Les Partis Politiques de l’opposition tiennent ce samedi, 8 octobre un meeting d’information et d’explication autour de leur exclusion à la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) et de la plainte qu’ils ont déposée à la Cour Suprême aux fins d’annulation du décret 569 P-RM du 12 septembre 2011 portant nomination des membres de la CENI.
La saisine de la Cour Suprême par les partis de l’opposition a été imposée par le Gouvernement et sa majorité qui ont pris la lourde responsabilité politique et morale d’exclure l’opposition dans le suivi et la supervision des élections législatives et présidentielles de 2012. Depuis l’apparition des premiers signes de blocage dans les négociations autour des quotas de représentation dans cette instance, l’opposition a fait montre d’un sens élevé de responsabilité pour éviter d’arriver à des solutions extrêmes. Elle préférait de loin une solution politique qui préserve ses droits en tant que contrepouvoirs indispensables dans l’exercice du jeu démocratique. S’étant aperçus que la majorité ne jouait pas franc jeu avec nous et qu’elle tenait à passer en force pour nous imposer non pas une représentation équitable mais proportionnelle, nous avons fait appel à la société civile afin qu’elle s’implique pour trouver un dénouement.
Nous avons également saisi le président de la République à travers une correspondance en date du 16 août 2011 dans laquelle nous lui demandions de s’impliquer en tant que garant des institutions démocratiques et de l’Etat du Mali, au dessus des querelles partisanes. Sa réponse en date du 29 août 2011, par ailleurs très rassurante, nous est parvenue très tardivement le 14 septembre 2011 soit 48 Heures après que le Gouvernement a pris décret le 12 septembre 2011 ! Mais entre temps, une seconde correspondance en date du 7 septembre lui a été adressée après l’adoption le 06 septembre 2011, du Projet de décret portant nomination des membres de la CENI lors du Conseil des Ministres présidé ce jour là par Mme le Premier Ministre. Nous n’avons pas été entendus par le Gouvernement et sa majorité qui ont fait montre d’un mépris souverain et d’une ignorance royale de nos revendications. Les journalistes qui ont suivi la calamiteuse conférence de presse du Ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales, le Général Kafougouna Koné le 12 septembre ont pu jauger à quel point il a manqué d’objectivité et de sincérité dans la gestion de cette crise.
Voilà un Ministre de la République qui déclare tout de go devant les journalistes que l’opposition a fait montre d’ouverture, mais que c’est la majorité qui n’a pas voulu céder et que c’était dommage ! Et comme récompense de cette opposition ?
Son exclusion de la CENI. Le Général Kafougouna Koné ne s’est pas gêné de dire tout haut devant les journalistes qu’il n’était nullement affecté par l’exclusion de l’opposition et qu’il se foutait de tout ce qu’elle dira et que le débat sur la CENI était clos ! Non seulement Kafougouna a étalé au grand jour son extrême partialité, mais il a commis la lourde responsabilité morale d’interpréter la loi. Or, un Ministre avisé dans une pareille situation, aurait pu demander à la Chambre Consultative de la Section Administrative de la Cour Suprême d’interpréter la loi qui fait l’objet de querelle entre la majorité et l’opposition. Il aurait pu sauver sa crédibilité.
Historiquement, notre CENI, à l’instar de celui de nombreux pays africains, a été le résultat d’une lutte acharnée de l’opposition qui se méfiait légitimement du pouvoir ADEMA en place. Elle avait fait de la mise en place d’un dispositif de contrôle transparent et crédible des élections, la condition préalable à la tenue d’élections transparentes et crédibles dans notre pays en 1997. Donc, la CENI veut dire, la méfiance organisée de l’opposition vis-à-vis du pouvoir. C’est dans ce sens que la loi électorale a conféré aux acteurs clés qui composent cette instance à savoir : la société civile, les Partis de la Majorité, ceux de l’opposition à siéger dans des proportions de partage de voix égale, cela quelque soit le nombre de chaque appartenance ! D’ailleurs cette loi qui a fait l’objet de révision en 2006 prévoyait un partage égal de 5 chacun entre la majorité et l’opposition et 5 pour la société civile.
