Malgré l’opération tape-à l’œil du Premier ministre Boubou Cissé dans la région de Mopti, les Maliens ont le sentiment d’être abandonnés par un régime qui ne se soucie que du diktat extérieur que de la prise en compte de leurs préoccupations.
Réélu en 2018 pour un second mandat de cinq ans, le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), de qui il s’agit, n’a jamais montré pattes blanches dans la gestion efficiente des affaires de la cité. Son premier mandat (2013-2018), parsemé de scandales politico-financiers au cœur desquels s’est retrouvée sa famille, s’est achevé dans le sang. Attaques de camps militaires, des populations civiles, enlèvements des personnes et de leurs biens.
Pourtant, l’élection d’IBK, en 2013, avait tellement suscité d’espoir et d’enthousiasme chez nombre de nos compatriotes qui avaient misé sur sa gestion musclée des dossiers brûlants du temps, où il a dirigé d’une main de fer la primature, de 1994 à 2000.
Si certains avaient même juré qu’il était l’homme de la situation, en 2013, d’autres le qualifiaient d’homme providentiel pour redonner à notre pays sa dignité et son honneur bafouillés par une horde de terroristes et de djihadistes à la solde des puissances extérieures, avec à leur tête la France qui entretenait le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Mais au bout d’une année d’exercice du pouvoir, les fleurs n’ont pas été à la hauteur des attentes. La déception, le désespoir lisaient sur tout le visage de ses défenseurs fieffés de 2013. Ainsi, venait de tomber le masque du ‘’sauveur national’’ qui avait profité de sa politique de victimisation depuis qu’il a été viré de son poste de Premier ministre par Alpha Oumar Konaré.
On n’est pas loin du scénario de 2013. Aussitôt après sa réélection, le sang continue de couler. Cette fois-ci à flot. Il ne se passe de jour ou de semaine sans que les Maliens ne pleurent des morts. Au sommet de l’Etat, la vie est partagée entre la diffusion de communiqués laconiques pour informer l’opinion nationale du nombre de morts et des dégâts matériels et de voyages touristiques sur les lieux du sinistre pour, dit-on, consoler les rescapés traumatisés par les scènes de violence dont ils ont été témoins au cours de l’attaque de leurs villages.
Du village d’Ogossagou à Sobane Da, en passant par Dioura, et récemment les villages Ganfani et Yoro, le mode opératoire des tueurs à gage n’a pas évolué d’un iota. Les villages sont attaqués: les habitants sont tués à bout portant, égorgés devant leurs parents, brûlés vifs; les maisons incendiées; le bétail et autres objets de valeur emportés par des gens qui disent se battre au nom d’Allah.
Ces massacres dans la région de Mopti ont fini par transformer ce havre de paix en poudrière dont une éventuelle explosion pourrait allumer d’autres foyers de tension sur le reste du territoire national. A condition que les Maliens comprennent qu’ils sont victimes d’une politique de ‘’diviser pour régner’’ imposée à eux par les impérialistes pour se partager nos ressources naturelles. Qu’on le dise ou non, ces massacres de nos compatriotes profitent à quelqu’un.
Malgré la hantise des attaques dans laquelle vivent les populations de la 5ème région administrative de notre pays, elles sont victimes des rackets de certains agents de l’Etat qui pensent que l’occasion est rêvée pour pêcher en eaux troubles. Qu’ils soient porteurs d’uniformes ou administrateurs, ces agents se comportent en véritables roitelets dans les zones, où ils détiennent un petit bout de pouvoir.
Les populations sont soumises à toutes sortes d’extorsion de fonds. Les querelles entre les villages, la lutte pour le contrôle d’une chefferie, les conflits entre éleveurs et agriculteurs sont réactivés. A leur tableau de chasse, les trafics d’influence, les intimidations sont monnaie courante.
Jamais notre administration civile ou militaire n’a été la hauteur des défis.
Le comportement de certains agents de l’Etat a été un ferment dans la contestation de leur autorité dans les circonscriptions dont ils ont la charge. Et s’ils ne changent pas de comportement vis-à-vis des populations pour rétablir la confiance entre administrés et administrateurs, les populations se tourneront vers d’autres qui vont les protéger contre les brimades de notre administration. Si ce n’est d’ailleurs pas le cas dans beaucoup de nos localités. Et difficilement, nous n’aurons des renseignements pour combattre nos ennemis qui bénéficient de la complicité des populations du fait des menaces du mauvais comportement des agents de l’Etat.
Aucune population malienne ne se sent protégée par l’Etat. Partout, où les agents de l’Etat se trouvent, c’est le même comportement négatif. On a l’impression qu’ils se sont donné un code d’exploitation de leurs sœurs et frères. Fatiguée des humiliations, elle finit par se révolter ou s’allier à des ennemis pour combattre leur propre pays.
Que le Premier ministre, Boubou Cissé, sache que cette distribution de céréales est loin d’être un gage de confiance entre l’administration et ses administrés. On le sait, beaucoup n’arriveront pas à destination. Ils tomberont dans les besaces de certains agents de l’Etat et des milices que l’Etat lui-même entretient pour envenimer la tension entre les populations dont le rêve aujourd’hui est de maintenir l’équilibre social conçu par leurs aïeux. Pour que les Maliens ne se sentent pas abandonnés par l’Etat, il est du devoir du Premier ministre Cissé de prendre le taureau par les cornes en sanctionnant les cadres indélicats dont les actions sabotent toute initiative de paix et de développement durable.
Au moment où les Maliens de tout bord réclament des concertations nationales pour un nouveau départ, le président IBK prend le contre pied de son peuple. Il annonce un dialogue politique inclusif dont les dés sont déjà pipés. Si la moralité du trio, (Baba Hakib Haïdarra, Médiateur de la République, Ousmane Issoufi Maïga, ancien Premier ministre, Aminata Dramane Traoré, ancienne ministre) chargé de diriger les travaux, ne souffre d’aucun doute, les Termes de référence (TDR) donnent froid au dos. Il ne tient compte d’aucune aspiration profonde du peuple malien. Il est taillé à la mesure de l’application de l’accord d’Alger, un document rejeté par l’opinion publique malienne dans sa grande majorité.
Par ces actions des autorités maliennes, les populations ont le sentiment d’être abandonnées par ses dirigeants qui agissent au diktat des Occidentaux que de leurs aspirations légitimes.
Il ne reste plus au peuple qu’à prendre son destin en mains comme sous d’autres cieux pour obliger le pouvoir à faire face à ses demandes sociales.
Yoro SOW