne pour renégocier ; quand le peuple français s’est agité, Emmanuel Macron est allé à sa rencontre ; quand le peuple algérien a crié, Bouteflika a écouté ; quand le peuple soudanais s’est manifesté le Président El Bechir a tendu l’oreille. Le peuple malien a fini de crier, de se manifester, il gémit. Écoutons ses gémissements ! Le peuple malien est fracturé. Il y a une rupture entre l’Etat et les citoyens, rupture entre et à l’intérieur des communautés. Toutes les organisations s’agitent aujourd’hui pour réclamer leur part. Monsieur le président, depuis combien de temps nous n’avons pas de Fédération de Football ? Il y a des signes qui ne trompent pas. Là où je vous parle, il y a au moins 3 villages qui sont en train de quitter le site qu’ils occupent depuis des siècles. Nous vivons dans une insécurité grandissante. Dans ce contexte, il nous est très difficile d’aller parler de révision constitutionnelle. Le Mali a besoin d’être refondé, les maliens ont besoin d’être rassemblés. De notre point de vue, il faut d’abord assurer la sécurité alimentaire ; ensuite restaurer la sécurité des personnes et de leurs biens ; négocier un moratoire pour les revendications catégorielles… pour aller à un Dialogue de Refondation Nationale. C’est seulement après ou pendant ce Dialogue que nous parlerons de révision constitutionnelle. Nous pensons au PMR que c’est le seul agenda du MALI. Et pour cet agenda, nous vous notifions notre disponibilité à vous accompagner. Pour finir, permettez-moi de vous faire un rappel : il y a exactement 783 ans, un autre KEITA a senti cette nécessité. Il a fait présider une grande assemblée par Kamadjan Camara en 1236. Cela a donné un État très stable dont nous sommes tous très fiers. Monsieur le Président, l’histoire vous tend une perche. Je vous remercie ».
Et à Modibo Sidibé d’ajouter…
Le président des FARE Anka Wili doute même de la volonté de dialogue du Président IBK lorsqu’il dit à celui-ci : « Vous l’avez dit, vous êtes aussi partisan de l’Agora, qu’on puisse laisser les uns et les autres donner leurs points de vues et peut-être que les convergences peuvent subvenir… Nous avons indiqué notre souci au gouvernement et cela depuis des années… Depuis 2013 jusqu’à maintenant que le Mali traverse une crise, la nécessite d’une refondation, par un dialogue national était indispensable. Toucher ou conduire ces reformes institutionnelles sans un dialogue national refondateur ne nous semblait pas indiquer pour être dans une dimension de sortie de crise stable et durable pour notre pays. Nous avons indiqué au gouvernement que le logiciel du comité d’experts ne sied pas… C’est aux maliens de dire comment ils veulent refonder leurs institutions, la gouvernance et le vouloir vivre – ensemble, pour que ce que nous sommes en train de vivre, ne puisse plus jamais se reproduire. Aujourd’hui, il est indispensable qu’on puisse avoir de perspectives de sortie de crise solide et durable ». Pour l’ancien Premier ministre, le peuple est aujourd’hui inquiet et dans l’incertitude. Face à cette situation, Modibo Sidibé propose « un agenda pour le Mali » qui doit être conduit et respecté par les uns et les autres pour donner un horizon nouveau aux Maliens. Modibo Sidibé et son parti se démarquent donc totalement de l’approche adoptée par le gouvernement quant aux réformes envisagées, en raison de l’absence de vision et de projet cohérent, et également en raison des circonstances, de la nature et de l’ampleur de la crise. Pour les FARE, la seule et vraie exigence de l’heure, est de dégager des perspectives solides de sortie de crise, de restaurer la confiance des maliens de l’intérieur et de l’extérieur en eux-mêmes et en leur Etat, car le processus qui conduira le Mali à une véritable sortie de crise structurelle, durable et refondatrice ne pourra faire l’économie d’un traitement de fond de l’ensemble des causalités ayant engendré la crise. Il y a donc urgence que notre peuple puisse se réunir pour parler, de la base au sommet, revisiter nos institutions, nos pratiques démocratiques et refonder notre Etat. Le parti FARE reste disposé à concourir pleinement avec le gouvernement et les forces vives de la Nation à l’élaboration d’un processus endogène de sortie de crise structurelle, durable et refondatrice de l’Etat du Mali.
On ne peut en dire autant ! Il appartient donc au Président IBK d’écouter ou d’ignorer son peuple. Une chose est sûre : le Mali est éternel. Les hommes s’en vont, le pays demeure.
Salif Diallo