Certains confusionnistes de la majorité présidentielle qui aiment pêcher en eaux troubles se sont vite empressés de jeter un écran de fumée autour de la modification opérée en 2006 concernant le remplacement de la notion « Egalité» contenue dans la loi électorale par celle de la représentation « Equitable » pour imposer une nouvelle ligne de partage. Ils ont ainsi poussé leur « avantage » acquis grâce à des élections frauduleuses généralement organisées dans notre pays pour donner un autre sens à la loi électorale. Ils ont fait une interprétation mécanique de la notion d’équité, s’agrippant à leur vision statistique et se confondant dans de laborieuses démonstration juridico-intellectuelles dont le postulat de base a été défendu crânement par le Ministre Iba N’Diaye, l’idéologue et porte-parole attitré de la majorité ou encore l’illuminé homme de droit Maître Kassoum Tapo, Député à l’Assemblée Nationale du Mali qui, avec son assurance coutumière, nous rappelle toujours modestement, chaque fois que l’occasion lui est donnée, son brillant cursus universitaire à la Sorbonne et ses larges connaissances en matière de droit lesquelles l’autorisent à des certitudes inébranlables.
Quel est ce postulat ? Qu’en 2009, sur la base de cette notion d’équité entre la majorité et l’opposition, la composition de la CENI avait été faite sur la base du regroupement politique des forces représentées à l’Assemblée Nationale. Elle avait donné comme résultat le 7 contre 3. C’est-à-dire, que les partis de l’opposition à l’époque qui étaient à l’Assemblée Nationale (RPM, SADI, et PARENA) ont eu droit à 1 siège chacun.
En 2012, en regardant la configuration des forces politiques, il n’existe qu’une seule force politique de l’opposition à l’Assemblée Nationale qui est SADI. C’est elle qui doit siéger à la CENI. Et pour mieux enfoncer le clou, la majorité est allée plus loin dans ses argumentations : elle soutient qu’en faisant une analyse de l’état des forces politiques sur le terrain, la majorité présidentielle, sur la base d’une représentation au niveau de toutes les CENI (nationale et démembrements), il aurait 2109 délégués, ce qui représente une implantation territoriale d’un peu plus de 67,26% contre 703 délégués pour l’Opposition qui obtiendrait une représentation de 33,24% ! Voilà le savant calcul qui signifie équité. Et pour faire avaler la pilule à l’opposition, le Général Kafougouna Koné a été mis à contribution. Suite au constat de désaccord établi entre les deux parties, l’opposition a envoyé la liste de ses cinq représentants devant siéger à la CENI le 15 Juillet 2011 mais la majorité ne l’a pas fait.
Nous avons d’ailleurs dit au Ministre de l’Administration Territoriale que la majorité devrait même être frappée de forclusion. Mais au lieu d’appliquer cette fois-ci la loi, comme il l’a dit publiquement sur les antennes de l’ORTM, le 28 juillet 2011, Kafougouna Koné a usé de subterfuges pour diviser l’opposition : Le 4 août 2011, il adresse une correspondance au Président du Parti SADI demandant qu’il lui communique le nom de son représentant devant siéger à la CENI au plus tard le 20 Août 2011. La réponse du Président du Parti SADI lui parvient le 5 août dans laquelle il lui exprima son étonnement de recevoir de lui un courrier après que l’opposition lui avait déjà envoyé la liste de ses représentants depuis le 15 juillet 2011, et confirmé ce choix le 31 juillet du même mois après l’échec des dernières discussions entre la majorité et l’opposition le 29 juillet 2011 au siège de l’ADEMA ! Mais, puisque le Ministre de l’Administration Territoriale avait déjà mis au point sa stratégie d’exclusion de l’opposition au sein de la CENI. Il a foulé au pied les lois de notre pays, notamment la loi N° 00-04 AN RM du 13 juillet 2000 portant statut de l’opposition qui est très claire : « on entend par opposition, un ou plusieurs Partis représentés ou non à l’Assemblée Nationale, distincts du Parti ou de la Coalition de Partis Politiques qui soutiennent l’action gouvernementale. Elle est politiquement reconnue, juridiquement protégée et a en conséquence des droits et des devoirs et constitue un élément essentiel de la démocratie pluraliste ». C’est autour du Parti SADI (côté opposition) et du Parti Adema (côté majorité) que les négociations ont été menées. D’ailleurs, les Procès verbaux de rencontres envoyés au Ministère de tutelle l’attestent amplement. C’est donc autour du Parti SADI que d’autres partis de l’opposition ont décidé de se constituer pour obtenir une représentation démocratique à la CENI conforme à la loi électorale. Les Choix des membres de l’opposition ne pouvaient venir d’ailleurs ! Mais, le Ministre Kafougouna Koné n’en a cure ! Sur son instigation personnelle, il a fabriqué « un opposant » nommé Moussa Konaté.
