Médaille en or de 250 millions de FCFA pour le Président : C’est gouverner par la corruption

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Nul n’est besoin d’être prophète pour savoir que notre pays nage dans la corruption. Mais  vouloir exhiber le chef de l’Etat comme le trophée de cette gangrène qui mine l’avenir même de la démocratie et de la République, c’est là une audace qui  n’ennoblit personne.

Au Mali, c’est la saison des décorations. Chacun doit avoir sa médaille, du moins tous ceux qui peuvent, le moment venu, servir de tremplin à Amadou Toumani Touré pour…une aventure nouvelle. Puisque c’est ATT lui-même qui décerne à chacun sa distinction pour bons et loyaux services rendus à la République, il faut bien qu’on  lui en offre, car il n’a point démérité, toujours fidèle au poste qu’il est, ingénieux et brave. D’où l’initiative, jamais envisagée pour un Président malien, de lui confectionner une médaille en or –massif, il faut le savoir- pour tous les efforts qu’il ne cesse de déployer pour le bonheur des Maliens. Celle-ci vient de richissimes hommes d’affaires (généreux contributeurs pour frapper la fameuse dont nous avons publié la liste) qui, on ne le sait que trop, se sont davantage enrichis sous ATT alors que la majorité de nos concitoyens végètent avec moins d’un dollar par jour. Les riches s’enrichissent, les pauvres s’enfoncent dans la précarité : tel est le destin individuel solidement établi. Ces hommes et femmes sont par ailleurs bien connus pour leur proximité avec le président de la République ou avec les membres de sa famille. Oui, ils sont bien connus pour être constamment occupés de fastes et de folies ostentatoires. Car leur enrichissement effréné n’est pas toujours ignoré du grand public. De cela, ils s’en foutent évidemment comme de l’an 40. Ils ne peuvent  donc pas entendre monter de partout des protestations populaires pour l’heure inaudibles mais qui, cependant, si elles ne sont pas considérées avec l’intelligence qu’exige la bonne gouvernance, risquent de constituer à la longue des noueux  irréductibles de rancunes, voire de rancoeurs, et conduire bientôt à des révoltes dont on ignore où elles nous mèneront. Mais ATT et ses thuriféraires, en possesseurs de grands moyens- et trop sûrs d’eux-mêmes – ne semblent pas à présent mesurer les charges que portent certains faits sociaux dans la vie des institutions. ATT, à titre personnel, est malheureusement loin de se rendre compte, encore moins de comprendre, que la corruption généralisée, qui a tissé sa toile d’araignée sur le Mali, est d’abord sa propre tragédie. Tragédie d’un homme bellement entré dans l’histoire le 26 mars 1991, mais aussi tragédie d’un symbole qui ne sait pas brider ses ambitions. Cette tragédie personnelle, vue à la lumière des évènements en cours en Tunisie, peut déboucher sur une tragédie collective, voire nationale. Mais prions.

Se fâcher ou rester indifférent

Dans la situation actuelle du Mali et des Maliens,  le simple bon sens aurait pu conduire à faire l’économie d’une  initiative de décerner une quelconque médaille à ATT à moins de vingt mois de la fin de son mandat et à un moment où il est soupçonné de velléités dictatoriales, à fortiori de frapper une médaille en or d’une valeur de 250 millions pour lui. Certains opérateurs ont bien compris l’incongruité de l’initiative et se sont abstenus, même conscients des représailles à leur encontre, d’y contribuer. Mais la certitude de l’impunité absolue a conduit ceux qui sont sous la tente à oxygène du pouvoir de faire montre d’une arrogance qui n’a d’égal que le mépris que le  chef de l’Etat a pour ses concitoyens qui osent lui réclamer plus de sincérité et de célérité dans la lutte contre la corruption rampante. Ainsi, Sidi Sosso Diarra, le Vérificateur général, qui affirme que les plus grands corrompus sont les proches du Président, ne serait qu’un ingrat qui veut couper la mamelle qui l’a nourri. On l’attend même au tournant de l’histoire, après avril 2011 ! Ainsi, IBK et son Rpm ne seraient qu’un ramassis de grands désabusés qui veulent seulement ameuter l’opinion nationale en exigeant une lutte farouche contre la corruption. Eh bien, qu’ils balayent d’abord devant leur propre porte ! Quant à Me Mountaga Tall, président du Cnid-Fy, il ne peut être que l’avocat du diable en affirmant qu’il n’y a pas de corrompu sans corrupteur. Parce qu’il n’a jamais eu la chance de jouer le premier rôle au sommet de l’Etat, l’honorable député élu à Ségou serait tout simplement un aigri. Pour ce qui est de Bamba Gagny Kiabou de la Coream, candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2012, il n’aurait encore rien compris à la chose politique. Quel culot que de déclarer dans une lettre ouverte au président de la République que le Pdes est un programme pour tous les Maliens qui s’est mué en parti politique pour quelques richissimes personnalités ! Son geste viendrait tout droit d’un esprit méchant et traumatisé durant de longues années par l’exode en Côte d’Ivoire.

Voilà : chacun, selon l’idée qu’il se fait de la patrie, se fâchera ou sera indifférent. Mais constatons tous ensemble avec Me Mountaga Tall : « …Les citoyens sont…perplexes face à la persistance du fléau de la corruption, malgré le nombre de plus en plus croissant de leviers et d’instruments de lutte, comme les Inspections ministérielles, la Section des comptes de la Cour suprême, le Contrôle général des services publics, la Casca et le Bureau du Vérificateur général, etc. » Regardons autour de nous.

Assif Tabalaba & Amadou N’Fa Diallo

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