Excédés par la mauvaise gouvernance, à l’appel de l’opposition, plus de 50 000 Maliens selon les organisateurs (un millier selon les sources gouvernementale) ont marché ce samedi 21 mai 2016 pour exprimer leur mécontentement. Dès 7h, ils ont commencé à venir par groupes de centaines envahir la Place de la liberté, lieu de départ de la marche qui a pris fin à la Place de l’Indépendance.
Après le délai de grâce accordé au président de la République pour raison de santé, l’opposition revient à la charge. Toute la crème de l’opposition : Soumaïla Cissé et ses lieutenants, Tiébilé Dramé, Diguiba Keïta dit PPR, Me Amidou Diabaté du Parena, Djibril Tangara, de la FCD, Daba Diawara, du Pids Souleymane Koné, 1er vice-président des Fare Anka Wuli, entre autres, étaient au milieu des milliers de manifestants pour dénoncer les dérives du pouvoir et réclamer le retour de l’ancien Président Amadou Toumani Touré.
Sur le long de la place de la liberté à la place de l’indépendance, les manifestants, encadrés par un dispositif sécuritaire impressionnant, ont marché sous les ovations des populations riveraines. Ils scandaient: «non à la corruption, non à la gestion patrimoniale du pays, non à la dilapidation des deniers publiques, oui à la réconciliation nationale» ou encore « où sont nos 200 000 emplois ? Les Maliens ont faim et soif ; nous voulons le changement et maintenant».
A 10h, voici arrivé le moment tant attendu. La déclaration des responsables de l’opposition.
Pour camper le décor, le Président du Parena, Tiébilé Dramé dira que le régime en place est atteint d’autisme. Et à travers cette marche, indique-t-il, le peuple veut guérir le régime de cette maladie qui est la cause de toutes nos souffrances. Djiguiba Keïta dit PPR de préciser : «nous marchons contre: la vie chère, les coupures d’électricité et d’eau; l’insécurité et l’insalubrité; l’arrogance et le mépris; la mauvaise gouvernance; la corruption généralisée, l’ingérence de la famille dans les affaires de l’Etat; la dilapidation des maigres ressources du pays; la mauvaise gestion du nord, la partition de fait du pays et le détournement des ressources destinées à la défense et à la sécurité du pays».
Après avoir salué la prise de conscience des Maliens pour les risques actuels qu’encourt notre pays, le Chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé a rendu hommage aux soldats et civils tombés dans les zones en conflit avant de dénoncer ce qu’il appelle les dérives du pouvoir. Dans cet exercice, il haranguait le public en ces termes : « Est-ce que ça va au Mali ? » « Non ! », répondent les manifestants. « Est-ce que nos forces armées sont équipées ? » « Non ! », entonnent les marcheurs.
« Nous sommes là parce que ça ne va pas ! Les jeunes sont en chômage, les deniers publics sont dilapidés, la corruption est généralisée, le pays est arrêté. Les Maliens ont faim et soif. Notre Mali est en terribles souffrances sociales, en persistantes déviances affairistes, en misères économiques grandissantes et en méfiances inquiétantes de la communauté internationale et des investisseurs.
Plus de 30 mois d’immobilisme, voire de recul ont anéanti l’espoir, le bonheur et l’honneur tant promis. C’est pourquoi nous avons invité les Maliennes et les Maliens de tous bords, ce matin à la marche pour le Mali, pour faire entendre le cri de désespoir de notre peuple, le cri du peuple est notre cri à tous et c’est ensemble que nous devons désormais nous engager au chevet de notre pays pour le bien-être des populations, au-delà de tous les clivages politiques, dénoncer les dérives », déclarera Soumaïla Cissé. Pour lui, la présente marche n’est pas une marche de l’opposition, mais du Mali, car les militants de la majorité présidentielle étaient de cette marche. Nous devons, insiste-t-il, refuser catégoriquement la partition du pays dont les conséquences diviseraient notre peuple, exiger avec force la création massive et pertinente d’emplois pour les jeunes; soulager la souffrance du peuple par des subventions des denrées de première nécessité.
Dans son allocution, le chef de l’opposition estime que nos dirigeants vivent dans les nuages et la fiction, ce qui explique l’incertitude dans laquelle se trouve le Mali.
«Les Maliens ont la nette impression d’une action publique sans but, sans visibilité, d’un exercice du pouvoir qui tourne à vide, de l’absence de réformes, de direction et d’engagement.
Les Maliens s’interrogent sur le manque d’ambitions de la gouvernance actuelle car les incantations ne peuvent tenir lieu de réponses à leur angoisse.», précise-t-il. Pour Cissé, aujourd’hui, le régime en place n’en peut plus. IBK et son gouvernement ont montré leur incapacité à gérer le pays. Il parait qu’IBK a déjà le carton jaune, ironise-t-il. S’il ne change pas de cap, deux cartons jaunes font un rouge dans un match de football, mettra-t-il en garde. On ne peut pas bâtir un pays sur du mensonge. Notre combat est l’unité du Mali dans la prospérité. On ne doit pas s’asseoir et regarder le pays sombrer. Nous devons dire non à la fermeture des centaines d’écoles, de centres de santé et au chômage des milliers de jeunes.
« Aujourd’hui au Mali, tous les foyers sont privés d’électricité de jour comme de nuit à cause des coupures intempestives ; peinent à avoir l’eau potable à cause des coupures incompréhensibles ; s’affrontent à coup d’armes de guerre après des millénaires de cohabitation fraternelle et pacifique comme dans le centre du pays. Le Nord du Mali est caractérisé par l’absence totale de l’État et les populations abandonnées à elles-mêmes. Au regard de ce tableau sombre, l’opposition demande au pouvoir d’affirmer son autorité et de sortir de l’immobilisme actuel pour redonner espoir aux populations. «Parce que sans une République affirmée, sans un État respecté, sans une démocratie assurée, sans une vie politique guidée par l’intérêt général, sans un développement équitable et visible, il est fort à craindre que les mêmes causes produisent les mêmes effets, que la nation s’efface devant les intérêts privés et les particularismes destructeurs», préviendra l’opposition.
Pour ces raisons et tant d’autres, souligne M. Cissé, l’opposition républicaine et démocratique marche pour le Mali ce jour et prend à témoin le peuple malien et la communauté internationale pour exiger fermement du Gouvernement ce qui suit : des assises nationales pour la refondation de l’État ; le retour du Président ATT pour une vraie réconciliation nationale ; la fin de la dilapidation des ressources publiques ; l’emploi pour les jeunes ; une meilleure dotation des FAMa pour la défense de l’intégrité du territoire et la sécurisation des personnes et de leurs biens. A cela s’ajoutent : une gestion transparente des ressources allouées aux FAMa ; un allègement de la souffrance quotidienne des ménages; la fin de la gestion patrimoniale de l’État ; une meilleure présence de l’État et de ses démembrements sur toute l’étendue du territoire national et le retour au dialogue pour contenir un malaise social grandissant. Avant de conclure, le chef de l’opposition annoncera que cette marche n’est qu’un début. Car, promet-il, les manifestations continueront jusqu’à satisfaction des attentes du peuple.
Oumar KONATE
Immobilisme ou pilotage à vue dans un contexte généralisé de gestion patrimoniale des affaires publiques est vraiment mon impression. Il faudra que ce régime se remue un peu en actionnant au moins trois leviers pour la croissance économique :
les facteurs de production ;
les chaines de valeur ;
le transfert de compétence et de technologie.
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