Moussa Konaté est le produit achevé de la transhumance politique qui a longuement discréditer l’action politique au Mali en la dépouillant de tout principe moral et éthique. Il a été d’abord au Parti Ecologiste pour l’Intégration, puis ensuite au Parti Ecologiste du Mali avant d’atterrir au PSD, Parti de la mouvance présidentielle en instance de fusion avec le PDES, parti proche du Président ATT. Ce Moussa Konaté, comme par miracle, était prétendant à la CENI au compte du PDES, parti de la mouvance présidentielle. Malheureusement pour lui, on lui a préféré une autre personne. C’est son mentor de ministre Kafougouna Koné qui fera un exercice de repêchage en le mettant au compte de « l’opposition modérée » à cause de son « expérience ».
Le combat de l’opposition n’est pas dirigé contre Moussa Konaté. C’est un combat de principe. Seulement Il se trouve que Moussa Konaté est aujourd’hui la pièce maîtresse d’une stratégie de provocation policière mise en œuvre par le Général Kafougouna Koné visant à discréditer l’opposition aux yeux de notre peuple. Il profite de la médiation de la société civile pour faire adopter dans la confusion la plus totale en Conseil des Ministres, un projet de décret nommant les membres de la CENI, puis il s’essaie dans un exercice de rattrapage à travers une calamiteuse conférence de presse qu’il a prononcée le 12 septembre 2011 où les incohérences de propos se disputent les maladresses verbales. Les journalistes d’investigation de notre pays connaîtront un jour les conditions dans lesquelles ce fameux projet de Kafougouna a été adopté. Nous savons que l’article 46 de notre constitution précise les conditions de nomination à des postes civils et administratifs et que ces nominations ne peuvent se faire que par le Président de la République. Comment comprendre qu’un projet de texte qui consacre ces nominations soit fait en l’absence du Président de la République et comment toute cette confusion s’est-elle installée ? Il faut être clair une fois pour toute : La loi électorale ne dit pas que pour siéger à la CENI il faut être représenté à l’Assemblée Nationale.
Sinon comment comprendre la majorité qui établit des critères de représentativité à l’Assemblée Nationale comme préalable à l’octroi d’un siège à la CENI alors que dans la liste qu’elle a déposée tardivement auprès du Ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales figure un Parti de la mouvance présidentielle qui n’a aucun élu à l’Assemblée Nationale, le PIDS en l’occurrence ? Il y’a de nombreuses contradictions dans la démarche du Gouvernement et de sa majorité.
L’opposition a relevé dans la démarche de la majorité, l’absence totale d’éthique politique et morale lorsque dans sa liste figurent certains partis politiques dont les « prouesses électorales » ont été accomplies non pas dans les urnes, mais à coups de débauchages et de défections et leur ont permis de constituer des groupes parlementaires.
Comment peut-t-elle exiger injustement à l’opposition le critère de représentativité à l’Assemblée Nationale comme critère pour obtenir un siège à la CENI et en même temps exclure dans ses rangs un Parti représentatif de sa mouvance, le PARENA au détriment d’alliés de circonstance qui n’ont aucune base d’implantation politique et géographique, mais qui sont mis en selle pour préparer les futures échéances électorales de 2012 ?
Voilà autant de raisons pour justifier notre rejet de la proposition de 9 contre 1 et à exiger l’application stricte de la loi. Et L’opposition se battra jusqu’au bout pour faire triompher la vérité.
Nouhoum KEÏTA (SADI)